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tiniak - Page 25

  • merci, Derain

    Derain - L'Estaque, 1907

    Dans les sous-bois de l’Estaque
    à l’abri d’un soleil flaque
    je t’ai vue venir, orange
    partagée d’aucun mélange
    oser le blanc sur le mauve
    là, entre les ocres fauves
    dans une ombre enfin lumineuse
    ta nudité radieuse

    Le cheveu brun à l’épaule
    le poing serré sur la gaule
    je t’ai croquée toute, écrue
    du bout du sein et du cul
    Ignorais-tu que je planque
    chaque jour dans les calanques
    tandis que dru le soleil plaque
    un dais sablé sur l’Estaque

    Tourbillon vertigineux
    l’œil mi-clos et la main bleue
    tu embrassais des fantômes
    essences parmi les chromes
    Quel bonheur de te saisir
    absolue dans cet empire
    lent mouvement rafraîchissant
    dansante absence de vent

    A travers le chêne-liège
    par quelque envieux sortilège
    tu m’aperçus, me souris
    m’approchas sous les taillis
    sans un mot pour mon travail
    ôtas mon chapeau de paille
    me confondis sur ta poitrine
    perlée de suées cristallines

    Notre bal sous les branchages
    un feu païen de sauvages
    rappelait de la nature
    la force brutale et pure
    surgissant de la bruyère
    s’égaillant dans la clairière
    escadrons frôlant nos genoux
    des nuées de criquets fous

    De vie à trépas, retour
    en ma chambrée de Collioure
    sous l'coude un canevas cru
    où tu ne figurais plus
    Je t’ai gardée pour moi seul
    pièce manquant au puzzle
    où l’écho de ta robe claque
    dans le marin sur l’Estaque

    (épilogue)
    t'ai-je vraiment retrouvée ?
    un peu tard, l’été dernier
    tes yeux plongeaient dans la toile
    mi-clos comme l’Estivale
    tu as vieilli ; moi, pareil
    nous reproche un franc soleil
    tu me remis ce chèque en main

    tu dis : merci
    moi : Derain.

    tiniak © 2008 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    inspiré d'une toile de André Derain
    L'Estaque, 1907.

  • brosli

    Esc_spir.jpg

    Dans ma bibliothèque, Brassaï
    joue et tire à la courte paille
    pour savoir de Hegel ou Kant
    qui a Le Don des cartes ; et Dante
    repeint le plafond des Enfers
    pour accueillir chez Lucifer
    les pleurs de Melmoth, L'Homme Errant
    - Minotaure aux rives du Temps

    Dans ma bibliothèque, Camus
    peste contre des rois Ubu
    ramenant leurs bien tristes mines
    morne rigodon chez Céline
    qui vient de chasser Eluard
    et son lot de copains braillards
    dont les clameurs fondent, rigole
    par le soupirail de l'école

    Dans ma bibliothèque, Ronsard
    cuve avec Ovide au mitard
    le plastron rougi de vins lourds
    (ils ont incendié Jean Dutour!)
    dehors, Simenon les attend
    assis sur un banc avisant
    les silhouettes embrumées
    au bras de vagues gringalets

    Dans ma bibliothèque, Alphonse
    allait chercher quelque réponse
    le Cap droit sous la Tour Eiffel
    ignorant Drieu La Rochelle
    Gide au présent garde sa veste
    pour ne pas demeurer en reste
    et traduit encore et encore
    Gitanjali pour son Tagore

    Dans ma bibliothèque, Malraux
    chevrote du Victor Hugo
    au Panthéon faisant l'éloge
    des absurdités de Desproges
    dans son coin Gaston Gallimard
    éconduit par la Yourcenar
    marmonne un mot de Mallarmé
    et se perd dans les escaliers

    Ma bibliothèque infinie
    Caverne, abîme de Brosli
    en carton,  main, poche, étagères
    perle d'ombre ou puits de lumières
    être d'impairs en Nombre d'Or
    lettrine torsade en décor
    parcours sans tain, tous les dédales
    dans un vieux cahier à spirales

    tiniak © 2008 DUKOU ZUMIN &ditions Twalesk
    impromptu littéraire - tiki#9

  • Anneaux logis

    lumière pure

    que le monde soit vide à ras-le-bol
    ou plein d'essence
    dans les ciels absents d'Anne
    bulle dorée, danse !

    quand ça tourne pas rond sous nos pieds
    que les lutins restent cachés à la racine
    avec nos araignées pour seules copines
    Anne alors lève le couvercle
    de ses quadratures du Cercle

    pour les milliers décents devant l'Autre derrière
    sans raison nulle part sans ailleurs qui ne brille

    pour l'oeil à demi clos sous la fenêtre bée
    pour la lèvre fendue lucarne que mordille
    l'émail éffilé d'un stilet

    pour la jupe des filles qui passe comme l'oie
    ignorante bécasse
    mais plus près, à deux doigts

    pour la main du garçon qui tremble en extirpant
    de sa poche élimée
    le dernier des bonbons

    (le brillant, l'aveuglant, le criant invisible)

    les anneaux d'Anne logent
    dans leurs maisons fardées
    un lumineux éloge

    un train de bulles dorées
    chacun la sienne, carrée

    où le lutin embrasse la poupée.

    poupée russe

    © 2008 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    tiniak, inspiré par les oeuvres graphiques
    de
    Anne Le TOUX

  • mille et dix

    renoncule.jpgS ouffle, dame
    O ublieuse à l'envi
    U ne autre vie s'enflamme
    F urtivement ici
    F ile un air d'oriflamme
    L ent dans le vent qui meurt
    E ffet de calligramme
    D anse intense, lueur
    A llégorie de lame
    M inutie de l'ardeur
    E t migrance de femme

    cette fleur de rien
    ce bouton d'or
    pour ta
    Présence d'instinct,
    trésor

    tiniak à milady / SOUFFLEDAME
    © 2008 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • la faim du monde

    l'oeil était dans le livreJe les ai bien entendus, moi

    les vents savants

    dans leur élan

    aussi sauvages que l’enfant après ta chevelure

    grimpant aux arbres

    raclant les murs

    faisant vibrer les devantures

    levant le voile et les vivats

    des garçons agitant les bras

    ça rigolait dur sous la douche

    là où la gouttière fait mouche

    ouvrant le col comme une baie

    et nous menait, tu sais bien où

    tout doux tout doux

     

    Je les ai bien respirées, moi

    les fleurs nouvelles

    à rimer à la bagatelle

    ployant le cou sous la caresse

    disposées à d’autres largesses

    assurées du tendre à venir

    et ça s’affaissait sous nos doigts

    affolés par, tu sais bien quoi

    leurs tiges nous striant le dos

    leurs jaunes dans ton indigo

    avant de garder notre empreinte

    sur la pairie, repeinte

    qui sembla n’attendre que nous

    Tout doux tout doux

     

    Je les ai bien embrassées, moi

    les ondes claires

    au cours disert

    murmurant des contes païens

    roucoulant le nom des marins

    vers les nuées depuis la source

    et ainsi jusqu’à la Grande Ourse

    où nos larmes se sont trouvées

    je me retourne et je te bois

    liqueur de la Vallée des Rois

    et tu goûtes mon élixir

    sur l’écho flottent nos soupirs

    nos genoux lissent les cailloux

    tout doux tout doux

     

    Je les ai bien admirées, moi

    les flammes vives

    or vacillant à la dérive

    cuisant les soupes de brindilles

    que nous ont préparées les filles

    se figurant maîtresses femmes

    leurs mouvements brûlant nos âmes

    j'en cherche encore tout le secret

    te couchant nue près du foyer

    dont la chaleur est moins exquise

    que celle où tu as la main mise

    tandis que la fumée s'élève

    tout se consume autour de nous

    tout doux tout doux

     

    de tout cela, que verras-tu

    ma petite fille aux pieds nus sur le carrelage

    quand tes yeux auront pris de l'âge

    et que mon temps ne sera plus ?

    l'oeil d'Horus

     

    horus tiniak © 2008 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK