
Dans les sous-bois de l’Estaque
 à l’abri d’un soleil flaque
 je t’ai vue venir, orange
 partagée d’aucun mélange
 oser le blanc sur le mauve
 là, entre les ocres fauves
 dans une ombre enfin lumineuse
 ta nudité radieuse
Le cheveu brun à l’épaule
 le poing serré sur la gaule
 je t’ai croquée toute, écrue
 du bout du sein et du cul
 Ignorais-tu que je planque
 chaque jour dans les calanques
 tandis que dru le soleil plaque
 un dais sablé sur l’Estaque
Tourbillon vertigineux
 l’œil mi-clos et la main bleue
 tu embrassais des fantômes
 essences parmi les chromes
 Quel bonheur de te saisir
 absolue dans cet empire
 lent mouvement rafraîchissant
 dansante absence de vent
A travers le chêne-liège
 par quelque envieux sortilège
 tu m’aperçus, me souris
 m’approchas sous les taillis
 sans un mot pour mon travail
 ôtas mon chapeau de paille
 me confondis sur ta poitrine
 perlée de suées cristallines
Notre bal sous les branchages
 un feu païen de sauvages
 rappelait de la nature
 la force brutale et pure
 surgissant de la bruyère
 s’égaillant dans la clairière
 escadrons frôlant nos genoux
 des nuées de criquets fous
De vie à trépas, retour
 en ma chambrée de Collioure
 sous l'coude un canevas cru
 où tu ne figurais plus
 Je t’ai gardée pour moi seul
 pièce manquant au puzzle
 où l’écho de ta robe claque
 dans le marin sur l’Estaque
(épilogue)
 t'ai-je vraiment retrouvée ?
 un peu tard, l’été dernier
 tes yeux plongeaient dans la toile
 mi-clos comme l’Estivale
 tu as vieilli ; moi, pareil
 nous reproche un franc soleil
 tu me remis ce chèque en main
tu dis : merci
 moi : Derain.
tiniak © 2008 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
 inspiré d'une toile de André Derain
 L'Estaque, 1907.
