Taire, nourrisse hier
à l'histoire moins douce que le souvenir
mieux vaut peut-être, alors, savoir ne rien en dire
et laisser le passé mouronner dans son suaire
Un silence apaisé ne masquera pourtant
ni l'écho de son chant
ni l'odeur
où se mêlent effluves de sueur
et les parfums ancrés depuis le premier âge
avec ceux amassés de carnage en carnage
(la paume de la main qu'il a fait bon baiser
le cheveu qu'un marin avait gainé de sel
la chaleur du tétin qu'a libéré l'aisselle
et le prochain festin qu'inspira le dernier)
Bientôt - et sans discours ! je vais me perdre encore
en allant explorer mon dédale à rebours
sans même avoir levé un gramme de mon corps
vers le ciel impotent et ses flasques pourtours
Proustienne madeleine à l'heur ébroïcien
quel était le jardin qu'il nous fallait quitter
quand tu livrais bataille avec ton seul bouquet
contre le bégonias qu'enviait le voisin ?
Non, Rose... ton bouton ne me grisait pas tant
que celui dégrafé par mes doigts ingénus
qui libérait soudain le fébrile tourment
que devoir accepter l'implicite refus
Voilà, je suis perdu; trop de senteurs m'assaillent
et, ne formant bientôt plus qu'une même essence
Prégnance ! Prégnance !
Remontée des entrailles !
Il m'en sort de partout de ce jus d'évidences
J'en imbiberais bien le creux de ce mouchoir
mais, si j'y fais un nœud sur quelque vague espoir
tout va me revenir
en pire empire !
charriant tous ses relents dans le moindre soupir
(une coulée de fonte embaumait l'orient sale
et gerbait sous les nues un feu rose et violet
plus tard, la marée monta, septentrionale
en broyant son varech au tamis des rochers)
Taire ?
La belle affaire !
Il pue trop, ce silence...
plein qu'il est des odeurs de la réminiscence
tiniak ©2014 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK