Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

carnÂges - Page 34

  • ma grande faite

    klimt_nuque.jpg

    La braise d'une histoire enfin apprivoisée
    - teinte rousse en reflets au cheveu matinal,
    accuse la blancheur de l'arche libérale
    implorant le bel or de la gratifier
    du creux de son épaule à sa nuque pliée
    par un tendre baiser mieux que subliminal

    La rosée qui jalouse une main fraîche encore

    sanglote sans gémir, doucement sévapore
    sur la terre engourdie mais déjà odorante
    des pattes de fourmis sont plus tonitruantes
    que ces doigts qui promènent sur la pointe
    sans peine aucune et sans aucune feinte

    L'échappée de ce vent au feulement torride
    précipite le temps et s'empare du vide
    pour en faire un bouquet chargé de citrons verts
    où l'air et la lumière apprennent à s'aimer
    dans cette transhumance
    leur alliage se forge à gorge déployée

    C'est la fête du rire aux balcons du sapin
    venue ruer dans les plumes son serpentin
    et donner le vertige aux railleuses corneilles
    tout l'éclat du soleil y fait pâle figure
    dans cette délivrance
    la folie paraît être la seule aventure

    La folie seule emporte un monde et son passage
    La folie, cette porte ouverte à davantage
    est la folie des sens émoustillés d'eux-mêmes
    la folie qui arrache à l'ombre des "je t'aime"
    "ah ! c'est toi", "ah mourir", "ah ! je te reconnais"
    la folie dont l'ardeur s'abreuve de sang frais

    La folie qui t'a faite grande et sans pareille
    a les mains d'un géant fraternel en sommeil
    sa manœuvre invisible assure son maintien
    quelle que soit au ciel l'étoile qui s'éteint
    les deux pieds dans la source
    tu regardes passer l'infini dans sa course

    Et qu'importe des temps la marque sur ta peau
    qu'importe du tourment la lave et son brûlot
    c'est ta fête, aujourd'hui s'y emploie volontiers
    et garde loin de toi tout des inimitiés
    des petitesses d'âme...
    et donne à ton cheveu la mouvance des flammes

    Alors je te découvre et te prends pour festin
    je t'embrasse les yeux, je t'embrasse la main

     

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    Illustration : Klimt, détail.

    Lien permanent Catégories : carnÂges 0 commentaire
  • La preuve par quatre

    Avant l'été, j'aurais marché
    vint-cinq années durant
    les yeux derrière
    les yeux dedans
    et des mains à ne plus savoir qu'en faire
    battant mes flancs
    battant l'air
    balançant d'avant en arrière
    aveuglément

    Si j'ai séjourné quelques fois
    - en quelque endroit sûr ? à la brune ?
    à jouir de la bonne fortune
    d'une merveille...

    rotonde et vieille craie
    marée, varech et moules frites
    nuit tombée sous les oliviers
    chimers, sillons océantiques
    et puis la grève
    où le marin mugit depuis son Rêve

    j'émergeais toujours au-delà
    - j'aurais cheminé malgré moi
    ...suivant un chien ? ...dans mon sommeil ?
    sans reconnaître rien à rien à mon réveil

    J'étais allant
    obstinément
    coiffé de mes deux grands soleils
    me figurant simple et pareil
    au bonze en bronze recueillant
    des mantras le long chant de veille

    Aux abords de la ville
    je laissai mon bagage
    - à d'autres d'en tirer bel avantage

    Je percevais, subtile
    mais pas mystérieuse
    une rumeur aux notes savoureuses

    Leur écho sur le fleuve
    ricochait - ce me semble,
    entre les bras des saules sous les trembles

    Le jour s'arrêta à mi-cours
    je sus dès lors m'appartenir
    qu'il durât encore et toujours

    Je pris un citron vert
    pour en goûter le jus
    je crus m'éparpiller dans l'atmosphère !

    D'abord effarouché
    un sang moins lapidaire
    me parcourut l'échine et les artères

    Depuis son vieux clocher
    l'horloge familière
    sonna ces vint-cinq années passagères

    Je sentis ta main pleine dans la mienne
    La peur se tenait loin de nos regards
    L'aujourd'hui recouvrit figure humaine
    Nous marchions sous les feux de quatre phares.

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

    Preuve par 4(1) 061.jpg

    René FRERY, Les Quatre Soleils, 2002.

  • roman fleuve

    Molle parade au lit noueux
    va son cours le fleuve indolent
    ses lèvres brunes paressant
    aux pieds des arbres tortueux

    Au loin, son sourire folâtre
    avec une ancienne aventure
    qui le nargue à cette embouchure
    et lui rengorge une eau saumâtre

    Pas de deux sous l’enjambement
    d’un pont sur ses rives cabré
    nous promenons nos satiétés
    repues de nos derniers élans

    Tu n’as pas froid, dis, sous mon aile ?
    Es-tu sereine et bien heureuse ?
    Tai-je connue plus radieuse ?
    Hier, étais-tu aussi belle ?

    Vois, je rechigne à prononcer
    à ton oreille ces questions
    quand à ma joue colle ton front
    et que je t’entends murmurer :

    Vois, je suis pareille à ce fleuve
    où tu viens tremper ton plumage
    toi, mon bel oiseau de passage
    et que n’entame aucune épreuve

    Moi qui me rêvais mandarin
    pêchant jusqu’au seuil de la nuit
    de quoi combler nos appétits
    et te réveillant au matin !

    C’est à douter des connivences
    et leur tacite certitude
    accolée à cette habitude
    où nous croyons lire la chance

    Comme à marcher d’un même pas
    on se croit pris d’un même élan
    vers le même endroit cependant
    qu’on sera seul arrivé là

    Où mollement le fleuve emporte
    la moindre poussière alluviale
    que la profondeur abyssale
    entraîne dans sa place forte

    Mais puisqu’on se l’était juré
    je te dis tout mon sentiment
    quand le marin de l’océan
    ravive le parfum salé

    Et ton sourire
    chasse entre nous l’idée du pire

     

    madarin.jpg

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • logorrhée

    (Délit de verbiage)

    Pec30marasme.JPG

    Des logorrhées libératoires
    j'en ai des baquets plein la cour
    où trempent des bris de miroirs
    surnagent de vaines amours

    Ça fume un peu au crépuscule

    - vous choisirez : matin ou soir,
    tout :  le délit des tubercules
    le jus des yeux usés d'y voir

    le ciment boueux des paroles
    dont l'effritement s'agglomère
    avec les serments à la colle
    et les pitoyables prières

    J'en ai aussi pour mes humeurs
    et mes envies de gris sourire
    aux appétits enjoliveurs
    dispendieux et pince-sans-rire

    Ça ploppe, ça nauséabonde
    ça flatule des afflictions
    peinées que la Terre soit ronde
    et l'univers en expansion

    De regrets point, mais que de rages
    au goût de revanche avortée
    litanie des faibles courages
    l'enthousiasme procrastiné

    Dramaturgiques abreuvoirs
    sièges d'auréoles aveugles
    bouches bées crânes, cernes noirs
    qui ne pleurent plus ni ne beuglent

    Votre silence abasourdi
    soit le Cri de Munsch en suspens
    affligeant de catatonie
    l'aliénation du sentiment

    À vos stupeurs de gélatine
    viennent s'empêtrer les marasmes
    de vos capitales lettrines
    aux totalitaires fantasmes

    Ce trop plein d'aigreurs qui m'encombre
    la vue, la poitrine et le sang
    j'en régurgite la part d'ombre
    au comble de l'écœurement

    D’un baquet l’autre, mes crachats
    curent mon esprit saturé
    de gras et pompeux postulats
    m’exonèrent d’une saignée

    À mon tour de verser des fleuves
    jusqu'aux chimers océantiques
    pour faire à l'Aujourd'hui peau neuve
    et manifeste poLétique

    Je sais comme la Terre est plate
    - sinon, quels sauts dans l'inconnu ?
    Adieu, Corbeau ! Siffle, mainate
    le ciel à la jupe fendue

    J’écoute le chant du vivant
    bruire son ample symphonie
    de la fourmi à l’ouragan
    sur le bourdon des tectonies

    Je bois des pluies de météores
    les brandons perdus pour l’enfer
    leur cuivre est plus propre que l'or
    à nous apporter la lumière.

     

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Impromptu Littéraire - tiki#76.

    Illustration : Jacques PECLERS, dit Pec (1930-2000)
    Toile "avortée", initialement intitulée Marasme.

  • lettre classique

    (ou La Tragédie épistolaire du Col en V)

    Dame,
    je ne suis pas certain de vous avoir connue ;
    si je puis rappeler d'entre mes souvenirs
    votre large sourire, au reste je n'en ai
    pas tenu ferme compte et n'ai donc jamais su
    de votre dentition le nombre d'unités

    si mon cœur et mon chant raccordaient la mesure

    de votre tessiture à leur dernier point d'orgue
    toute autre mélodie lui semblant mal venue
    mon oreille où perdure un murmure de sorgue
    eût peine à prolonger cette longue ouverture

    si ma paume révoque une caresse pleine

    au repli de votre aine, à votre croupe ronde
    j'ignore de vos yeux comme ils voyaient le monde
    ni quelle place avais-je alors dans cette scène
    - quel que soit mon effort, ça ne m'apparaît plus !

    Dame ! d'où me vient donc
    le sentiment profond de vous avoir perdue ?

    Un ourlet de galets

    aux ronds et plats sommets
    coupe des promeneurs à la taille ;
    nul vent ne les assaillent
    cependant, je frémis

    En ordre fragmentaire

    un rang de lampadaires
    orange les reflets du trottoir ;
    je ne crains pas le soir
    mais ses francs appétits

    L'ardoise des toitures

    canevas de ruptures
    tire un cache-misère éprouvé ;
    n'était l'heure sonnée
    j'y serais assorti

    Dame, je vous écris
    allongé sur ma couche
    pourtant je ne nourris certes pas d'autre espoir
    qu'au retour de ce pli
    à l'angle de ma bouche
    un trait me signifie fin de non-recevoir

     

    ardoise_lucarne.JPG

    tiniak ©2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK