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courrier du cœur

  • lettre classique

    (ou La Tragédie épistolaire du Col en V)

    Dame,
    je ne suis pas certain de vous avoir connue ;
    si je puis rappeler d'entre mes souvenirs
    votre large sourire, au reste je n'en ai
    pas tenu ferme compte et n'ai donc jamais su
    de votre dentition le nombre d'unités

    si mon cœur et mon chant raccordaient la mesure

    de votre tessiture à leur dernier point d'orgue
    toute autre mélodie lui semblant mal venue
    mon oreille où perdure un murmure de sorgue
    eût peine à prolonger cette longue ouverture

    si ma paume révoque une caresse pleine

    au repli de votre aine, à votre croupe ronde
    j'ignore de vos yeux comme ils voyaient le monde
    ni quelle place avais-je alors dans cette scène
    - quel que soit mon effort, ça ne m'apparaît plus !

    Dame ! d'où me vient donc
    le sentiment profond de vous avoir perdue ?

    Un ourlet de galets

    aux ronds et plats sommets
    coupe des promeneurs à la taille ;
    nul vent ne les assaillent
    cependant, je frémis

    En ordre fragmentaire

    un rang de lampadaires
    orange les reflets du trottoir ;
    je ne crains pas le soir
    mais ses francs appétits

    L'ardoise des toitures

    canevas de ruptures
    tire un cache-misère éprouvé ;
    n'était l'heure sonnée
    j'y serais assorti

    Dame, je vous écris
    allongé sur ma couche
    pourtant je ne nourris certes pas d'autre espoir
    qu'au retour de ce pli
    à l'angle de ma bouche
    un trait me signifie fin de non-recevoir

     

    ardoise_lucarne.JPG

    tiniak ©2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • lettres mortes

    1049350325.jpgNe pas l’ouvrir et tout savoir

    de ce pli sur mon écritoire ;

    déjà suffise à mon bonheur

    d’en percevoir la douce odeur

     

    Ah, l’être ! …l’être que contient

    cette enveloppe qui me vient

    d’un ailleurs aussi véritable

    que des pensées les plus aimables

     

    tant attendues, tant espérées

    pour encore un temps cachetées

    tout au plaisir de différer

    le plaisir d’en lire le trait

    à s’ensuivre

     

    Ne pas l’ouvrir – pas maintenant !

    Savourer cet ajournement

    plus intense que la venue

    du cadeau qu’on a tant voulu

     

    Ah, lettre ! … lettre, jour de fête !

    J’ai cette griserie en tête

    où se mêlent tous les refrains

    des « je te veux », des « allez, viens »

     

    Et ça bourdonne des printemps

    les vivaces débordements

    qui portent l’âme à s’émouvoir

    d’un rais lumineux sous le soir

    et m’enivrent

     

    Ne pas l’ouvrir qu’avec les yeux

    et respirer encore un peu

    de sa lointaine provenance

    la fine et précieuse éloquence

     

    Ah ! l’être (lettre), c’est magie !

    C’est commencer où tout finit

    signé le dernier caractère

    dans les mains du destinataire

     

    C’est l’envol des félicités

    allant sous l’aile repliée

    porter à l’autre en quelques pages

    Delaporte_Salmigondis.jpgle plus intime des messages

    comme un livre

     

    Ne pas l’ouvrir – comme toujours,

    la joindre à tes lettres d’amour

    que jamais le rêve n’en sorte…

    Oh, magnifiques

    Oh, rhétoriques lettres mortes

     

     

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

    impromptu littéraire - tiki# 60

    illustration (ci-dessus) : Janine Delaporte.