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poésié - Page 77

  • Des ordres, ménager

    Gaëna da Slyva, photographe

    La maison est en ordre -intérieur et contours
    Permettez que d'un trait j'en caresse l'espace
    un moment, l'aujourd'hui :

    Son histoire est en paix; n'y manquent pas l'amour
    avec ses peaux cassées roulées dans les tiroirs
    ni les cheveux défaits en vagues de velours
    proprement dénoués aux fenêtres du soir
    dans l'écho mollissant de ses derniers tambours
    ni la pâleur des murs auréolés d'absence

    L'escalier peut grincer des dents sans déranger
    le mobilier chiffon sous son drap de poussière
    il a les pieds moussus, les charnières rouillées
    il a le sommeil lourd des castes ouvrières
    qui auront bu leur soûl, devant s'en contenter
    à défaut d'avoir jamais eu remplie la panse

    Le salpêtre a gagné, allant de pièce en place
    sur le vieux tabac gris, le graillon de cuisine
    les cuivres au Miror luisants comme la glace
    les rares sels de bain chipés à l'officine
    le charbon, la lessive et la boue des godasses
    Le temps n'a pas de nez; c'était perdu d'avance

    Le brun mange le jaune et la nuit s'en défend
    - c'est l'œuvre du soleil la ruine des couleurs !
    comme fane un genêt privé de l'eau des champs
    au papier a déteint l'arrogance des fleurs
    maintenant qu'elle peint tout selon son humeur
    s'oblige la mémoire à quelques indulgences

    Le visage envahi par une barbe rousse
    au-dehors, la maison fait un peu sa coquette
    mais ses volets cernés qu'aucune main ne pousse
    trahissent les assauts récurrents des tempêtes
    A deux pas, le manoir, à peine pris de mousse
    ne semble pas navré de cette dépendance

    La maison est en ordre -intérieur et contours
    Un parent m'y lisait La Vie est dégueulasse
    comme on déguste un fruit

     

    tiniak © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Impromptu Littéraire - tiki#135

    Illustration extraite de
    © LA CHAMBRE NOIRE de Gaëna Da Sylva, photographiste.

  • Nocturne plaint

    hibou

    Depuis que tout soupire et se rêve autrement
    une lune a repris ses quartiers haut de gamme
    inflige sa pâleur à de lointaines flammes
    où se perdent les vœux de nubiles amants

    Je suis là, scrutateur, à l'œil un trouble neuf
    moins mobile qu'un œuf aussi plein et entier
    même, je ne crains plus aucun des carnassiers
    dont j'ai pu réchapper après ce coup de bluff

    (quand je verrai Poucet
     lui toucherai deux mots
     de ce moyen nouveau
     qui pourrait l'inspirer)

    Je suis l'as et du ciel et des ombres étranges
    inquiète les esprits comme le campagnol
    réfute du Zodiaque une trop vieille école
    chinoisant pied à pied sur le statut d'Archange

    Des ailes, quoi ! aux pieds ? ça me ferait bien mal…
    Et puis, quoi ! voleter en cherchant des misères
    à des âmes bien nées ou s'allant au contraire
    prôner une espérance en ce règne animal ?

    Lune sale et replète, au visage impassible
    que vais-je t'attribuer un complice regard !
    Aux cimes, tu parais sans arranger ton fard
    et ne peux qu'accuser mon ombre sur ta cible

    (que je trouve mon Jules
     et lui dirai ce fait :
     Pierrot est sourd et niais
     à ce que je hulule)

    J'en ai vu tant passer - à se tordre le cou !
    surpris, désemparés, curieux ou s'affolant
    à mon cri, d'ignorer, quand je fais mouvement
    à qui je vais donner la danse du hibou

     

    hibou_059.giftiniak © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Impromptu Littéraire - tiki#134 

     

     

     

    si, si... il y eut bien une 133ème participation aux Impromptus Littéraires
    la consigne portait sur un plagiat de chanson... >> tiki#133

  • Eden malade

    squelette_smoke.gif

    I

    Calamités indéfalquables
    de nos impôts - l'impondérable
    et souverain prélèvement
    à la source du Bon Vivant !
    acquittez vos orphelinats
    au moyen de nos reliquats
    plutôt qu'à vider de substance
    notre terrienne et bonne chère
    aux tendres bienfaisances

    II

    Mystère que c'est, maladie...
    Quoiqu'en pût distraire l'oubli
    quand la piqûre de rappel
    nous ôta soudain beurre et miel
    alors, aux rages des espoirs
    perdus - sans lutte et donc sans gloire !
    s'ajouta la triste nouvelle :
    amour, tu n'es pas éternel

    Mais si ! (hauts cris, indignations
    surabondance d'afflictions)
    Messie : - Mais si !
    Ménon : - Mais non !
    Et puis, conflit des doctorances
    et autres avis d'importance...
    Mais là, tout à soi, au milieu
    sachant que l'on n'ira pas mieux
    s'impose l'idée que la paix
    viendra son temps (ce qu'On Dort sait)

    Vie rêvée sans conflit majeur
    (des microbes tous les quarts d'heure)
    s'autorisant des alchimies
    loin des lamasabaktani
    (avec tes plantes, Notre Terre)
    pour nos très plantureuses Chères
    débarrassées de leur bagage
    (incompressibles bavardages !)
    qui, voyageant sur nos genoux
    soufflent à notre âme leur coût
    (d'ici, où nous sommes connus
     jusqu'à hors de portée de vue)
    m'accorde enfin - et sans douleur,
    gratuité de médication
    et cure du malheur

    III

    Pinailleries de Supplicié
    (pour qui souffrance à l'Homme sied)...
    Plutôt, mourons de nos agapes
    Jouons à "chiche, tu m'attrapes"
    chaque fois quand, sonnée l'alerte
    professant un débours à perte
    il aura fallu s'éclipser
    devant ses chantres cavaliers d'apocalypse
    en recourant in extremis
    au truchement d'une... asyndète ?
    pirouette ?
    cacahuète ?
    (pieds de nez !
     stratagèmes chers à Poucet)
    nulle autre occasion à saisir
    puisqu'en la matière n'est pire
    et brute et pâle épiphanie
    que celle où nous plonge à la fin la maladie

    IV

    Orphelines de guérison
    (métaphoriques « à quoi bon »)
    à d'autres servez vos comptines;
    je n'en connais pas de bénignes
    Chaque assaut conduit à trépas
    (également, goûtez l'astuce :
     irreparabile tempus)
    le plus humble des cas sans drap
    le potentat des Hauts Nanismes
    le plus serein métabolisme
    aussi le plus chiche des corps;
    tous verront le rideau de mort
    tomber de haut sur leur théâtre
    dont le Très Averti remit la clé au pâtre
    (lequel, troupier !
     mène cheptel au cordeau saluer)

    En rang d'oignons
    nous saluerons
    Maladreries et Dispensaires
    En rang d'oignons
    nous saluerons
    Petit's Misères z'et Moignons

    Oui, mais ripailles ! foutre ! joie !
    infantiles sabres de bois !
    carnages crus, à ciel ouvert
    et rire aux portes de lents vers !
    Ô hédonismes forcenés…
    Renvoyez tous les accusés
    de déception
    au bureau des ordonnances sans rémission
    Gardez-nous meilleur appétit
    pour d'opulentes prophéties
    Rapprochez votre naturel
    de nos tablées confraternelles
    et  prenez soin, dans vos maximes
    de nos amitiés anonymes
    qu'auront privées - trop tôt, toujours !
     Qu’à chères,
     périssables amours…
    de Partage
    d'obscures cimes de fer dont c’est l’apanage

    J'y connais quelques contrepoints
    Contrepétons à leur tintouin:

    "Comme on tait sa lie on se mouche"
    "Bière qui roule a clos les bouches"
    "Bien mal appris qui manigance"
    Ah, délictueuses contredanses
    que brailleront aux maladies
    nos spirituelles compagnies

    Il peut bien sonner, le tocsin
    Révisons notre libertin !

    Grand bien nous fassent maladies
    Ne succomberons qu'à la vie !

    V

    Haro ! Haro, sur nos avoirs
    tout englués du mésespoir
    de n’être pas propriétaires
    de ce caillou dans l'atmosphère

    La vie se prend; la vie se donne
    La mort ne distingue personne

    Le bien passe de main en main
    Et quand il faut sortir le chien
    alors, surprise !
    il y manque une friandise

    Soudain, la jambe fait défaut
    (qu'on avait pourtant levée haut)
    et ce manteau baille à l'épaule
    (qu'on se prêtait à tour de rôle)

    Le loyer qu'il reste à solder
    hypothèque notre santé
    squelette_lady.gif(oui, ne sommes que locataires
     sur ce caillou dans l'atmosphère)

    VI

    Pendulant à sa crémaillère
    voyez le chaudron ! Y bouillonnent
    des médications polissonnes;
    dans leur jus
    le carnassier détachement de nos bons crus

    Invisible à nos yeux troublés
    voici que vient à s’y pencher
    la lippe replète et gourmande
    la Preneuse de Dividendes

    Elle fredonne :
    « La mort ne distingue personne …»
    et fait bonne chère, pardi !
    (ah, vanité des arguties)
    pareillement (le reste, au pluc !)
    de la cuisse fripponne et du gras de l’eunuque

    VII

    Allons, amour, passe-moi l’sel
    et finissons l’ensemble d’une ritournelle :

    Mon âme, mon âme
    a bien mal à sa fête
    La Dam' lui a fait faire
    sa dernière pirouette
    sa dernière pirouette
    et lui donnai le bras, la la
    et lui donnai le bras

    squelette_kid.gif
    tiniak © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
     

  • pluviométries

    ...d'après © Louise Markise

    Deux mains fouillent un sol où le visage aimé
    a fini d'abriter son intime
    à chaque œil, un centime
    à chacun son loyer

    Mais la terre argileuse ayant durci le ton
    fait de la rétention de calvaire
    n'entend pas la prière
    les regrets, l'abandon

    Obstinément des pleurs martèlent la surface
    sans pouvoir délayer la poussière tenace

    Et le front qui se lève au ciel inamovible
    souhaiterait qu'enfin crève un nuage tangible

    L'orage passe au loin
    épargnant le bon foin pour les granges d'ici

    Ah, dieu ! que fait la pluie ?

    Les bottes gavées d'eau terreuse et de gravier
    un enfant du quartier, goguenard
    rentrera sur le tard
    sa gueule enfarinée

    Parenté pointilleuse, il aura sa leçon...
    mais l'heure est à l'affront, haut et fier
    devant tous ses confrères
    garder ses pantalons !

    Ouvertement railleur et le rire bravache
    ajoute à son aspect déplorable des taches !

    Et c'est la lutte à mort qui s'ouvre au caniveau
    Ça redouble d'ardeur et ça hurle "taïaut !"

    Il ne manque plus rien
    qu'un déluge au festin; que tout soit accompli

    Putain ! que fait la pluie ?

    Une glaise attend là de prendre forme humaine
    Et tout un régiment d'achever la semaine

    Une larme se tient tranquille au bout du nez
    Un coup de pied au cul se perd dans la soirée

    © Louise MarkiseMais la pluie ne viendra
    (toute à son importance)
    qu'à cette condition :
    Formez le rigodon !
    Il y faut une danse...
    Qui en saurait le pas ?

     

     

    tiniak © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Impromptu Littéraire - tiki#132 

    Illustrations d'après et de
    ©
    Louise Markise

  • 2012 Pénélopes

    Gaëna Da Sylva, photographeUn murmure de soir a soufflé sur ses doigts
    Ombres ébouriffées, l'allée sage s'étire
    Un lacis de serpents bouge au moindre soupir
    et se frotte à l'épaule, à son pâle beffroi

    La buée du regard s'écoute chavirer
    dans les plis fatigués d'une antique posture
    avec le poing crispé sur l'épaisse tenture
    encadrant la fenêtre où nul n'est arrivé

    Sous la pression d'un ciel imprimant son déclin
    un astre hésite encore à rougir davantage
    au rang de peupliers les plus rares feuillages

    L'énigme irrésolue replie son maroquin
    Il ne paraîtra plus aujourd'hui, c'est certain
    La rue peut s'encombrer d'anonymes partages

    ***

    Il viendra
    Il arrive
    Il l'a dit
    Il l'a dit
    Il était dans mon ventre quand il a promis

    Oh, comme il aura faim !
    Oh, comme il sera fou !
    Comme il sera grand temps d'être ensemble partout
    de régner sur le monde en lui donnant le sein
    de repeindre l'orage avec notre sueur
    de sourire endormis à notre plein bonheur
    Oh, dormir !
    en n'étant pas inquiets, demain pourra venir
    ce sera aujourd'hui
    et encore, et encore...
    Et nos yeux nous seront le plus vaste décor

    Gaëna da Sylva, photographeIl viendra
    - mais bien sûr !
    puisqu'il me l'a promis
    Il viendra, c'est bien sûr
    Il l'a dit
    Il l'a dit

    ***

    Anonymes peuvent paraître
    à l'enfilade les fenêtres
    mais que vitre vienne à vibrer
    qu'un doigt sépare leur ourlet
    qu'un hiver de frimas redouble
    et révèle une buée trouble
    alors tout le sang contenu
    l'espoir qui se serait perdu
    les pleurs que masquait un soupir
    et le fol élan du désir
    échappent
    aux civilités scrupuleuses dont se drapent
    les huissiers rigoureux de l'être
    et s'illumine à la fenêtre
    insigne
    une âme
    dans l'éclat pur et particulier de son drame
    digne
    patente
    signant de son total amour
    l'attente ?

    ***

    Gaëna Da Sylva, photographe"Oh, qu'Une...!"
    et même et seule et pâle comme Lune
    inamovible face au monde
    bienveillante et calme, féconde
    au fil des heures s'émoussant
    un apathique emploi du temps
    coulant son regard nyctalope
    (apanage des Pénélope)
    sur l'avenue des anonymes
    retours aux affaires intimes
    frémisse encore
    certaine d'être arrimée à bon port

     

     

    Just watchin' you without me

     

    tiniak © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    inspiré de trois photographies extraites de LA CHAMBRE NOIRE
    de Gaëna Da Sylva


    Illustration sonore : par ici...