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°amours filiales° - Page 12

  • impossible conservatoire

    Le Déjeuner sur l'Herbe, de Monet.jpg
    le gazon pianotait sur le dos des fourmis
    sous la brise légère, un bel après-midi
    s'offrait à la paresse, invitait au voyage
    et tenait sa promesse à l'abri des feuillages :

    la guerre est impossible.

    des enfants se cachaient quelque part alentour
    en allant débusquer sous les bosquets l'amour
    et son gentil murmure au long des boutonnières ;
    le printemps triomphait dans l'oubli de l'hiver

    la mort est impossible.

    le saucisson suait sur la nappe à carreaux
    et l'abeille agaçait la confiture en pot
    mais on n'y prenait garde, on débouchait le vin
    et dans l’œil qui s'attarde palpitait le sein

    la peur est impossible.

    des chants couvraient des ris qui couvraient des hommages
    éloges à la vie, à son doux badinage
    on s'échangeait des plis, des poèmes, des lettres
    et le temps s'étonnait d'avoir le temps d'y être

    l'horreur est impossible.

    et le très cher ami venu de son lointain
    admirant de ta chair la rondeur et le teint
    à la pâleur étrange, avait quelque embarras
    à dire en notre langue un terme délicat

    la fange est impossible.

    on était loin du compte à rêver d'éternel
    l'horizon nous masquait un horrible cheptel
    le siècle se trompait, croyant que rien ne bouge
    des crânes craqueraient bientôt sous l'herbe rouge

    la paix est impossible.

    Le Déjeuner sur l'Herbe, de Manet

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

    _______________________________________

    bonus, with a little help from Joe KRAPOV
    mettant en musique un poème de NERWEN* :

    Canzonetta

    * "Nerwen - Canzonette" ; texte orginial paru sur Kaléidoplumes

  • à taaaable!

    le_banquet_big.jpg

    à présent tous autour de moi, mes vieux fantômes
    partageons de ce beau repas la bonne chère
    des saveurs dont les vins, les plats, livrent l'arôme
    gavons nos peines, nos tracas et leurs chimères

    viens donc t'asseoir auprès de moi, ma peine brune
    toi qui d'une oeillade laissa pour lettre morte
    mon chant disant de ton aura l'antique rune
    ai-je bien mûri, selon toi ?

    mais que m'importe...

    ne t'étonne pas d'être là, Judas, mon sang
    d'aussi loin que mon souvenir est bien vivace
    tu marchais toujours dans mes pas, chemin faisant
    vois comme tout peut aboutir

    de guerre lasse...

    j'ai toujours cet éclat de rire à mon oreille
    balayant des doutes le pire et m'assurant
    des nuits brèves comme un soupir et que tu veilles
    jusqu'à ce jour où il faut dire

    adieu, maman...

    ouvre donc tes mains sur la table, coeur d'ébène
    ne les laisse pas dire encore "ainsi soit-il"
    j'y cherche un abri confortable pour les miennes
    les sachant plus aimables qu'alors,

    immobiles...

    maintenant debout devant vous, le bras levé
    je n'ai pas empli de vin doux mon gobelet
    mon hommage a le goût sucré des embrassades
    après une bonne gorgée de limonade

    je viens manger des madeleines
    triturer du doigt ces boutons
    écouter de vieilles rengaines
    les yeux plongés dans le sillon

    je viens chevaucher l'herbe haute
    où s'affolent des papillons
    peindre aux armes des argonautes
    glaive et bouclier de carton

    je viens gober du boudin noir
    perdre en forêt mon escadron
    fumer à la tombée du soir
    battre le groka tout du long

    je viens donner la sérénade
    les pieds gelés sur le perron
    feindre n'être que trop malade
    le nez caché sous l'édredon

    et goûtant d'autres madeleines
    coloriant d'autres papillons
    répondre au chant de la sirène
    qui viendra me baiser le front

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • Le Cru

    Le Cru, selon moiVengeance de l’arbre

    Le Cru s’y fit de l’ombre

    coulant sang noir des rives sombres

    au pied des joncs malingres

    le déclin d’un verbe annoncé

    se pleure, et son malheur désolé

    se perd en vains sanglots, restes

    dévorés par le marigot céleste

     

    Le front naguère ceint d’ignorance assassine

    pesant, lui fait ployer l’échine

    et Le Cru abattu bave sur sa poitrine

    un psaume, une prière

    à l’abandon du père

    la trahison du frère

    et le brûlant regret de la mère

     

    Là-bas,

    flottant sur l’ici-bas si proche

    la barque d’un passeur fantoche

    attend de relever ses filets

    entre le fleuve et le marais

    mais l’autre couche avec les Parques

    aucun gueux ni aucun monarque

    ne sauraient l’en priver

    jamais, Ô Grand Jamais

     

    Alors, la nuit qui fit le monde

    abuse les reflets de l’onde

    et n’y tolère pas l’empreinte

    du pied rivé à la solive

    referme son obscure enceinte

    sur la lumière qui salive

    de n’être pas aimée

    de ceux qu’elle a baignés

    ces mêmes ceux qui applaudissent

    le corps du Cru et son supplice,

    la foule aveugle des absents

    dans l’apocalypse du sang

     

    Le tonneau mis en perce

    à son flanc se déverse

    le rouge a déserté la scène

    et gagné les esprits obscènes ;

    ils viennent s’affranchir

    de l’horreur et du pire

    en s’abreuvant avec délice

    au marigot du sacrifice

     

    Dans ce déballage incongru

    de rages rebattues

    Le Cru n’en finit plus de pourrir.

     

     

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustration : DALI, Christ of St John of the Cross (1951)

  • voie rouge

    Chen_légendes célestes.jpg

    A portée de regard, célestes, légendaires
    elles sont devant moi les marches de Yu Gong
    taillées à même le roc sur les pas de Kui Fu
    entre le vieux Taihang et le rustre Wangwu
    et le souffle me manque à fouler cette terre.

    Je vous entends railler - comme autrefois Zhi Sou
    se moqua du vieillard attaquant ses montagnes,
    vous qui baignez vos pieds dans la rivière Han
    en rêvant de loisirs sur notre mer Bohai,
    vous me tenez pour fou.

    Elles sont pourtant là, réunies sous la lune
    qui vient de s'arracher à la verte lagune
    et je monte vers elles
    qui sont l'Eternité
    rouge et dorée.

    Je ne sais qui m'attend - peut-être une sirène ?
    il n'y a dans le vent plus rien qui ne m'aliène,
    j'en épouse les ondes.

    La pente n'est pas forte et mon pas leste encore ;
    deux génies bienveillants ménagent mes efforts
    et m'accueillent au ciel
    où je suis convié
    à demeurer.

    Je vais dire mon chant sur la source de Han
    aimer d'un même élan le sacré, le profane
    et embrasser le monde.

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

    inspiré d'une toile de Joëlle CHEN

    Légendes Célestes, déc. 2008

  • Lynne, deux fuites

    Ooooh! c'est beau...

    - Ooooh! c'est beau, n'est-ce pas, Grand-Père ?
    - oh oui, Lili, c'est beau.

    - ça donne envie de faire un beau voyage, hein Grand-Père ?
    - oh oui, ça donne envie.

    - tu vas où, Mamie ?

    - chercher le goûter. ne vous inquiétez de rien. je vous retrouverai bien. Jacques... ?
    - oui, ma mine ?
    - ...ne te laisse pas mener par le bout du nez, comme d'habitude.
    - comme d'habitude, oui, ma mine... je veux dire, non... enfin, tu m'as compris.

    - dis, Grand-Père... ?
    - voui, ma nine ?
    - tu crois que je peux en prendre un de ces engins, là ?
    - oh, on dirait bien qu'ils sont faits pour les enfants ; vas-y oui, ma nine.

    tu viens... ?

    - youpi! .... brrroum.... brrroum... tu viens, Grand-Père ?
    - euh...

    - allez, viens, mon Papouchou.
    - j'arrive, ma Lili. oui... oui.

    Youpi!

    - tu crois qu'elle saura nous retrouver cette fois, Mamie ?
    - mais oui, ma nine, mais oui.

    - youpi! .... brrroum.... brrroum...
    - youpi!...

    Lynne-COHEN, le vide après tout (V)
    Lynne COHEN, le vide après tout (V)
    "Après toute l'exponentielle", 2005.
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    fragmentation textuelle de tiniak
    ©2008 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK