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°amours filiales° - Page 8

  • HEXÆMERON

    (parenthèse cosmique)

    L'orage passé, la terre et ses humeurs
    le ciel intimidé quoique propre ose peu
    l'arbre pleure
      dans un presque silence
      des larmes de géant s'écrasent à ses pieds
    la fraîcheur appelle tout à elle
      le feu même a des ailes pour la rejoindre
      notre feu étendu
      dans sa force nouvelle nos corps détendus
    la chambre tremble à nouveau, mais c'est de frissonner
      avec toute la terre et le ciel et le vent
      le vent qui fait danser les cheveux du géant
      hilare maintenant

    dragon1.jpgUn cortège se forme
      la nuit au bout et nous devant
    se met en branle
    entraîne ce qu'il touche
      ce qu'il croise
        ce qu'il déniche sous les ardoises
           dans ses poches vides
    d'un mouvement limpide et gai
    fluide sang frais

    tout ce qui a de l'esprit se ressemble
      se reconnaît dans ce dragon
      y loge des lampions que le fleuve a rendu
      et des mots feuille d'or
      aussi des calligrammes
    et c'est la fête du monde

    c'est la fête du monde en un mot, à l'instant
    craché haut dans le ciel comme un œuf blanc
    qui se brise
    et tout le chaos s'électrise
    dans une pluie nouvelle
    où somatise à tire d'ailes
    le vol planant du dragon dans le ciel

    Je t'offre un des bris de coquille et tu le manges
    Tu m'offres un bris de coquille et je le mange
      et notre malheur est étrange
      il est d'avoir conscience des anges
      en un mot, à l'instant

    Maintenant sur notre lit
    entre nos corps éblouis
    une ombre a passé l'éponge
      la fraîche paix d'un songe investit
      la place d'un feu nourri et l'apaise
      en soufflant doucement sur la braise
    à fleur de mots

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    impromptu littéraire - tiki#55

  • Quel âne !

    ane.jpg

    Un âne à la miteuse robe
    à l'âme rude et xénophobe
    toisait du regard un bon chien
    oreille fine et cœur badin
    qui cheminait près de son maître
    menant au pré ses vaches paître.
    - Eh, l'idiot ! lui fit l'âne hautain,
    ce que tu peux être servile
    obéissant à cette main
    qui, sans toi, serait malhabile
    à mener seule ce troupeau.
    Le chien lui dit alors ce mot :
    - Je vois que tu veux disputer
    de quoi nature nous a faits ;
    dis-moi donc quel est ton emploi
    et nous concluerons après quoi.
    L'âne lui dit tout son travail :
    comme sur les champs de bataille
    il charrie les munitions
    qui contribuent à la victoire
    de l'un ou l'autre bataillon
    de la nation méritoire
    qui nous garde de l'étranger
    de ses déboires et projets
    ou toute infâmie qu'il importe
    de ne pas voir devant sa porte.
    A quoi le chien lui fit réponse
    en ces termes bien mesurés :
    - Mais si sur toi un boulet fonce
    et te réduit comme pâtée,
    dis-moi qu'y auras-tu gagné ?
    - Ah, mais la médaille et l'honneur !
    - Et cela ferait ton bonheur ?
    - Certainement ! j'y compte bien.
    Et ce destin vaut toujours mieux
    que ta vie de chien, malheureux !
    - Ma vie de chien, j'en suis content ;
    je vais tous les jours par les champs
    paisible, vif et laborieux,
    assuré de vivre bien vieux
    près de ceux que j'aime et me rendent
    tout le bonheur qu'on peut attendre.
    - Tu es idiot, je le répète.
    - Je vois, ton opinion est faite.
    - Et demain, je pars au combat !
    - Qui sait, quand on se reverra
    me tiendras-tu l'autre discours.

    Ainsi passèrent quelque jours...

    Puis ce fut la sombre retraite
    de toutes nos armées défaites
    où l'âne ne paraissait pas
    parmi le chaos des convois.

    Un soir qu'on lui donnait son dû
    le chien renifla sa gamelle
    car il n'y reconnaissait plus
    l'odeur de pâtée habituelle.
    Le maître approchant sa cabane
    lui dit : - ça te plaît-y, mon bon ?
    J'ai mis un bout du saucisson
    âne_war1.jpgque les troufions ont fait de l'âne
    tombé sous eux dans la mitraille.
    Le chien se remplit les entrailles
    ce soir-là, de belle façon.

    Quant à disputer à toute heure
    de la raison ou de l'honneur,
    c'est le fait des gens bien repus ;
    mais ça, l'âne ne le sait plus.

    (paru dans l'abécédaire poLétique) tiniak © 2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • après

    (à mon père, à son frère)

     

    Jacqueline à mantille sur fond rougeIls partent
      les proches
    c'est dit
      c'est moche
    et rien qui n'en rappelle
      le miel

    Ils pleurent
      les nôtres
    et pas
      les autres
    pendant ce temps le ciel
      chandèle

    Ils chantent
      les chœurs
    en tresses
      les fleurs
    finissent d'être belles
      ficelles

    Ils passent
      les jours
    aussi
      l'amour
    et tout le sol ruisselle
      Mortel

    Et les fils et les filles
    chapeaux bas et mantilles
    se renvoient ce regard
    qui sait qu'il est trop tard

    Alors les mains, les bras
    se racontent tout bas
    le sang qui roule encore
    la vie après la mort.

     bouquet-deuil2.jpg

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    en médaillon : Pablo Picasso.

  • cinoche

    Et le croqu'mort au 22
      d'attendre l'assassin
      en se frottant les mains :

    " - Vous auriez tort...
      - ...de quoi ?
      - ...soupçonner les autres..."

    Si c'est pas du cinoche
    le meilleur des apôtres
    je ne m'y connais plus.

    Et c'est le moment venu
      d'un regard, Belle - rose,
      pour une horrible chose :

    " ...mais les pauvres bêtes
       qui veulent prouver leur amour
          ne savent que se coucher par terre
             et mourir..."

    Si c'est pas merveilleux
    qu'on me crève les yeux
    ce monde est à pourrir.

    strapontin-rouge.jpgEt c'est le dernier accord
      en fondu sur le mot FIN
      qui nous rend au strapontin...

    " Louis,
          je crois que nous voici
             au seuil d'une belle amitié... "

    Si c'est pas l'aventure !
    lancez-moi vos chaussures
    et je quitte la salle.

     

    The_end2.jpg

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

     

  • horreur, merveille

    (hommage gothique à Francis Bacon, artiste peintre)

     

    agrandirHorreur, combien je te préfère
    à l'angoisse et ses peurs
    sans visage, sans nom
    sans rien qu'un tourbillon
    où l'enfer
    est une rêverie sans aire

    Horreur, ta laideur stupéfie
    mais quand je soutiens ton regard
    j'y connais mon parti
    j'y entends ma nature
    et comme elle t'épouse la texture

    Horreurs...
    ta viande hachée qui crie
    ton sourire emporté à demi
    tes yeux mous dans la terre
    tes joues marquées au fer

    Horreur, sur ton fumier
    se peut-il que j'espère ?

    Horreur, tu m'as lancé ta tête
    je l'ai saisie au vol
    et pour lui faire fête
    laissée rouler au sol
    elle m'y a léché les pieds
    comme une folle

    Horreur, quel goût peux-tu avoir
    pour ma carne d'homme ?

    Ne sais-tu pas ces fruits plus goûteux que la pomme
    et si juteux qu'à boire on s'enivre à bon compte
    quand on oublie un peu de sa peine et sa honte
    et que tout le sang râle et nous enjoint d'aller
    curer, mordre, sucer, jouir de cette chair
    qu'on n'a pas de plaisir sinon à satisfaire
    et la soif et la peau, entières ?

    Horreur, j'ai ton nom sur la langue
    et n'ose t'invoquer
    que dans l'inimitié
    si vive, si profonde
    que l'autre fait surgir en un coin de ce monde
    où je cherche la paix
    l'autre, qui me harangue
    me sert une envie de tout assassiner
    à perdre de l'esprit l'entier

    Horreur, je te connais
    à table je t'invite
    à dîner d'une soupe
    il y trempe du laid, du maigre
    et dans ta coupe
    je verse un peu du sang - ce régal !
    que j'ai repris aux miens
    - qu'ils pleurent du vinaigre
    la face dans leurs mains

    Horreur, si je t'épouse
    me feras-tu l'honneur
    de me passer la blouse
    dont tu revêts tes gens
    quand ils vont officier
    sur les champs de bataille
    pour approvisionner
    tout ton content d'entrailles ?
    Ainsi, tu me rendras pareil
    à ces nuits dans la nuit qui mangent le sommeil

    Horreur, merveille.

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustration : Francis Bacon.