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poésié - Page 51

  • XII - nuit

    I
     
     
    Carne rafistolée aux raccords apparents
    marionnette, poupée d'un artiste caprice
    ta lèvre ni tes yeux n'avouent aucun supplice
    et taisent le vertige où s'abîment tes sangs
    perdus pour la raison, la fièvre, le délice
    dans l'absence de bruit qu'absorbent des tombeaux
    les paroies émaillées, si lisses que le verre
    dans l'absence de chair au revers de ta peau
    perdue pour la lumière et le frisson du vent
    Nulle flamme à ton sein, nul champ sous ta paupière
    que le triste ornement de tes désolations
    volontaires ou non, quoi qu'en vaille la fin
     
     
    II
     
     
    Porte close dans le mur
    Quoi derrière, la nuit ?
     
    Quoi derrière ta chose
    horrible porte close
    qu'espère mon ennui ?
     
    Le havre lent que j'ose
    prendre pour fête éclose
    à la moindre ouverture
    offre un panier de fruits
    cerné d'un cent de roses
    cueillies la nuit dernière
    un murmure à l'appui
     
    Pour qu'une âme en dispose
    et s'en pare l'ennui
    pour sa dernière nuit
    devant la porte close
     
     
    III
     
     
    A force de s'étendre et perdre en densité
    où va l'immensité, invisible à l'extrême ?
     
    D'apprendre qu'il est vain d'en comprendre l'effet
    le fil de ma pensée n'en soutient pas le thème
     
    Où je vais, éprouvant mon élasticité
    à Son Infinité relater mon poème
     
     
    IV
     
     
    Ne nuit
    la nuit
    que le regret du jour
    devant l'autre qui suit
     
     
    V
     
     
    Bruitamment
    nuitamment
    expirent les soupirants
     
    Puis un lent
    firmament
    sort matutinalement
     
    Qu'à l'aurore
    teintée d'ors
    meure leur Petite Mort
     
    L'Aujourd'hui
    s'accomplit
    au vacarme cru des corps
     
    Jeu de maints
    le temps plaint
    tant d'éphémères transports
     
     
    VI
     
     
    La main, souple recueil
    calme l'alarme à l’œil
    remède inégalable
     
    Le fruit nu dans sa paume
    c'est l'enfance de l'homme
    intime dissemblable
     
    Et sa palme console
    un souffle à rude école
    Odorante adorable
     
    Le cauchemar est dans
    cet environnement
    moins vaste qu'insondable
     
    Aura suffit d'un cri
    Elle en connaît le prix
    au cours impondérable
     
    J'en conserve le goût
    les bras sur les genoux
    les yeux pris dans la table
     
     
    VII
     
     
    Respiration musicale
    Tout doux.. Tout doux...
    rythme d'orange océan
     
    L'aurore phénoménale
    De bout en bout
    jusqu'à son déchirement
     
    L'air consume, primordial
    un cri de fou
     
     
    VIII
     
     
    Mettant l’œuvre à l'épreuve
    de son désœuvrement
    naît le chant délirant
    de mon rêve au supplice
    de n'embrasser jamais que ton ombre, Eurydice
    et la nuit qui l'emporte, écoule infiniment
    le désir incessant
    d'approcher ses délices
     
     
    IX
     
     
    Vers ta gorge assouplie par un souffle indolore
    surgi du sol trempé d'un songe meuble et gourd
    la main qu'il me restait de l'oubli de mon corps
    approche de ta nuit la promesse d'amour
     
     
    X
     
     
    Désormais, tout se tait, sait la moindre des choses
    (le bouton de la rose et son grave bouquet
     hasardeuse aventure au flanc de l'étranger
     un feuillet suspendu à sa prochaine prose)
     
    Sur la terre apaisée, sous le vent, dans les cieux
    ça bruisse encore un peu de palabres discrets...
    La bougie au chevet de rivages précieux
    rapporte mille feux à tes cheveux défaits
     
    Mille et un feux plus haut s'échangent des oracles
    pour, une heure au théâtre, être encore à briller
    Un parfum d'océan se mêle au chant des arbres
     
    Une bruine engourdie vient me lécher les pieds
    des landes le jersey se ravine de marbre
    Promis, je dormirai à la fin du spectacle
     
     
    XI
     
     
    L'horizon qui finit toujours par se signer
    de l'est à l'occident
    efface en souriant
    de tous les feux mourants de sa bouche fardée
    le peu que la journée
    aura su grappiller
    à la table dressée pour des mages convives
     
    Je promène à sa rive et la ville-océan
    grosse d'un nouveau chant
    envahit ma coursive
    y vient prendre son temps
     
     
    XII
     
     
    Je garde, nyctalope, à l’œil un autre jour
     
     

    Jean-Pierre BOUYGE, photographe

    tiniak ©2013 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    Illustration : Jean-Pierre BOUYGE, photographe.
  • Aux jours de pluie

    (à Gaëna da Sylva, photographe)
     
     
    Les jours de pluie
    naît le conflit
    de souhaiter que la vie s'achève
    et de nourrir autant de rêves
    que d'aventures,
    que l'oubli - sa déconfiture
    épand sur de trop larges grèves
    pour la conscience d'être ici
    à l'ouverture
     
    Pleurez, nuages
    tous vos mirages
    il me reste un songe, certain
    qui me va de l'œil à la main
    et me reforge le courage
    d'aller coucher sur le regain
    puiser sa force de partage
     
    D'un chapeau mou
    d'un blanc genou
    d'une parure surannée
    je formule un nouveau projet
    de mascarade
    en caresse la promenade
    et travaille mon déhanché
    pour balancer de bout en bout
    quelque bravade
     
    Chantez, rivières
    aux arbres fiers
    les ricochets du bon regard
    que décoche mon avatar
    Comme en vos reflets, éphémère
    à la rencontre du hasard
    je lance mon pas sur la terre
     
    Cesse la pluie
    passé l'ennui
    la vie logée aux commissures
    de mon sourire en aventure
    j'en viens au rêve
    que jamais la vie ne s'achève
    Tant que j'en ai l'investiture
    et la conscience d'être ici
    lumière et sève
     
     gaëna da sylva

    tiniak ©2013 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

    (illustration graphique composée d'après des photographies de l'album (FB) "Les jours de pluie" de Gaëna da Sylva)

  • Carton plaint

     

    Kat Grandy

     
    Je connais la manière, oh ! je sais la chanson...
     
    Il lui prend le besoin de bouger des cartons
    remplis de lendemains qui ne font plus l'affaire
    et de la crypte au front, lui monte un sang lunaire
    que rêve ni raison ne peuvent apaiser
    ni l'heur d'un doux baiser
    ni les psaumes perdus pour son oreille interne
     
    Le manège est couru jusque chez la voisine...
     
    On l'entend qui rumine aussi, à sa façon
    de frapper ses glaçons avec un pic en fer
    en marmonnant les noms qui ne riront jamais
    avec elle, en cuisine ou à plier les draps
    en lui tendant les bras
    pour être encore un peu, pas mieux aimés qu'hier
     
    Je sais bien... qui me tiens là, sur l'autre hémisphère...
     
    Notre L'Une a payé son tribu au sanctuaire :
    une semaine entière avec le ventre dur
    à blêmir et gémir que "C'est déconfiture !"
    que "C'est trop d'injustice, la nature humaine !"
    que "J'aimerais t'y voir !"
    et que "Pour se raser, on fait pas tant d'histoires !"
     
    Alors, pour patienter, je tape le carton
    avec mes congénères, garçons...
     

    poésie monstruelle

    tiniak ©2013 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un impromptu littéraire - tiki#196
     
    Illustration : d'après "Go with the Flow", watercolor by Kat Grandy
    (avouez que ça s'invente pas !!)
  • rue, mine !

    C'est la venue des gens petits
    l'artère des fins microbiennes
    il y circule des semaines
    un laborieux ordre établi

    Claque, talon ! L'autre tape un
    joufflu perdu pour le Trésor
    Négoce des petites morts
    dimanche s'en lave les maints

    Ça va; ça vient, de l'aube à l'aube
    en s'ignorant le mieux possible
    et masquant des zones sensibles
    l'âcre fumet de maigre daube

    J'ai laissé mon chien à son jeu
    mes rêves crus au caniveau
    sous ses pavés mes idéaux
    couverts de bitume spongieux

    Mais c'est la mienne; et j'y retourne
    à ne plus savoir en quel sens
    par automatique évidence
    et n'espérant pas de ristourne

    C'est là que je divague entier
    une heure, un instant et ma mort
    occupés à tirer des bords
    vers ses rivages séculiers

    C'est là que je navigue encore
    une heure, un instant, volontiers
    hissant ma verve à son hunier
    gonflée d'un souffle franc de port

     

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    tiniak ©2013 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un impromptu littéraire - tiki#195

  • Arrière, Saison !

    Prolongations de la saison
    les soirées traînent en douceur
    des simulacres de langueur
    aux pans ouverts de leurs visons

    Congrégation des afflictions
    dythirambe hâlée, des soupirs
    célèbrent de latents désirs
    aux estivales émulsions

    Débonnaire, un Bonhomme-Hiver
    picore déjà feuille morte
    flaque piègeuse au pas de porte
    onguent, tisane et le thé vert

    Prune amère, une idée d'en l'ère
    vogue mollement sur les toits
    n'entend pas que le monde aboie
    mais débarque enfin à Cythère

    Emballement des expédients
    l'heure est aux dernières folies
    dénichées (plutôt à bas prix)
    par les greniers vidés à temps

    Rengorgement des Ci-Devant
    sur les bancs faits pour - à la tâche !
    comme au poste-clé va la gâche
    au buvard, les émargements

    Hallali des péripéties
    dans la main, le courrier grimace
    le ciel assemble ses menaces
    et bouchonne aux périphéries

    Incurie des salmigondis
    le plat refroidit, ras le bol
    le piano tire des bémols
    et canarde l'enharmonie

    Désolation ! L'Arrièr'-Saison
    à siffler son dernier dimanche
    avec un bourguignon (de Branches)
    y laissa toute profusion

    Constellation des pantalons !
    C'est fini, les fanfaronnades...
    Rangées les tongues z'et pommades
    montent les cols sous les mentons

    arb_automne_056.gif

     

    tiniak ©2013 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Impromptu Littéraire - tiki#194