I
Carne rafistolée aux raccords apparents
marionnette, poupée d'un artiste caprice
ta lèvre ni tes yeux n'avouent aucun supplice
et taisent le vertige où s'abîment tes sangs
perdus pour la raison, la fièvre, le délice
dans l'absence de bruit qu'absorbent des tombeaux
les paroies émaillées, si lisses que le verre
dans l'absence de chair au revers de ta peau
perdue pour la lumière et le frisson du vent
Nulle flamme à ton sein, nul champ sous ta paupière
que le triste ornement de tes désolations
volontaires ou non, quoi qu'en vaille la fin
II
Porte close dans le mur
Quoi derrière, la nuit ?
Quoi derrière ta chose
horrible porte close
qu'espère mon ennui ?
Le havre lent que j'ose
prendre pour fête éclose
à la moindre ouverture
offre un panier de fruits
cerné d'un cent de roses
cueillies la nuit dernière
un murmure à l'appui
Pour qu'une âme en dispose
et s'en pare l'ennui
pour sa dernière nuit
III
A force de s'étendre et perdre en densité
où va l'immensité, invisible à l'extrême ?
D'apprendre qu'il est vain d'en comprendre l'effet
le fil de ma pensée n'en soutient pas le thème
Où je vais, éprouvant mon élasticité
à Son Infinité relater mon poème
IV
Ne nuit
la nuit
que le regret du jour
devant l'autre qui suit
V
Bruitamment
nuitamment
expirent les soupirants
Puis un lent
firmament
sort matutinalement
Qu'à l'aurore
teintée d'ors
meure leur Petite Mort
L'Aujourd'hui
s'accomplit
au vacarme cru des corps
Jeu de maints
le temps plaint
tant d'éphémères transports
VI
La main, souple recueil
calme l'alarme à l’œil
remède inégalable
Le fruit nu dans sa paume
c'est l'enfance de l'homme
intime dissemblable
Et sa palme console
un souffle à rude école
Odorante adorable
Le cauchemar est dans
cet environnement
moins vaste qu'insondable
Aura suffit d'un cri
Elle en connaît le prix
au cours impondérable
J'en conserve le goût
les bras sur les genoux
les yeux pris dans la table
VII
Respiration musicale
Tout doux.. Tout doux...
rythme d'orange océan
L'aurore phénoménale
De bout en bout
jusqu'à son déchirement
L'air consume, primordial
un cri de fou
VIII
Mettant l’œuvre à l'épreuve
de son désœuvrement
naît le chant délirant
de mon rêve au supplice
de n'embrasser jamais que ton ombre, Eurydice
et la nuit qui l'emporte, écoule infiniment
le désir incessant
d'approcher ses délices
IX
Vers ta gorge assouplie par un souffle indolore
surgi du sol trempé d'un songe meuble et gourd
la main qu'il me restait de l'oubli de mon corps
approche de ta nuit la promesse d'amour
X
Désormais, tout se tait, sait la moindre des choses
(le bouton de la rose et son grave bouquet
hasardeuse aventure au flanc de l'étranger
un feuillet suspendu à sa prochaine prose)
Sur la terre apaisée, sous le vent, dans les cieux
ça bruisse encore un peu de palabres discrets...
La bougie au chevet de rivages précieux
rapporte mille feux à tes cheveux défaits
Mille et un feux plus haut s'échangent des oracles
pour, une heure au théâtre, être encore à briller
Un parfum d'océan se mêle au chant des arbres
Une bruine engourdie vient me lécher les pieds
des landes le jersey se ravine de marbre
Promis, je dormirai à la fin du spectacle
XI
L'horizon qui finit toujours par se signer
de l'est à l'occident
efface en souriant
de tous les feux mourants de sa bouche fardée
le peu que la journée
aura su grappiller
à la table dressée pour des mages convives
Je promène à sa rive et la ville-océan
grosse d'un nouveau chant
envahit ma coursive
y vient prendre son temps
XII
Je garde, nyctalope, à l’œil un autre jour
tiniak ©2013 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
Illustration : Jean-Pierre BOUYGE, photographe.