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totalités mineures - Page 9

  • mots less skin

    Je te la dédie, Molless' Skin
    cette chanson désincarnée
    tendue au bout de la jetée
    dans son carnet de moleskine
     
    Vent éteint sur la mer étale
    la journée ronge ses phalanges
    Passés sous silence, des anges
    boudent l'heure et le ciel trop pâles
     
    Dûment assignée au décor
    trempe des mots la parodie
    aux flaques de la poésie
    son calame sergent-major
     
    Avortement dérogatoire
    la peau hésite et puis renonce
    craignant quelque coup de semonce
    armé le chien cranté du soir
     
    Sublimation subliminale
    Ilinx ! Ilinx ! et va, naissance
    chorégraphier ce pas de danse
    jusqu'à rideau - l'oubli total !
     
    Voici qu'enfin les mots m'en chantent
    et du pur ! et du bel esprit…
    Approche ! Approche, longue nuit
    vers moi ta superbe charpente
     
    Plus de sang, de chair ni de larmes
    Bonheur... Malheur... aux oubliettes !
    Contemplation, unique fête !
    incendiée, toute, Maggie's Farm
     
    Ciel et sol fondus en un trait
    la ligne de conduite à suivre
    - plutôt que d'en faire les cuivres...
    est brillante, comme jamais
     
    J'aligne donc ma trajectoire
    sur cette belle rectitude
    C'est, libéré des attitudes
    que je peux signer mon histoire
    et la jeter
    sur le vaste océan de mon carné
     
    Je te dis adieu, Molless 'Skin
     
    Adieu, adieu, chère innocence
    L'insistance de nos regards
    ne trouvera, dans le ciel noir
    aucune paisible brillance
     
    Au four éteint des solitudes
    mouronne un refus de pardon
    sur les cendres de l'abandon
    étouffé par les rectitudes
     
    Voilà, c'est tout pour aujourd'hui
    Et moi, qui avait en horreur
    d'étaler des peines de cœur
    C'est bon ! me voilà bien servi
     
     

    poésie,robe isabelle,esprit,au poil,exit

    tiniak ©2014 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour une vision amicale, sonst was ?
  • Au nom d'une pipe

    Mon très cher insomniaque alter ego
    m'a fait le don d'une pipe à opium
    D'un rosier nain, j'ai tiré le sebum
    liant parfumé dont j'enduis le fourreau
     
    Prends-moi la main, fantôme fraternel
    et glisse-la jusqu'à ton lent soufflet
    Mon bras - la branche où s'est tenu Poucet
    lascivement va mélanger le ciel
     
    Un songe fleuve emporte sur son dos
    le réveil solitaire et sans amour
    la promenade infertile du jour
    grinçant, le chant d'un amoureux duo
     
    Le brouillard blanc d'un mythique opéra
    finit sa course en roulant à mes pieds
    Je lui caresse, d'un doigt familier
    le vieux dragon tombé raide mort - "Là..."
     
    L'instant suivant, je cherche quoi m'offrir
    "Une pédicure ? Une oreille ? Un four ?..."
    Le rêve dissipé, revient le jour
    où - mince alors ! il faut se répartir
     
    Adieu, Gerda ! ma pipe, mon foyer !
    Bonjour chiffons et recherches d'emploi
    Ah, saisonnier ! quelle est dure ta loi !
    mais c'est ainsi qu'on paye son loyer
     
     
     

    Laurence Le Masle,pipe

    tiniak ©2014 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour une impromptu littéraire - tiki#220 
  • Onzième nuit

    C'est bientôt la douzième nuit, ma chère alarme
    Choisis-le avec soin l'œil qui va se fermer
    Par l'autre, grand ouvert, un monde va passer
    Déjà, le Lent Demain vient déposer les armes
     
    Sur ses genoux de vieille est tombée, rousse, l'heure
    Ses cheveux colorés pissent dans les nuages
    La ville ramassée dégrafe ses corsages
    Dans un demi-sommeil, tremblent d'anciens bonheurs...
     
    « D'où m'es-tu revenu, catastrophique amour ?  »
    « Comme on t'a bien coiffée, ma sublime grand-mère !  »
    « Oui, c'est après ton sein que j'ai couru, Mystère...  »
    « Ma fille à quatre mains vient chanter dans ma cour »
     
    Les bruits de cette nuit se rhabillent d'orange
    Une idée après l'autre, un règne d'oubli croît
    Tout se résume enfin à ma dernière foi
    Au premier coup sonné, j'entends pleurer mes anges
     
    Et ça vibre là-haut, dans le ciel incertain !
    (je n'en crois pas un mot, mais c'est bon de le dire)
    Ah, ça y est ! J'ai brisé la forme et son empire
    autant y retourner, c'est toujours du bon pain...
     
    « Encore une chanson, s'il-te-plaît, ma mémoire...  »
    « Bon, le numéro neuf... Va pour la nostalgie...  »
    « De toutes, je suis veuf ! et voilà l'ironie...  »
    « J'aime tant ces fantômes, leur faconde, leur gloire... »
     
    Là, au septième coup, je ne fais plus le fier
    Avec cet œil fermé, j'ai l'air d'être imbécile !
    Je me sens égaré, en volontaire exil
    Le monde me pénètre, et c'est pas mince affaire !
     
    Une pèche écrasée me ravive la bouche
    Une vaste nuée prépare son vacarme
    Une mort annoncée n'arrache aucune larme
    Un malingre poucet regrette un peu sa couche
     
    « Bonsoir, tristes mortels aux sourires béats !  »
    « Allez ! Vous revoilà, musique et tes visages...  »
    « Quoi... ?! Je les ai signés mes plus-vibrants-z'hommages !  »
    « Ah, non ! Foin des missels au maussade nougat… »
     
    Purée sans champignons, la nuit avance vite
    Le doute qui s'invite a le goût de ta chair
    - toi, qui m'auras tué plus qu'une fois hier...
    Je garde un œil fermé sur ta larme hypocrite
     
    Par l'autre, un monde passe et me vide les sangs
    La nuit se rafraîchit, même si loin du fleuve
    Quelques belles z'amours s'illusionnent de preuves
    Leur vie, de guerre lasse, isole, incidemment
     
    « Bon, c'est bien beau tout ça, mais on touche à l'ultime...  »
    « L'aube ne viendra pas, je l'ai décommandée...  »
    « Que s'arrête mon pas, mais perdurent mes fées !  »
    « Plus rien à condamner, revenons à l'infime »
     
    Mais l'aurore déjà lève son hypothèque
    Le rêve doit finir
     
     
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    tiniak ©2014 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    écrit le 24 août 2014, date anniversaire pour tous ceux qui lui furent chers et l'ont aimée.

  • helios grin

    Quoi que tu m'en aies dis, au moment opportun
    je le sais désormais, c'est vrai, le soleil tourne
    en avalant le ciel - c'est fou ce qu'il enfourne !
    et je ne l'ai compris qu'en te lâchant la main
     
    Je dormais dans tes bras, hier au soir encore
    absolue vérité, au regard attachant...
    Aujourd'hui, l'ombre plate allonge son pas lent
    sur un cirque saumâtre aux crêts de pâles ors
     
    Voici la nuit d'été que je n'attendais plus
    déjà grosse d'hiver et n'y laissant rien voir
    Ton nom, que j'ai soufflé sur ce vaste miroir
    dégoutte sa buée, navrante et froide mue
     
    Comme foutus les blés à l'orageux mois d'août
    sans fin de recevoir, mes poèmes dans l'herbe
    étouffent leur chanson à connaître du verbe
    et feulent, désolés, que l'air ne soit plus doux
     
    Dans ta barbe noircie, grimace donc, soleil !
    Au ciel, s'est ramassée toute une catastrophe
    roulant un graveleux chapelet d'apostrophes
    aux reproches viciés par un trop long sommeil
     
    Ainsi, tourne le vent; j'y demeure immobile
    au pont miraculeux de mon lopin de terre
    et mon rêve cabré se voulant si habile
    que sa voile d'étai dans le furieux éther
     
     
     

    Jean-Pierre Bouyge

    tiniak ©2014 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    Illustration : Jean-Pierre BOUYGE, ami de tous jours.
     
  • Avis expert

    Ce matin, il hésite un peu avant d'aller boire la mer à la fourchette, comme à l'accoutumée. Il a plu toute la nuit, le sable sera mouillé. Il n'aime pas bien ça. Il se contentera plutôt d'un bouillon d'écrous sales, même si la saison a passé. Finie la toilette dans le dé à coudre de sa grand-mère, il se rhabille avec les vêtements d'hier et descend l'escalier, pesant du pied sur chaque marche, dans ses vieux chaussons de laine rêche.
    À la cuisine, il sourit à la femme dans le cadre ovale. C'est nettement plus commode, maintenant qu'elle lui appartient, autrement mieux que du temps où elle se prétendait sienne. 
     
    Il a faim, ça oui ! Il a plu toute la nuit. C’est dur, eh ! de veiller les gouttes, l’esprit tenté de les compter toutes…
    Il boit son bouillon à la tasse, en rotant une fois ou deux. Il ne supporte pas trop la rouille, sa vapeur lui pique les yeux. Vaisselle rangée dans les placards, les fenêtres fermées maintenant qu’elles ont fait de l’air, il s’équipe pour la journée dans le couloir, devant la porte d’entrée. Il note ce qu’il doit faire aujourd’hui sur une ardoise à craie d’écolier à peu près oublié, puis le range dans le premier compartiment de son étui de travail en cuir usé – tant qu’on voit l’os aux coins, mais bon, ça ne fait rien.
    Il passe une main sur son crâne dégarni. C’est pour y lire à la surface un état stationnaire dont il se satisfait. Il n’est pas pressé d’être chauve. Le crâne des morts est chauve. Il ne se presse jamais. Il sait bien ce qu’il a à faire et dans quelle chronologie. Le soir venu, il pourra donner un coup de chiffon là-dessus. Un petit soupir de contentement gonflera sa poitrine pour lui échapper par le nez, juste le temps de rentrer chatouiller son oreille valide et fondre sur son cœur.
     
    Il sort sans jeter un regard à la mer qui attendra.
    Les coudes pliés sur les hanches, la poignée de l’étui famélique agrippée ferme des deux mains pointant au niveau du nombril, il va son chemin régulier vers son quotidien de labeur et de société peu engageante. Il n’a encore croisé personne qu’il est déjà rendu. À l’endroit indiqué par sa feuille de route hebdomadaire, pratiquement au milieu de la rue, contre un crépi mal entretenu, un cadre ouvragé de moulures dorées tombe sous le coup de son regard expert. Deux mètres à peine le gardent à distance de l’objet, mais son avis est fait.
    Il plonge alors une main dans le second compartiment de son étui de travail, en extirpe deux craies, l’une jaune, l’autre bleue pâle. Dans l’encadrement, le crépi du mur est en piteux état, davantage qu’alentour. Se servant conjointement des deux craies, il trace une croix bicolore sur le mur, entre le trottoir et le bas du cadre. Il murmure « voilà qui est fait », range ses craies, sort un carnet de sa poche revolver pour y noter la mention due.
     
    Peu après, dans la matinée, une vive animation électrise l’endroit. On veut voir ! On veut voir ! Et déjà, certains se préparent pour ajuster leurs enchères. Il y aura une belle vente, ce soir, là.
     
     
    tiniak ©2014 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour la proposition graphique des 40 voleurs sur Mil et Une... 
     

    Isaac Cordal - Cement Eclipses

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    Source graphique :
    Isaac Cordal, "Cement Eclipses, le voyage à Nantes"
    ©2014 Editions MeMo
    ISBN : 978-2-35289-214-4