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polétique - Page 8

  • Moyenne en treize ors

    (et des Pousse-Hier)

    Louise BOURGEOIS

    C'est pas tout d'être sans figure
    fantôme familier des intimes postures
    - à quoi pourrais-tu ressembler si je devais te peindre
      ou que je veuille étreindre
      ton feu désincarné ?
    Sache au moins être mieux-disant
    que bavards et bons sentiments
    à m'encombrer l'oreille
    à l'orée du sommeil
    et compter que je m'émerveille
    pour une resucée
    de leur triste cuvée
    signée Monts & Parvaux de Pitié

    Par quelle insigne investiture
    te prend-il de coller
    à ma lente aventure ?
    Du calme ! du calme, tout beau...
    C'est bien assez pour mon cerveau
    de femmes, d'enfants - ces héraults
    clamant tout, haut et fort
    de mes inimitiés,
    tandis que j'emploie mon entier
    à tendre le décor
    des ceci, des cela
    nettoyés les et caetera
    pour y trouver à peine
    de quoi redorer la semaine

    L'immeuble est droit sous la toiture
    dedans, la société
      le doigt sur la couture ;
    devant passeront les cabots
      avec leurs colliers de grelots
    braillant des litanies
    aux sournoises hypocrisies bourgeoises,
    gardant sous le couvert de l'heure en leurre ardoise
    le blanc maintien de la tablée
    où siège des promises nées
    le franc port de leurs hautes destinées...
    Louise BOURGEOIS, 1947.si haut et fort portées
    qu'aucun aboi n'en peut jamais troubler
    l'hermétique secret

    Fantôme, alors
    je te vêts comme un gant...
    Flou Carnivore et Piètre en Bâtiment
    allons dehors
    aux chiens prêter main forte
    tirer des bords
    en très sonore et fraternelle escorte

    Nos voix se mêlant au concert
    des arrogants six Pieds Sous Taire
    moyennons, toutefois
    de tendre sur les toits
    notre toile aux treize ors

    prenant à notre compte, celui des météores

     

    tiniak - Ruades © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    Illustration : Louise BOURGEOIS, Femme-maison, 1946-1947.

  • Lettre aveugle

    watcha waiting 4?

    Le temps m'aura manqué
        peut-être à l'abribus
        peut-être avant la pluie
    peut-être au moment même où, se voyant réduit
    à ce pli cacheté au sceau de l'abandon
    il se préféra lettre
        aveugle, sans fenêtre
    et devoir s'en remettre à plus humble parti
    sans autre garantie que sa destination
    ne déroute un espoir
    et se voie signifier fin de non recevoir
     
    Au retour du courrier - voyez la bell' nature !
    la valse des regrets tourne à l'investiture
    et forme ces projets :

        Si j'avais le temps dans la poche
        je marierais Poucet à la Mouche du Coche
        qu'ils émiettent le mien sur la neige
        au passage fantoche de leur cortège

        Si j'avais le temps pour voyage
        attellerais mon rêve à son fol équipage
        et d'en piétiner les firmaments
        confierais au chaos comme à la nuit je mens

        Si j'avais le temps comme rive
        clapoterais du pied dans sa fraîche salive
        et de humer au vent son haleine
        accorderais mon sang au chant de la sirène

    Mais le temps, je l'ai dit, m'aura manqué ce soir
    et je n'ai qu'une lettre sans nom dans la poche
    Les fenêtres bientôt moucheront leurs encoches
    en tirant sur la rue des plis de velours noir

     

     

    tiniak - Ruades © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

    DDS + Impromptu Littéraire - tiki#95

  • jour naît

    Leopold Survage, 1921

    Les ongles granuleux d'avoir creusé l'insaisissable
    je caresse mon rêve à l'or infatigable
    Qu'un embarras de firmament quitte enfin les toitures
    Que cesse, incontinent ! cette déconfiture
        C'est que j'ai ouvert le coffret
        Maintenant, c'est à moi de jouer
        sans crayons ni peinture
    mais de quoi raccorder au monde un autre devanture

        Et j'en sors
        (et j'en passe !)
        Et fi des silhouettes lasses
        (ou alors, dans un coin
         dévolu aux rhumes des foins)

    À repeindre le ciel au gré de songes improbables
    je puise en mon ivresse un camaïeu de sables
    que je répands allégrement sur la toile nocturne
    et pare de brillants son Ombre taciturne
        À moi ! tous les fous de Bassan
        Allons déloger l'océan
        de sa niche profonde
    à la faveur des yeux fiévreux qui reluquent le monde

        C'est magie,
        mon trésor
        Prête-moi que j'en use encore
        et que j'aille rimer
        la faille aux mûres engorgées

    Car c'est bonheur de dépenser tout ce monde réel
    Délire ses fatalités,
    c'est mon trésor ! et tout son miel
    coule en chaque journée
    une liqueur d'éternité

    Coule, en chaque journée
    une liqueur d'éternité !

    dig it!

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un
    Défi Du Samedi #124
    Illustration d'en-tête : Leopold Survage, Ville - 1921.

  • patines

    (ex-statique)

    MARGELLE.JPG

    Tous les feux sont au rouge (et l'histoire attendra)
    plus rien en moi ne bouge et ne souhaite éprouver
    que l'absolu vertige où peuvent s'engouffrer
    le déni du Grand Ordre et la fin des constats

    Je ne veux contempler que l'espace intérieur
    où bercer de mes peurs les fronts désemparés
    qui m'auront démembré plus souvent qu'à mon heure
    quand je m'y commettais à feindre d'ignorer

    Venez donc, lumignons, simulacres de rire
    me reprocher encore une orgie d'impudences
    je vous enfilerai à mon doigt, sans frémir
    puisqu'en dehors de Ça, il n'est aucune offense

    Je suis là, comme un fleuve inerte à la marée
    dont les chevaux patinent à forcer l'allure
    et brisent leurs jarrets dans cette chevelure
    où le saule incompris fait mine de sombrer

    Impassibles, mon sang, mon souffle, ma passion
    je puis enfin sourire au désert, à la pluie
    et me laisser au cœur surgir une affliction
    qui n'a d'autre dessein que se mirer au puits

    Maintenant que tout meurt en ayant tout soldé
    des pamphlets, des humeurs et des vieilles rengaines
    j'accueille en ma demeure une hargne vilaine
    en caresse les flancs pour mieux la patiner


    tiniak - Ruades © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • au passage

    RADIS.JPG
    (définitions manifestes)

    Le poing fermé sur son parfum, la fleur d'un jour
    Un rêve, dans son œuf : jamais, toujours
    La rondeur enflée du galet, pour sa mémoire vive
    Le lent trajet de lune à l'autre rive
    Un désir bientôt veuf
    D'un trait, le violon neuf
    Le soliloque du mot simple à la rime impossible
    L'essence et le mystère indéfectibles

    La surprise des évidences
    Des gestes quotidiens, la danse
    Des mots pris au pied de la lettre
    la dégringolade, et d'en naître
    riche d'une autre langue
    qui pourrait - comme en plein été se boit un jus de mangue
    tout épaissir
    et rafraîchir, des pensées à la bousculade,
    l'idée qui se formait durant la promenade

    Alors, surgit du radis-chien l'aboi métrique
    sonnant la charge des embruns océantiques
    dont le vent pataquesse
    les larmes prophétiques
    annonçant de nos politesses
    le naufrage cyclique

    Pourtant, voici l'aurore
    en aube rouge sang
    qui maudit les enfants
    aux goûts anthropophages
    elle étend son mirage encore
    aux lisières boisées
    où s'endorment le mage
    et la fraîche rosée

    Puis, passe la fille au panier fleuri et fructueux
    une main sur la hanche
    un oubli dans les yeux
    pour elle, sous la branche basse
    l'ombre est un nouveau jeu

    Moi, de la regarder partir
    comme on lâche un soupir
    de peur qu'un mot de trop n'en lasse
    le plaisir
    je n'ose davantage
    pour ce qu'elle m'inspire
    à son passage
    trahir son âge
    que le songe à venir
    s’emploie seul à le définir

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK