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trésor

  • muletier

    Jonq-Muletier.jpgDepuis que me traîne mes mules
    par les chambres, les antichambres
    et tous les théâtres guerriers
    pas moyen de trouver la paix
    l'horreur fait toujours des émules

    La paix ? c'est une usine à gaz
    aux suavités lacrymogènes
    où l'éternité crie aux gènes
    de lui garder des métastases

    Il en sort des suées nocturnes
    (la stupéfaction des dortoirs
     quand ça hurle au bout du couloir
     chez le surveillant Casse-Burnes !)

    Ça laisse des paquets de linge
    érigés comme des montagnes
    sur le noir brûlis des campagnes
    payées chair et monnaie de singe

    Puis, ça fait des bulles de rien
    qui ruinent les derniers avoirs
    et jettent les humbles espoirs
    sur le fumier des Gens Tant Biens

    La paix ? mais vous voulez ma mort !
    Que croyez-vous que je charrie
    avec, pour seule compagnie
    ces deux mules qui sentent fort...

    Allez clamer vos joies de vivre
    à vos amours neuves ou vaines
    moi, je vais, ma charrette pleine
    (sans pouvoir achever mon livre)

    Pleurez, chantez, la belle affaire
    - tant ! que ça me fait du travail,
    j'irai par les champs de bataille
    domestique ou à ciel ouvert

    Où j'ai vu - pas plus tard qu'hier,
    où j'ai vu les crocs de la terre se fermer
    sur le plus cher trésor et le vilain charnier

    Jeanne_sur_le_muletier.jpg

    Illustration ci-dessus : Adrien de Witte, Jeanne sur le muletier, 1882.

    tiniak - carnÂges © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour une 100ème contribution aux Impromptus Littéraires
    pour lesquels je lève ces vers :
    "Je me réjouis d'avoir atteint cette altitude
     preuve que je vous tiens pour plaisante habitude"

  • Moyenne en treize ors

    (et des Pousse-Hier)

    Louise BOURGEOIS

    C'est pas tout d'être sans figure
    fantôme familier des intimes postures
    - à quoi pourrais-tu ressembler si je devais te peindre
      ou que je veuille étreindre
      ton feu désincarné ?
    Sache au moins être mieux-disant
    que bavards et bons sentiments
    à m'encombrer l'oreille
    à l'orée du sommeil
    et compter que je m'émerveille
    pour une resucée
    de leur triste cuvée
    signée Monts & Parvaux de Pitié

    Par quelle insigne investiture
    te prend-il de coller
    à ma lente aventure ?
    Du calme ! du calme, tout beau...
    C'est bien assez pour mon cerveau
    de femmes, d'enfants - ces héraults
    clamant tout, haut et fort
    de mes inimitiés,
    tandis que j'emploie mon entier
    à tendre le décor
    des ceci, des cela
    nettoyés les et caetera
    pour y trouver à peine
    de quoi redorer la semaine

    L'immeuble est droit sous la toiture
    dedans, la société
      le doigt sur la couture ;
    devant passeront les cabots
      avec leurs colliers de grelots
    braillant des litanies
    aux sournoises hypocrisies bourgeoises,
    gardant sous le couvert de l'heure en leurre ardoise
    le blanc maintien de la tablée
    où siège des promises nées
    le franc port de leurs hautes destinées...
    Louise BOURGEOIS, 1947.si haut et fort portées
    qu'aucun aboi n'en peut jamais troubler
    l'hermétique secret

    Fantôme, alors
    je te vêts comme un gant...
    Flou Carnivore et Piètre en Bâtiment
    allons dehors
    aux chiens prêter main forte
    tirer des bords
    en très sonore et fraternelle escorte

    Nos voix se mêlant au concert
    des arrogants six Pieds Sous Taire
    moyennons, toutefois
    de tendre sur les toits
    notre toile aux treize ors

    prenant à notre compte, celui des météores

     

    tiniak - Ruades © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    Illustration : Louise BOURGEOIS, Femme-maison, 1946-1947.

  • jour naît

    Leopold Survage, 1921

    Les ongles granuleux d'avoir creusé l'insaisissable
    je caresse mon rêve à l'or infatigable
    Qu'un embarras de firmament quitte enfin les toitures
    Que cesse, incontinent ! cette déconfiture
        C'est que j'ai ouvert le coffret
        Maintenant, c'est à moi de jouer
        sans crayons ni peinture
    mais de quoi raccorder au monde un autre devanture

        Et j'en sors
        (et j'en passe !)
        Et fi des silhouettes lasses
        (ou alors, dans un coin
         dévolu aux rhumes des foins)

    À repeindre le ciel au gré de songes improbables
    je puise en mon ivresse un camaïeu de sables
    que je répands allégrement sur la toile nocturne
    et pare de brillants son Ombre taciturne
        À moi ! tous les fous de Bassan
        Allons déloger l'océan
        de sa niche profonde
    à la faveur des yeux fiévreux qui reluquent le monde

        C'est magie,
        mon trésor
        Prête-moi que j'en use encore
        et que j'aille rimer
        la faille aux mûres engorgées

    Car c'est bonheur de dépenser tout ce monde réel
    Délire ses fatalités,
    c'est mon trésor ! et tout son miel
    coule en chaque journée
    une liqueur d'éternité

    Coule, en chaque journée
    une liqueur d'éternité !

    dig it!

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un
    Défi Du Samedi #124
    Illustration d'en-tête : Leopold Survage, Ville - 1921.

  • Ce petit pot de miel au bout du monde

    (mon trésor)


    Sous la masse du ciel poisseux
    où je ne gâche pas mes yeux
    une terre en friche
    j'y fiche mon pieu
    en découpe les couvertures
    toute une équipée de voilures
    bientôt sous le vent
    par tribord amures
    bombe le torse et me force l'allure

    Oui, je sais... je pars (encore !)
    en quête de mon trésor

    Un océan de lin m'adresse
    un soyeux drapé de caresses
    mon petit canot
    s'y frotte les fesses
    tandis que ma paume experte
    en éprouve l'onde offerte
    mon regard en brasse
    la surface verte
    où trace n'est qui ne courre à sa perte

    Je ne suis qu'un météore
    en quête de son trésor

       Mer ! Mer !
       Voici ton doux visage
       que borde le rivage
       de terres que je voudrais oublier

       Mer ! Mer !
       En dire davantage
       c'est remettre à l'ouvrage
       le forgeron de ton coffre à secret

    Sur la vague caribéenne
    l'esprit à vif et l'âme pleine
    quittant l'océan
    ses peurs et sa peine
    mon voyage arrive à son terme
    déjà s'étend la terre ferme
    où gît mon trésor
    dont l'or est en germe
    et le miel appelle mon épiderme

       Terre ! Terre !
       Voici ton long rivage
       que borde le visage
       aux lèvres que je reviens aboucher

       Terre ! Terre !
       En taire l’alliage
       c’est garder le breuvage
       63430.jpgau doux giron de ton coffre à secret

       (ce petit pot de miel au bout du monde)

    Je demeure promeneur
    au milieu d’un champ de fleurs.

     

    tiniak ©2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Défi du samedi

  • Quitte, Anse

    EdvardMunch_1893.jpg

    Et puis, dans un virage
    cabré comme un présage nocturne
    vint l’or, Anse
    béant sa nonchalance au bras d’un ciel mort-né
    recueillant des soleils fatigués
    toutes les huiles lumineuses
    attrayantes ! rieuses !
    et partageant les eaux de la Baie des Gueuses

    Il y eut comme un printemps à l’or
    L’air charriant des rémanences fécondes
    vibrillonnait l’onde
    - la mer ouverte sous la nuit capitale
    avec tous ses boutons d’or pâle,
    des sourires vagues s’élargirent
    sur le rivage où rebondir

    Je descendis vers ce jeune et joyeux chaos
    rajustant un peu mon manteau
    - à l’épaule ample comme une aube
    et le col monté jusqu’au nez,
    Je croyais qu’il pleuvrait
    Il fallut donc qu’il pleuve, ah
    (mais rien de cette pluie dont les arbres s’abreuvent)
    ça ! il pleuvait, de la mer vers le ciel
    de l’or de l’Anse l’hydromel

    Main tendue paume à terre
    je happais, je captais et saisis des lumières
    qui sitôt m’échappaient et lâchaient dans le noir
    une manière de rire bonsoir
    laissant à l’autre dans le couloir une pensée
    « Ça ! je l’aurais bien cherché ! »

    « Te souviens-tu, semblait me dire
    cette pluie à n’en plus finir,
    Te souviens-tu de la jeunesse que tu m’as faite ?
    Oh, c’est pas tant de tes caresses
    - mais si, aussi, allez va !
    Rappelle-toi, du temps que j’étais à la fête
    l’ivresse que c’était
    ces mots que tu me destinais ».

    Mince alors !
    Qu’ai-je dit ?
    Un trésor… ?

    Puis le vent du dehors fraîchit
    annonçant la fin de la nuit
    l’or avait regagné les ciels
    qui pointillaient à qui mieux-miel
    (Ah, l’aurore !)

    Je poursuivis ma cheminée
    à contre-sens
    plaidant une nouvelle danse
    à rattraper

    L’orient dans mon dos s’agitait
    ayant tout bu de ton or, Anse
    sans même t’en donner quittance
    je m’en allai

    tiniak © 2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK