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polétique - Page 18

  • Les SUBSTANTIFS PEU ORDINAIRES

    Les substantifs peu ordinaires
    de l'abécédaire poLétique


    Cette série de termes peu ordinaires se distingue de la précédente liste de noms communs en ceci d’abord qu’elle rassemble des mots dont la substance mœlleuse s’éloigne des réalités triviales pour toucher à la conceptualisation des états et des phénomènes qui environnent, ou selon, taraudent la nature humaine. Ensuite, vous noterez comme, dans la liste sommaire ci-dessous, je les ai magnifiés chacun d’une majuscule – effet baroque dont je suis fort peu friand certes, mais non dénué de sens ni de quête d’absolu.

    • ABC
      Autrui - Baiser* - Ciel*
    • DEF
      Drame - Etoile- Folie
    • GHI
      Grâce - Horreur* - Immensité*
    • JKL
      Jour - Kangourou - Livre
    • MNO
      Mystère - Nuit - Ombre
    • PQR
      Présomption - Quête - Rouge
    • STU
      Sort - Temps - Univers
    • VW
      Verbe - Western
    • XYZ
      [x] - [y]- Zen

    Avec, par ordre d’apparition consubstantielle :
    Monsieur Gilles Deleuze ; Monsieur Eugène Emile Paul Grindel (dit Paul Eluard) ; Mademoiselle Thérèse Martin (dite Sainte Thérèse de Lisieux) ; Monsieur Pierre Reverdy ; Monsieur Jules Supervielle ; Monsieur Blaise Cendrars ; Monsieur Albert Samain ; Monsieur Daniel Pennac ; Monsieur Victor Hugo ; Monsieur Alphonse de Lamartine ; Mademoiselle Violette Leduc ; Monsieur Marcel Schwob (aussi dit Jean de Longeville) ; Monsieur Paul-Jean Toulet ; Monsieur Henri Michaux ; Monsieur Alphonse de Lamartine ; Monsieur Alexis Léger (dit Saint-John Perse) ; Monsieur Charles Cros ; Mademoiselle Louise Michel ; Monsieur Jules (ex Ouralphe) Laforgue ; Monsieur Pierre Reverdy ; Monsieur Arthur Rimbaud ; Monsieur Emile Verhaeren ; Monsieur Georges Duby et Monsieur André Malraux.

    * poLèmes précédemment parus sur pavupapri

     

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    Aussi au sommaire de l’abécédaire poLétique :
    Des noms communs
    Des adjectifs épithètes
    Des verbes hauts
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  • substantifs (abc)

    Autrui :
     Aux truies ?
     Ah, mon cochon qui ne veut tant d’efforts
     que d’extraire un genou par-dessous la jambée
     qui n’aura pu tanguer plus avant vers le port
     et compte son écot pour une autre lampée
     sur la verge ruinée qui lui pend sous le pli

     Il n’est question d’amour ni même de transports
     mais d’aller secouer un peu de sa rosette
     contre un visage peint aux couleurs de la mort
     odieux truchement qui loge au fond des têtes
     un mol élan de l’âme à se garder d’autrui

     Dimanche, c’est demain… cochon qui s’en dédit !
     rempaillé par les tiens et leurs civilités
     tu iras psalmodier, comble d’hypocrisie
     les commandes d’un ciel où tout est décidé
     par l’amour du prochain qui te sauve la vie

     Aux truies ! Aux truies ! c’est l’heure, il faut payer encore
     et le prix du bonheur et celui du passage ;
     cochon qui s’enlaidit au long des corridors
     parvenu à l’issue où le fond se partage
    ; si ce n’est toi, c’est l’autre : ton frère.
    - L’absence d’autrui, c’est quand on se cogne, et que nous est révélée la vitesse stupéfiante de nos gestes [Gilles Deleuze].

    Baiser* :
     aussi
    dans le suspens de ce baiser, déjà tes lèvres ourlées en embuscade sous les cheveux complices déjà tes mains, fraîcheur qui m'épouse les joues déjà tes diamants sombres dans les miens déjà fous
     et puis
    dans l'affleurement de ce baiser, déjà vibre ma lippe emprisonnée par deux tendres et juteuses délices déjà mes doigts qui t'apprivoisent le  cou déjà mon souffle dans ton souffle tient, déjà nous
     alors
    dans l'affolement de ce baiser, déjà nos bouches d'appétence en douce se régissent déjà nos mains qui se cherchent des envols déjà nos vertiges caracolent déjà tout
    ; archétype manichéen du tout ou rien (il est délicieux ou dégueulasse, du bout des lèvres ou pleine bouche, il est bonjour, adieu, menace, consolation, long, lent, court…) toujours.
    - La terre est bleue comme une orange / Jamais une erreur les mots ne mentent pas / Ils ne vous donnent plus à chanter / Au tour des baisers de s’entendre [Paul Eluard].

    Ciel* :
     Discobole ! Discobole !
     un genou sur le Tourniquet
     défiant Éole et ses nuées
     dans le suspens de ton élan
     tous les envols du temps prescient :

     Plein ouest, rien d’autre que le soir
     révolution, ce vain espoir
     de pouvoir embrasser jamais
     l’aube de la fertilité ;
     
     L’Étoile du Berger patiente
     fendant l’oubli, sa voie lactante
     un cheveu blanc sur le front plat
     d’un cosmos, Chaos et substrats ;
     
     Orient, extrême évanescence
     luit d’opportune renaissance
     quand l’ombre cernée de lumière
     s’amenuise enfin sur la terre ;

     A des profondeurs abyssales
     la vie et sa chaleur australe
     gourmandement remet au four
     galette, la rondeur des jours

     Discobole ! Discobole !
     tourbillon dans le Tourniquet
     spirale folle en déroulé
     goutte de miel au cœur de l’œuf
     relance au ciel un disque neuf.
    ; couvre-lit cosmique auquel n’accède pas qui veut, du reste il en faut bon nombre rien que pour les voir en peinture sans risquer d’en affecter la nature.
    - Mon ciel à moi ! [Sainte Thérèse de Lisieux].

    * poLèmes précédemment parus sur pavupapri

     discobole.jpg

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    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • substantifs (ghi)

    Grâce :
     Main fredonnant l'herbe frisée
     frissonnants grains de muscadet
     chapelure appelée rosée
     où j'irai déposer mes lèvres
     avant qu'un rêve nous achève
     avant qu'il nous ait emportés
     perles vives dans la buée

     Arrête un peu, dis
     tu me chatouilles !

     Calmes palmes devant l'or brun
     n'en laissant fuir que des rais fins
     persiennes fractures du jour
     soudain quelque ennui vous tracasse
     est-ce l'ouragan qui menace ?
     qu'y puis-je faire ? comment sauver
     le calme charme de vos ourlets ?

     Regarde un peu, voir
     j'ai pas une poussière ?

     Eclats de forge dans l'atmosphère
     brûlant ma gorge dans les enfers
     un chameau passe, il est tout sec
     un toucan délivre son bec
     d'une pastèque
     cependant je cherche à étreindre
     la source au puits qui sait m'éteindre

     T'as pas un peu soif, dis ?
     parce que moi oui

     Plus immobile qu'un caillou
     stoïque tel un fier brisant
     le monde roule sur mon cou
     indifférent
     à l'intérieur le rêve est plein
     de jus, de flamme, de chanson
     et, oui dame, de vos seins ronds

     viens un peu par là, voir
     que je t'embrasse

     hélas, hélas, moment de grâce,
     il est bien tard
     sur le grand écheveau du soir
     j'ai lacé mon tour d'ivoire.
    ; ce naturel de toute beauté, tant qu'il nous semble surnaturel et appelle le toucher ; état contemplatif momentané.
    - Et, près du feu qui meurt, ce sont des Grâces nues, / Des départs de vaisseaux haut voilés dans l'air vif, / L'âpre suc d'un baiser sensuel et pensif, / Et des soleils couchants sur des eaux inconnues [Albert Samain].

    Horreur* :
     Vengeance de l’arbre,
     Le Cru s’y fit de l’ombre
     coulant sang noir des rives sombres
     au pied des joncs malingres
     le déclin d’un verbe annoncé
     se pleure, et son malheur désolé
     se perd en vains sanglots, restes
     dévorés par le marigot céleste
      
     Le front naguère ceint d’ignorance assassine
     pesant, lui fait ployer l’échine
     et Le Cru abattu bave sur sa poitrine
     un psaume, une prière
     à l’abandon du père
     la trahison du frère
     et le brûlant regret de la mère
      
     Là-bas,
     flottant sur l’ici-bas si proche
     la barque d’un passeur fantoche
     attend de relever ses filets
     entre le fleuve et le marais
     mais l’autre couche avec les Parques
     aucun gueux ni aucun monarque
     ne sauraient l’en priver
     jamais, Ô grand jamais
      
     Alors, la nuit qui fit le monde
     abuse les reflets de l’onde
     et n’y tolère pas l’empreinte
     du pied rivé à la solive
     referme son obscure enceinte
     sur la lumière qui salive
     de n’être pas aimée
     de ceux qu’elle a baignés
     ces mêmes ceux qui applaudissent
     le corps du Cru et son supplice,
     la foule aveugle des absents
     dans l’apocalypse du sang

     Le tonneau mis en perce
     à son flanc se déverse
     le rouge a déserté la scène
     et gagné les esprits obscènes ;
     ils viennent s’affranchir
     de l’horreur et du pire
     en s’abreuvant avec délice
     au marigot du sacrifice

     Et dans ce délire incongru
     sauvage et saugrenu
     Le Cru n’en finit plus de pourrir.
    ; quand l’Apocalypse Maintenant a le dernier mot.
    - Toutes les guerres naissent du même axiome : les poubelles ont horreur du vide [Daniel Pennac].

    Immensité* :
     Quand rien ne s'y oppose
     l'immensité des choses
     me saisit par le bras
     me montre une lumière
     tendue par la forêt
     où le rêve n'attend
     que de me dévorer

     N'ayant pas de cailloux
     pas même un bout de pain
     je poursuis le chemin
     les cheveux en désordre
     vers la maison de l'Ogre
     sous le regard meurtri de ma fratrie… -extrait-
    ; étendue à l’infini que c’est pas dieu possible .
    - C'est un indigent sous la bure, / Un vieux front de la pauvreté, / Un haillon dans une masure, / Un esprit dans l'immensité! [Victor Hugo].

    * poLèmes précédemment parus sur pavupapri

    poucet.jpg

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    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • substantifs (jkl)

    Jour :
     L’aujourd’hui,
     son jour et sa nuit
     me tendent
     m’élèvent jusqu’à l’offrande
     que je fais de ma vie
     - ma vie qui s’éblouit,
     jusqu’au moment dit d’en descendre
     et d’en remettre les cendres
     à l’infiniment abouti qui s’ensuit
     et ne sait plus que j’en suis.
    ; parenthèse lumineuse, périodique et révolutionnaire qui se fait dans la nuit profonde.
    - Et mon coeur apaisé s'y perdait en silence; / Et je passais ainsi, sans m'en apercevoir, / Tout un long jour d'été, de l'aube jusqu'au soir, / Sans que la moindre chose intime, extérieure, / M'en indiquât la fuite, et sans connaître l'heure (...) / Car un long jour n'était qu'une heure de délices ! [Alphonse de Lamartine].

    Kangourou :
     Tel un kangourou coursé
     par un dingo fou
     mon cœur courroucé
     se défait de vous

     Car le cœur et l’animal
     - mais le saviez-vous ?
     pour les pleurs ni pour le mal
     n’ont pas de goût
    ; animal océanien dont le nom signifie « je ne sais/comprends pas » en langue aborigène.
    - Une femme sans homme, horreur, c'est une espèce de grand kangourou qui va partout avec une poche vide [Violette Leduc].

    Livre :
     merde brune
     merde noire
     merde posée sur le monde
     merde blanche et rondouillarde
     ventrue que c’est pas des façons,
     engeance bâtarde !
     vilain étron !
     dont la puanteur s’attarde
     dont le rigodon musarde
     tue le verbe
     nie le nom
     merde obscure des méchants cons !

     mes chers livres, délivrez-moi
     de ces livres de peu de foi
     que trois mots : « plus jamais ça »
     en crèvent deux : Mon Combat.
    ; lieu magique où par le truchement de l’écrit, le cri de la vie s’enchante et le chant de la vie s’écrie.
    - Encore aujourd'hui je ne reçois pas d'Angleterre un livre nouveau que je ne plonge ma figure entre ses pages jusqu'au fil qui le broche, pour humer son brouillard et sa fumée, et aspirer tout ce qui peut rester de ma joie d'enfance [Marcel Schwob].

    * poLèmes précédemment parus sur pavupapri

     

    OEIL_LIV.JPG

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  • substantifs (mno)

    Mystère :
     Où que je me cache
     le mystère me trouve
     soulève la bâche
     et me rejoins dans le canot
     et nous nous perdons sur les flots
     secoués de rires de potaches
     singeant mantras et cris d’Apache
     et buvant la mer au goulot

     Si je reste coi
     j’ai le mystère en bouche
     il lève le doigt
     brave compagnon de pupitre
     de bon conseil et bel arbitre
     il me cède la douche
     et m’attend sur la couche
     où tu trembles d’émoi

     Quand enfin je dors
     le mystère me berce
     un murmure encore
     et c’est le monde qui bascule
     oubliés, chagrin, ridicule
     une flèche perse
     d’un trait vous transperce
     roule, chariot d’or…
    ; cet inconnu au charme fou.
    - Et moi j'apercevais – pourtant / Qu'on fût loin de Cythère -/ Un objet singulier. Mystère : / C'est un éléphant [Paul-Jean Toulet].

    Nuit :
     Nuitamment lune luit
     notoirement l’autre pas
     mais, désastre de la nuit
     le matin revient déjà

     J’aime encore être du nombre
     de ceux qui forment dans l’ombre
     leurs desseins et leurs ébats

     Plutôt que d’être pareil
     à ces corps sous le soleil
     fondant comme chocolat

     Nuitamment lune luit
     notoirement l’autre pas
     mais, désastre de la nuit
     le matin revient déjà
    ; étoiles et révolutions passent, elle demeure égale.
    - Sous le plafond bas de ma petite chambre, est ma nuit, gouffre profond [Henri Michaux].

    Ombre :
     Elle a parfois tant de bras que les bras m'en tombent
     Elle est aussi petits pois sous un chapeau vert
     Elle a fondu sous le toit d'un chagrin d'hiver
     et dort sous le marbre froid qui couvre les tombes

     Elle est sœur de cet émoi que l'on nomme peur
     Elle inquiète le prélat, un enfant qui pleure
     Elle est ce qu'il adviendra des joies les plus douces
     et son terme emportera l'un et l'autre, tous

     Elle est complice déjà des échappatoires
     Elle sait bien où les gars se trouvent le soir
     Elle avance pas à pas et sans réfléchir
     que des portraits que dada signerait sans rire

     L'ombre, elle
     s'ignore sous le ciel.

     Elle est tapis dans le bois, banc contre le mur
     Elle est abri pour le rat comme le murmure
     Elle est l'arc sous le sein droit que ta main libère
     et son toucher délicat me radoucit l'air

     Elle mène guérilla parmi les ruelles
     Elle y brise tout l'éclat de nos francs midis
     Elle enveloppe le drap, caresse de nuit
     et lui, rapporte tout bas nos joutes fidèles

     L'ombre, elle
     n'en dira rien au ciel.
    ; piètre praticienne des arts (plastiques ni même vivants) quand elle passe au tableau ; obscurité rafraîchissante de bonheur imbécile réveillant parfois de primordiales angoisses.
    - Ainsi dans les ombres du doute / L’homme, hélas ! égaré souvent, / Se trace à soi-même sa route, / Et veut voguer contre le vent [Alphonse de Lamartine].

     

    LSDYETI.JPG

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