Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

manifeste - Page 10

  • déraisons

    Au jardin suspendu des temps d'inadvertance
    quel est ton nom désir de vivre ?


    Le vol irrésolu  d'un cheveu dans l'air frais
    a plus de conséquence, allez
    qu'au fil d'une pensée
    l'enfance de l'idée se rêve
    et peut tout expliquer du sourire des vagues
    mais laisse au ricochet l'énigme du hasard
    pour que la destinée s'attarde
    assise à ses côtés
    de ses yeux révulsés regarde
    un cheveu s'envoler

    Dissonance appuyée la neuvième minore
    la victoire évidente, étale, d'un point d'orgue
    mais l’œil qui se referme en masque le trésor
    et le garde pour lui
    le partage est ailleurs quelque part en cuisine
    soit c'est la communion - d'extases,
    soit c'est l'usine à gaz
    qui fume son ennui, périphrase
    un doigt de chantilly sur la lèvre ashkénaze

    Le baiser réchauffé de son aire glaciale
    découvre du velours le signal affamé
    défaille, s'abandonne
    ignore le vent fort qui dehors s’époumone
    se livre obligeamment à l'autre ce mystère...
    L'aigle quitte son aire
    pour une immensité légère
    son l'aile déployée
    accueillant les parfums exaltés de la terre
    où se tiennent cachées
    les bonnes chairs pour la becquée

    La lumière ténue d'un astre déjà mort
    fait mine d'être vive encore
    inspire une espérance
    (l'ivresse de la persistance y est à bonne école)
    et l'âme se console
    des maigres contenances
    que lui offrent nos carnes d'hommes
    et danse
    lunatique folle
    empêtrée dans ses fumerolles
    cependant que sous les gargouilles
    s'agenouille un rang de grenouilles molles

    Pour moi, suffise de cueillir
    au jardin propre à épanouir
    dans son terreau d'art et d'ennui
    la fleur du nouvel aujourd'hui

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • ça crame en ciel

    Oh, comme je vous aime ! oui vous, les Tous En Choeur
    (c'est que j'en ai l'humeur, aussi profitez-en...)
    Je prends tout : rires, pleurs et puis tous les enfants
    vilains qui vous encombrent;
    vous qui êtes du nombre
    - et dans l'ombre affairés,
    de l'Efficace Ardeur à Peiner au Labeur

    Que j'en saigne pour vous
    ...Tout mon sang doux
    et fondant comme beurre

    Laissez venir à moi tous les gentils esclaves
    que j'en essuie la bave au pli de leur menton
    Que des gentils esclaves la sueur au front
    et tous leurs longs chants slaves
    devant les choses graves
    sachent baisser d'un ton
    leurs sanglots de violon parmi les betteraves

    Oh, ça ! j'en ai des attentions... et pour la gloire
    et toutes les mesures conservatoires...
    J'en ai des rituels, des onguents et des baumes
    j'en couve de la paume
    vos stigmates mortels
    qui noircissent les tomes
    et gonflent le cheptel du Livre des Sempiternels

    Que j'enseigne pour vous
    à d'autres fous
    ralliés à l'ombelle :

    Bienheureux les panais, les sureaux, les cerfeuils
    qui font du bien commun, chacun sa fleur une autre
    Ils seront les premiers, passant devant l'épeautre
    le sorgho, le millet
    qui singent tant le blé
    qu'à la fin ils se vautrent
    dans la Morte Saison où pourrissent leurs feuilles

    Les premiers, je vous dis !
    montés depuis le sol jusque dessous le ciel
    pour en masquer, comme pins parasols
    le désastre sacramentel

    Ombelles ! Ombelles !
    Ombilicales floralies,
    ce sera fête au paradis
    où vous accueillerons
    moi, mes frères et nos chansons

    Nous chanterons des "Je vous aime"
    et puis des "Ave paria"
    célèbrerons des renégats
    le magnifique thème
    des Vains Sacrifices Bohèmes

    Mais, c'est bon ! vous y viendrez aussi
    Vous, les convenus Bons Partis
    mais - une Foi n'est pas coutume,
    vous coucherez nus sur l'enclume
    où maître forgeron achève
    de marteler nos rêves, nos rêves !

    Nos rêves, entendez-vous ?!
    Que j'en saigne tout mon sang doux

     

    Племе_парија_brunoSchulz1920.jpg

    tiniak © 2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustration : Bruno Schultz, vers 1920.

    en hommage à "Племе парија"
    "La Tribu des parias", de B. Schultz.

  • variation corrigée

    En voilà bien de l'éloquence :
    « mon cœur » ! « mon âme » !
    et puis des stances millimétrées...
    quand on n'a jamais que deux pieds
    s'agissant d'aller fair' bombance
    ou d'embrasser le sol gelé
    des repentances navrées

    Ouais, bon... c'est le conflit classique
    du sobre et du kilométrique
    (- ...du benoît et de l'érudit ?
     - Non ! du blabla et du blabli)

    Du moment qu'on s'en paie un' tranche
    qu'importe comme l'on s'épanche ?

    Non ! c'est écrit pour être lu
    et par là encore être dit
    Alors... alors... ?
    à qui confier nos trésors ?
    à icelle ou bien icelui ?

    J'ai dit "chandelle", il a compris ;
    elle y voit des bouts de ficelles en treillis

    ...il a compris quoi ? Va savoir !
    Elle me boude dans le noir...

    Qui a dit : « l'art, c'est franc de port
    mais ça reste lourd à porter »
    ... ?

    C'est moi ? ...je n'avais pas cuvé
    ou bien j'étais encore épris
    de quelque inaccessible objet, ma vie

    dis, au vrai, c'est de la plume, hein ?
     ce délice antédiluvien
     ce pied-de-nez aux abattoirs
     ce nœud coulant à mon mouchoir
    pour ne plus jamais oublier
    comme on oublie de s'ennuyer avec

    et des amis tous les visages
    réchappent des anciens naufrages
    quand le chœur des pleurs s'en récrie
    de patatras en patatis
    mais c'est la pluie qu'est à la fête
    et pistache des vaguelettes
    sur le vert calice apaisé
    du lac salé
    (et peut-être un peu poivre et sel
     sous les aisselles, allez)

    ...avec qui déjà ? ...mais oui, toi
     Toi, mon empire d'Atatürk
     Toi, sourire doux (je bifurque)
     Toi, la prochaine
     avant la fin de la semaine

    Va pour « mon cœur »
    Va pour « mon âme »
    et ce bouquet de fleurs en flamme
    c'est-y bien pour vous ma bonn' dame ?

    Va pour « mon âme »
    Va pour « mon cœur »
    Ah, la bonne heure !

    (mais, s'il-vous-plaît...
     laissons coroller dans les squares
     nos rangs de tulipes sans fard)

     

     

    03Tulips.jpg

    tiniak © 2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • au champ d'oubli

    De trop malingres allumettes
    dans ce champ perdu hérissonnent
    coquelicots rouge sucette
    leurs faces plates et pouponnes

    dessous, des ombres caravanent
    au défilé multicolore
    des astres et des météores
    fusant d'antiques sarbacanes

    et le vent qui se veut discret
    ricochète au flanc des collines
    où n'osent même frissonner
    l'herbe ni le buisson d'épines

    Une étrange désolation
    embrase de ce paysage
    le lit de rocailles sans âge
    et le dernier fruit de saison

    le temps y fait quelques passages
    en terrain de jeu favori
    il y est à son avantage
    à toiser la morgue et l'ennui

    car ici pas âme qui vive
    qui n'ait été rêvée d'abord
    pour venir affranchie de corps
    faire l'expérience intensive

    de l'oubli

    Une maison s'élève là
    juste comme une autre s'enfonce
    aspirant après elle ronces
    carlines, chardons et gravats

    dans l'enceinte d'un jardinet
    un vieux cognassier seul en terre
    porte à bout de bras solidaires
    une impression d'orangeraie

    ajoutant aux couleurs criardes
    un velouté plus liquoreux
    dans cette lande qui blafarde
    sous le furieux combat des cieux

    Aucune main pour s'inquiéter
    des grains de pollen qui s'entêtent
    à chercher où croître essaimés
    dans la poussière qui volète

    et sans oreille à émouvoir
    un chant hurle sa fulgurance
    où gargouille - bien triste gloire,
    l'écho de stériles jouissances

    Âme, mon âme, reprends-moi
    abandonne ce vain séjour
    je n'ai pas dit tout mon amour
    et ne veux demeurer sans voix

    dans l'oubli
    cet oubli
    de ma vie

     

    coquelicots1.jpg

    tiniak © 2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • vois, pas voir

    018.png (un pavé dans la mare)

    Ne plus voir le monde, le lire

    A nouveau, le cortège indigne
      des maisons à deux pieds, sans murs
      et qui vont sur la tête et privées de futur
      en cherchant dans le ciel un signe
    par les sentes damées d'argile analphabète
      et tous les champs du viol des mères
      fronde sur l'atmosphère
      leur chant qui récolte le sang de la terre
    où l'homme né noir blanchira jusqu'à l'os
    sa carne dans la main tendue pour le négoce

    Ne plus voir le monde, le peindre

    A nouveau, le chaos naturel
      dans une flaque d'huile, une onde qui s'affole
      des reflets qui s'emmêlent
      artistes auréoles
      benoites
      où le réel miroite
    avec pour seuls témoins tous les yeux silencieux
      les miens, les tiens et ceux qui sont encore
      à naître de l'esprit de celui qui s'en dore
      la pilule
    loin des gesticulations ridicules

    Ne plus voir le monde, l'écrire

    A nouveau, du plus bel aujourd'hui
      avec la chair du vent pour m'en souffler des mots
      au cœur... à même la peau...
      et donner à l'oubli un semblant de palpable
      que tous les pas perdus résonnent, véritables
      par les longs corridors
    prenne corps
    nécessaire
    la vie

    Ne plus voir le monde, quoi
    C'est dit

    Krapov_oil.jpg

    tiniak © 2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustation photographique : Joe KRAPOV.