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rigueur

  • Triptyque

    Pierre-Huot_Head-blue-eyes.jpg

    Une frange sanguine abreuve son linceul
    au laqué taille fine en chambranle de porte
    qu'une turquoise indienne imprimée à l'eau forte
    accote à l'angle mort de son Quetzalcóatl

    l'air est allé se prendre ailleurs une bolée

    dans quelque crêperie du pâté mitoyen
    il n'en reste qu'un voile où de longs poils de chien
    ont passé pour finir par mordre la poussière

    l'arche rectangulaire approfondit le champ

    sur un encombrement de perpendiculaires
    que seul accuse encore un projet de lumière
    énoncé vaguement par un soleil en pente

    Une frange moussue barre un front grassouillet

    soulignée de traits bleus la paire d'yeux s'égare
    une fronde est à l'œuvre au fond de ce regard
    les pupilles en garde aiguisent leurs stylets

    les mains venues soudain croiser sur la poitrine

    récusent, se récrient, madonnent la posture
    mais tomberont bientôt, moignons dans la sciure
    qu'aura tranchés tout net une parole insigne

    des lèvres assorties au tailleur électrique

    compriment leur charnu sur les dents carnassières
    un filet de vapeur monte de la théière
    disputant son fumet à l'haleine fébrile

    Une frangine droite comme un sacerdoce

    mange un galimatias d'art-moderne couleuvres
    et campe à l'instant même un tout autre chef-d’œuvre
    à l'éminence crue réfractaire au négoce

    le vert d'eau qu'elle absorbe est strié d'or en jade

    où criarde en aplats une affiche espagnole
    jailli d'un samovar évasé en corolle
    un film d'Almodovar précipite l'attaque

    sourde machination l'arythmie des couleurs
    porte à son paroxysme une vive tension
    que résout l’imparable et sans compromission
    jugement appliqué à la libidineuse

     

    samovar.jpg

    tiniak ©2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    Illustration (haut) : Pierre HUOT, Head-Blue Eyes

     

  • au champ d'oubli

    De trop malingres allumettes
    dans ce champ perdu hérissonnent
    coquelicots rouge sucette
    leurs faces plates et pouponnes

    dessous, des ombres caravanent
    au défilé multicolore
    des astres et des météores
    fusant d'antiques sarbacanes

    et le vent qui se veut discret
    ricochète au flanc des collines
    où n'osent même frissonner
    l'herbe ni le buisson d'épines

    Une étrange désolation
    embrase de ce paysage
    le lit de rocailles sans âge
    et le dernier fruit de saison

    le temps y fait quelques passages
    en terrain de jeu favori
    il y est à son avantage
    à toiser la morgue et l'ennui

    car ici pas âme qui vive
    qui n'ait été rêvée d'abord
    pour venir affranchie de corps
    faire l'expérience intensive

    de l'oubli

    Une maison s'élève là
    juste comme une autre s'enfonce
    aspirant après elle ronces
    carlines, chardons et gravats

    dans l'enceinte d'un jardinet
    un vieux cognassier seul en terre
    porte à bout de bras solidaires
    une impression d'orangeraie

    ajoutant aux couleurs criardes
    un velouté plus liquoreux
    dans cette lande qui blafarde
    sous le furieux combat des cieux

    Aucune main pour s'inquiéter
    des grains de pollen qui s'entêtent
    à chercher où croître essaimés
    dans la poussière qui volète

    et sans oreille à émouvoir
    un chant hurle sa fulgurance
    où gargouille - bien triste gloire,
    l'écho de stériles jouissances

    Âme, mon âme, reprends-moi
    abandonne ce vain séjour
    je n'ai pas dit tout mon amour
    et ne veux demeurer sans voix

    dans l'oubli
    cet oubli
    de ma vie

     

    coquelicots1.jpg

    tiniak © 2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK