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La perte en creux là, sous nos yeux si vivace que le chiendent bombe le torse et se défend contre le vide (affreux tonneau des Danaïdes) y fout le feu ! et fait jaillir - éminemment ! l'obstination du souvenir contre l'abandon désastreux
Puisque la nuit, traînant les pieds, tardait à regagner de son aube mollette le confort attendu, je décidai de m'occuper de ta coiffure. Dans la cuisine, je tirai par son cou flexible le robinet niché dans le plafond moussu. Je remplis un broc d'eau fraîche et revins vers le fauteuil à oreilles où tu t'affairais à élaborer des stratagèmes dans une autre dimension - peut-être en ramènerais-tu quelque chose de beau, comme hier.
Je défis, de ta nuque, le nœud maintenant le fichu qui le serait bientôt complètement - tu m'avais dit le tenir de ta mère, ne t'en séparais guère qu’avec un regret crispé sur les tempes et l’invariable grognement qui dit que tu te fâches. L'herbe rouge de tes cheveux ainsi libérée, je l'arrosai d'un filet d'eau; jaunie par le revêtement intérieur de la plomberie, cette eau dansant, ça faisait de l'or liquide dans l'air contrit. Tu te réveilleras rousse, comme promis.
J'entendis les gros sabots de la nuit annoncer son retour dans les ordres. Je soufflai la bougie. Il y eut un suspens de l'obscurité dans une autre lumière, inconnue de mes yeux, qui s'en émerveillaient. J'aurais voulu te réveiller, mais j'avais peur de t'arracher à quelque découverte fondamentale. Aussi, je m'assis dans la main du bras du canapé en gardant cet instant contre moi, bien serré, pour te l'offrir à ton réveil.
D’une main engourdie, j’inscrivis sur la cuisse de mon pantalongraphe des mots que je pense avoir lu sans avoir jamais pu, même su ni voulu, (pourquoi ?) en oublier jusqu’à la parenthèse : Un jour. Il y aura autre chose que le jour. Une chose plus franche, que l'on appellera le Jodel (Boris VIAN).
C’était pas l’ jour. C’était encore sa vibrante promesse.
Il montait, de loin dans la rue, des rans et de pas de tambours qui annonçaient un événement singulier. Lequel ? Ça, je n’en avais pas idée. L’attention portée à la mise en scène du petit-déjeuner, je distinguais vaguement, cet état de fête.
Une mouche, rescapée de l’hiver, résistant au possible et que je ne parvenais pas à convaincre d’aller voir ailleurs si les oreilles étaient moins sensibles, me piqua. J’entrai en inspiration rigoureuse, avec quelques paronomases au bord de l’asyndète et entrepris de ravager le salon, de belle façon, afin que ta surprise soit complète – comme tu l’exigeais, chaque jour, avec douceur mais fermeté; quand tu te réveillerais, ta rousse blondeur bien coiffée de la veille.
Et tu te réveillas.
Il faut dire que dans la rue, en bas, ça tapait fort. Aux rans se mêlaient des ahans. Des sifflets suraigus se le faisaient couper par de secs claquements de fouets. Le bitume souffrait mal qu’on lui raclât le dos avec tant d’insistance (mais avec je ne savais quoi… pas encore). Et puis, il y avait la masse laborieuse, pas fâchée de l’animation, qui s’émoustillait le quotidien en y allant de ses clameurs, harangues, interjections futiles, enfin tout ce qui lui permettait de s’époumoner proprement, dès matin.
Tu sortis de la chambre, sans relever le joyeux carnage du salon et vins droit à la cuisine t’asseoir devant ton bol de cornichons. C’était pas l’ jour… J’étais, toutefois, pour te le souhaiter bon, quand tu lâchas, grognon mais sans fureur : « c’est quoi, c’ bordel ? »
Tu te levas, te dirigeas vers les fenêtres donnant sur la rue en traînant les pieds à travers le salon, d’où tu me lanças un gentil « Oh, c’est gentil, ça ! Merci mon chéri, tu as fait un beau carnage ». Gentil ? Bon, va pour…
Entre les rideaux écartés, tu t’exclamas par-dessus ton épaule gentiment découverte :
« - Ah, bah oui ! Viens voir !
- Que se passe-t-il ?
- Bah, viens je te dis. Viens voir ! »
J’obtempérai, jetant au passage un coup d’œil au calendrier qui ne me renseigna guère, à première vue.
Parvenu à ta hauteur, dans l’encadrement de la fenêtre sans tain, je vis un cortège de jeunes femmes, habillées à la diable ou à la franche rigolade, ou en nuisette, ou en tout ce qui avait pu leur passer par la tête. Elles traînaient, plutôt tiraient comme des bêtes de somme, le mobilier volumineux de leur literie, défaite, parfois excessivement, qu’elles avaient encombrées d’attributs singuliers… de la peluche au godemiché, pour dire.
Toi, tu applaudissais. Une gamine devant un nouveau jeu ! Tu répétais en rythme – et ça swinguait pas mal : « C’est les Catherinet-teu ! Les Catherinett’s ! C’est les Catherinet-teu ! »
J’observai alors que toutes ces jeunes femmes étaient très variablement coiffées de chapeaux, plus fantasques les uns que les autres. Peu enclin aux dégradations volontaires, je poussai un soupir. Je t’aurais bien servi quelque charitable discours, mais, je le sentais depuis quelque temps : c’était pas l’jour… Le Jodel attendrait un peu. Un bon peu, même… Et puis, tu te tournas vers moi et dis : « c’est heureux comme on s’aime ».
Le Livre imprévu journal perdu revenant revenu vagabond prendre par la main, au rebond le poète et ses fantômes laissés aux oubliettes - croyait-il, jusqu'à ce que ce mot puis l'autre lui présentant le fil - avec la mort au bout tirant la caravane des résonances fondamentales, s'imposent - matière souhaitant autre chose que le drame, seul et froid que le drame et sa loi immuable et sombre comme l'aime le nombre et son mortel ennui, à merveille !
Merveille oui, que cette chose, alors qui porte le regard à défier la mort Merveille ! Merveille de vie qu'un lien tendu sur l'infini où pendent les poissons séchés de pêcheurs aux noms oubliés mais dont persiste le fumet cette saumure connue de ceux qui tentent l'aventure.
Le livre imprévu est le dernier ouvrage du poète Abdellatif Laâbi. Sans se départir de sa nature, vouée à l'écriture poétique, l'auteur marocain s'y livre à un exercice imprévu dans son oeuvre : le récit autobiographique ; relecture d'une trajectoire qui mérite, pour le moins et à bien des égards, d'être qualifiée de parcours hors normes.
De l'inné cette année il naît l'inéluctable Il n’est d’inéluctable sonnet de lune sonné de l'autre côté, que le vôtre À ce vôtre, vôtre, nez vous voterez pour des plaisirs d'élection sans compromissions, exagération de la vôtre nature sans déconfiture de la moindre parcelle d'âme Dame! vous le savez que chez vous, c'est inné cet inéluctable amour ineffable des mots démodés Chez vous, c'est l'idée qui prévaut qui préside à l'appel du vide par où abandonner les carcans amovibles à d'indéfectibles penchants avoués nue sur l'oreiller pour des plaisirs d'élection sans compromissions, exonération de la vôtre nature Chez vous, l'aventure c'est du pain béni le bel hallali la belle pagaille et vaille que vaille quand se vautre votre nez sur un lit de paille avant que défaillent sous vos gros bonnets tous les garçons nés de vos épousailles failles larvées le cul sur la table et allez ! Car chez vous, c'est vrai dame ! c'est inéluctable le flot des années n'a rien entamé de ce vôtre, vôtre, fier plein et entier caractère Chez vous, c'est inné de vous adonner à des plaisirs d'élection sans compromissions, ni déconfiture de la vôtre, vôtre, nature