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Le long ventre du ciel s'est encore avachi J'ai beau lever les bras je ne sais pas l'atteindre J'aimerais tant, pourtant... J'aimerais le repeindre et lui rendre les tons qu'ont les mots qui s'oublient
Envol, envole-moi vers les nuées sauvages Que j'en revienne à l'âge où s'entendait son rire botter le point-virgule avant de déguerpir à l'autre bout du verbe et de ses arbitrages
Envole-moi des airs qui nous venaient en rêve Trop lourde m'est la grève où je promène seul sans plus y distinguer narcisse du glaïeul ni savoir à nouveau comment l'heure s'élève
Envole-moi les mains vers le ventre du ciel que j'y puise ma part de pleurs inassouvis puisque je l'ai perdu, qu'il était mon ami et que je n'entends plus son chant confidentiel
Nous courons, droit devant... Ce qui n'est pas encore un lieu de se réjouir de nos assassinats, nous attend
La suée qui nous vient nous en partagerons la douceur, le fumet l'un à l'autre liés, dans le bain
Qu'importent les regards qui se portent sur nous, inquiets, indifférents anonymes, hagards
Je te nomme Arachné moi, ton Quetzacoatl au plumage d'airain qui t'offre, à pleines mains, cette ivraie
Massacre au point du jour ! Nous les avons tués des serviles journées, les sibyllins contours
Des caresses sans fin Des rires sans objet Des larmes sans chaleur Des yeux sans appétit Des hurlements sans cœur Des mots sans mélodie Des odeurs sans festin Des rêves sans idée
L'esprit, d'un simple trait s'est offert un carnage Lui suffit un hommage, honnête, simple, vrai
Dans notre douce alcôve... Qui souhaite incriminer notre parti d'en rire puisque la joie est sauve ?
Puisque la nuit, traînant les pieds, tardait à regagner de son aube mollette le confort attendu, je décidai de m'occuper de ta coiffure. Dans la cuisine, je tirai par son cou flexible le robinet niché dans le plafond moussu. Je remplis un broc d'eau fraîche et revins vers le fauteuil à oreilles où tu t'affairais à élaborer des stratagèmes dans une autre dimension - peut-être en ramènerais-tu quelque chose de beau, comme hier.
Je défis, de ta nuque, le nœud maintenant le fichu qui le serait bientôt complètement - tu m'avais dit le tenir de ta mère, ne t'en séparais guère qu’avec un regret crispé sur les tempes et l’invariable grognement qui dit que tu te fâches. L'herbe rouge de tes cheveux ainsi libérée, je l'arrosai d'un filet d'eau; jaunie par le revêtement intérieur de la plomberie, cette eau dansant, ça faisait de l'or liquide dans l'air contrit. Tu te réveilleras rousse, comme promis.
J'entendis les gros sabots de la nuit annoncer son retour dans les ordres. Je soufflai la bougie. Il y eut un suspens de l'obscurité dans une autre lumière, inconnue de mes yeux, qui s'en émerveillaient. J'aurais voulu te réveiller, mais j'avais peur de t'arracher à quelque découverte fondamentale. Aussi, je m'assis dans la main du bras du canapé en gardant cet instant contre moi, bien serré, pour te l'offrir à ton réveil.
D’une main engourdie, j’inscrivis sur la cuisse de mon pantalongraphe des mots que je pense avoir lu sans avoir jamais pu, même su ni voulu, (pourquoi ?) en oublier jusqu’à la parenthèse : Un jour. Il y aura autre chose que le jour. Une chose plus franche, que l'on appellera le Jodel (Boris VIAN).
C’était pas l’ jour. C’était encore sa vibrante promesse.
Il montait, de loin dans la rue, des rans et de pas de tambours qui annonçaient un événement singulier. Lequel ? Ça, je n’en avais pas idée. L’attention portée à la mise en scène du petit-déjeuner, je distinguais vaguement, cet état de fête.
Une mouche, rescapée de l’hiver, résistant au possible et que je ne parvenais pas à convaincre d’aller voir ailleurs si les oreilles étaient moins sensibles, me piqua. J’entrai en inspiration rigoureuse, avec quelques paronomases au bord de l’asyndète et entrepris de ravager le salon, de belle façon, afin que ta surprise soit complète – comme tu l’exigeais, chaque jour, avec douceur mais fermeté; quand tu te réveillerais, ta rousse blondeur bien coiffée de la veille.
Et tu te réveillas.
Il faut dire que dans la rue, en bas, ça tapait fort. Aux rans se mêlaient des ahans. Des sifflets suraigus se le faisaient couper par de secs claquements de fouets. Le bitume souffrait mal qu’on lui raclât le dos avec tant d’insistance (mais avec je ne savais quoi… pas encore). Et puis, il y avait la masse laborieuse, pas fâchée de l’animation, qui s’émoustillait le quotidien en y allant de ses clameurs, harangues, interjections futiles, enfin tout ce qui lui permettait de s’époumoner proprement, dès matin.
Tu sortis de la chambre, sans relever le joyeux carnage du salon et vins droit à la cuisine t’asseoir devant ton bol de cornichons. C’était pas l’ jour… J’étais, toutefois, pour te le souhaiter bon, quand tu lâchas, grognon mais sans fureur : « c’est quoi, c’ bordel ? »
Tu te levas, te dirigeas vers les fenêtres donnant sur la rue en traînant les pieds à travers le salon, d’où tu me lanças un gentil « Oh, c’est gentil, ça ! Merci mon chéri, tu as fait un beau carnage ». Gentil ? Bon, va pour…
Entre les rideaux écartés, tu t’exclamas par-dessus ton épaule gentiment découverte :
« - Ah, bah oui ! Viens voir !
- Que se passe-t-il ?
- Bah, viens je te dis. Viens voir ! »
J’obtempérai, jetant au passage un coup d’œil au calendrier qui ne me renseigna guère, à première vue.
Parvenu à ta hauteur, dans l’encadrement de la fenêtre sans tain, je vis un cortège de jeunes femmes, habillées à la diable ou à la franche rigolade, ou en nuisette, ou en tout ce qui avait pu leur passer par la tête. Elles traînaient, plutôt tiraient comme des bêtes de somme, le mobilier volumineux de leur literie, défaite, parfois excessivement, qu’elles avaient encombrées d’attributs singuliers… de la peluche au godemiché, pour dire.
Toi, tu applaudissais. Une gamine devant un nouveau jeu ! Tu répétais en rythme – et ça swinguait pas mal : « C’est les Catherinet-teu ! Les Catherinett’s ! C’est les Catherinet-teu ! »
J’observai alors que toutes ces jeunes femmes étaient très variablement coiffées de chapeaux, plus fantasques les uns que les autres. Peu enclin aux dégradations volontaires, je poussai un soupir. Je t’aurais bien servi quelque charitable discours, mais, je le sentais depuis quelque temps : c’était pas l’jour… Le Jodel attendrait un peu. Un bon peu, même… Et puis, tu te tournas vers moi et dis : « c’est heureux comme on s’aime ».
Mol éclat pâlissant de l'harmonie finale précédant le salut d'enthousiastes bravi du tragique destin de la note investi est tombé le dernier accord professoral
Le silence ne tient qu'au repos de son geste C'est, le poignet cassé au-dessus du piano qu'en l'artiste peine est contenu le tempo destiné à se rendre à l'heure et tout le reste
Voilà, c'est fait ! Ça claque ! Et tout est consommé... Bien fini le miracle, en scène et dans la fosse L'humilité ployée, l'échine blanc de Causse elle offre le spectacle attendu des comblés
Mais de cet oratoire elle n'est pas la dupe Le clavier blanc et noir lui est plus authentique Même la partition liée à sa métrique aurait quelque leçon à prendre de sa jupe
Car elle a tout donné aux sévères mesures de sa chair insatiable et de son feu nourri pour traduire l'élan méconnu de Satie en intime défi jeté à l'Aventure
« Oh, Rideau, ferme-toi et allons nous coucher mon dos cassé, mes doigts, ma parure d'un soir qu'il me faut parader sur les vastes trottoirs où je n'aurai pas l'heur d'un rire énamouré »
Tous les rideaux tirés sur ses piètres fenêtres toute porte fermée sur son enfermement la pianiste recluse en son appartement s'offre le seul secret pour quoi vibre son être
« Je t'aime. Tu le sais, Maudite Confidence ! Tu me veux. Tu m'auras. Vois, mes doigts te parcourent mon tyran sans pareil et sans égal amour Instrument de la joie de ma Chère Évidence ! »
C'est l'hiver à nouveau plein de sombres accords Nulle oreille, nul œil et pour aucun partage... Enfin seule avec l'Art et son brut apanage à jouter le défi quotidien sans effort
Elle attaque une sincérité libertaire et foutraque : Dvořák !
Là-bas longeant l'heure privée de l'Autre, l'espérais Tandis qu'une pluie triste couvrait les marées en leur disant son regret des vastes empires une fine clepsydre égrainait mes pensées
Vers le pays de l'Autre, embarqué volontaire j'ai quitté, sans ciller, le rivage connu du rêve familier, où je m'étais tenu à ne pas me mêler d'orgues phagocytaires
Sur les lèvres de l'Autre, ai signé de mon sang mon retour au chevet de sa voix sûre, calme à son nom parfumé plus qu'un vieux jus de palme je rapporte le mien, sa prière et son chant
Sur moi le regard de l'Autre, mais d'un œil et le bon
En main celle par quoi m'attache l'Autre, mais la douce Tandis qu'au ciel, trois lents nuages qu'un vent pousse masquent le soleil en lui demandant pardon je marche dans les pas de l'Autre et du bon pied