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poésié - Page 68

  • voyelles d'un jour sans toi

    Où sont tes yeux, mon cher amour ?
    Quelle est ta voix, dans cette messe ?
    Vers quoi t'as portée l'allégresse ?
    Comment as-tu fini ce jour ?

    Il fait trop nuit, la ville est morte
    Je n'y entends que des soupirs
    Sans toi, je ne sais pas dormir
    Le Chien voudrait que je le sorte

    Au lieu de quoi, je tue le temps
    Je m'invente un nouveau décompte
    Aborde un Centaure et le dompte
    Apprivoise mon sentiment

    Un nuage a couvert le ciel
    S'étend-il jusque sur ta rive ?
    Il ne se peut qu'il nous décrive
    En nos yeux coule un autre miel

    Es-tu bien, là où je t'espère ?
    Quelle histoire as-tu accomplie ?
    L'aube n'est pas encore ici
    L'ennui se pare de mystères

    Vois, comme est  triste l'alphabet :
    épuisées toutes ses voyelles
    je finis là ma ritournelle
    et n'embrasse que ton idée

    Youhou !
    tiniak © 2012 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • duo sonore

    De toi à moi,
    ce guéridon
    nous tend les bras
    Allons, allons !
    Pressons le pas
    On nous attend
    Paris, sa nuit et ses géants

    Un moment d'où
    s'est égaré
    le temps qui nous
    était compté
    j'en ressens tout
    le fin mystère
    quand me frôle ton courant d'air

    Ornant les dômes
    voici notre heure
    Place Vendôme
    on bat les cœurs
    des jolies mômes
    que nous chantions
    malgré la polka des canons

    Sobre parfum
    par les arcades
    fleure un jasmin
    de promenade
    je t'y retiens
    pour un tango
    sous l'arche du pont Mirabeau

    Oh, bel ami
    ta rémanence
    où se remplit
    mon existence
    fait pas un pli
    mène la noce
    et chevauche un rhinocéros

    Nos mains célèbrent
    de part et d'autre
    à lisière
    qui est la nôtre
    d'ombre à lumière
    le souvenir
    que ravive notre plaisir

    Oh, les voilà
    tous tes compères
    les cancrelats
    les réfractaires
    ils n'auront pas
    tu peux m'en croire
    fini de clamer leur histoire

    Revisitons
    les vieux pavés
    en rigodon
    les yeux levés
    vers l'Odéon
    que nos théâtres
    réfutent les vains idolâtres

    Et c'est du miel
    ce plein d'essence
    de ritournelle
    en déviance
    Ombre éternelle
    embrasse-moi
    du guéridon où je te vois

     

    tiniak © 2012 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Impromptu Littéraire - tiki#150

    Jacques Noël

    « Je me sens soulevé submergé de joie (...) L’homme peut voler beaucoup plus haut qu’un criquet »
    Bérenger de Rhinocéros (Ionesco, 1957-1959)
    -Illustration de Jacques Noël-
     

  • Et pour la faim des temps

    NOTRE COMBAT, 2007.

    Oh, Bête ! Ma Bête ! Très chère Bête...

    Il me semble sentir à nouveau sur ma nuque
    le feu de tes naseaux que l'on disait caducs

    Ce n'est pas dans le vent que me vient ce mirage
    C'est la folie du temps qui rameute sa rage

    Et ça vient - oh, c'est sûr ! et comme je l'attends
    le front contre le mur, en bouche un goût de sang

    Oh, ta faim me dévore ! Ah, j'ai faim, moi aussi
    de ravager les corps où se terre la vie

    NOTRE COMBAT, 2007.de marquer de mon fer à ton sceau régalien
    la trop vilaine chair au trop libre destin

    de marcher en bon ordre entre tes membres durs
    terrible, prêt à mordre et répandre l'injure

    de porter le carnage au point où tu m'envoies
    de ton simple langage, écho de mes abois

    de réduire l'esprit, l'art et la rhétorique
    à plus sobre énoncé, à l'unique métrique

    Oh, oui ! ce sera fête, et pour un millénaire
    ton empire, Ô ma Bête, imprégnera les chairs

    Et ce sera bonheur, honneur et satiété
    pour les bouches sans cœur venues se restaurer
    à ton sein

     

    Ô, Bête ! Oh, chère Bête ! entame ce festin :

    Mange-moi pour l'exemple ! Arrache-moi les yeux !
    Que ma mort te ressemble et que j'en sois heureux

    Après, tu me chieras sur les fosses communes
    que ça fleure le gras terreau des pestes brunes

    Ton souffle poussera aux seuils de la raison
    le fétide agrégat de nos exhalaisons

    Ruinant tous les bourgeons des consciences en herbe
    leur inoculerons la mort jusqu'à la gerbe !

    Ah oui, ce sera beau ! Et, oui, ce sera grand
    Bête, ton renouveau... hait pour la faim des temps !

    tiniak © 2012 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustrations extraites de NOTRE COMBAT © Editions du Seuil, 2007.

  • Ma dépouille

    Lisa Nilsson, Tissue series (2012)

    Sans bruire
    à peine plus que l'ombre et bien moins qu'un soupir
    (ce vacarme du cœur qui n'ose pas hurler)
    dire comme je suis d'un regard éloquent
    d'un geste pertinent t'atteindre, te suffire
    un instant... s'il te plaît...

    Sans peur
    après la course folle après l'insaisissable
    avec le souffle ras comme un ra de tambour
    achever dans tes bras, du soir au point du jour
    le rêve que j'aurai dessiné sur le sable
    ami... abandonné...

    Sans phare
    ni gloire autres que l'art et de s'y consacrer
    révéler ton sujet, universelle épure
    épris de l'aventure où je te reconnais
    dans le signe soudain juste à son épissure
    chair et songe mêlés
    dans l'animale idée que l'on sème

    Alors, en un silence
    paisible et dépouillé
    entamer une danse

    Notre amoralité
    jouant son existence
    face au ciel étonné que l'on s'aime

    tiniak © 2012 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    Illustration : Lisa Nilsson, Tissue series
    - click on it to enlarge pix -
     

  • à Curnonsky

    Las, cure n'ont ceux qui n'ont plus que l'aube
    - pour tout pays !
    de ces refuges tropicaux - pour être honnête !
    A leurs talons, des nuits sans tête
    Devant eux rien qui ne ressemble au paradis
    que le fumet connu des saisonnières daubes
    sous la pluie

    Ils cheminent pourtant, progressent coude à coude
    Ils ont un lieu commun qui leur ouvre l'esprit
    Ils vont, l'Humanité sous le bras qui les soudent
    en leur anonymat porté loin du nombril

    Haubans inachevés, les réverbères
    font mine de veiller sur les crottoirs
    Des larmes de safran s'écoulent de leurs blaires
    finir au caniveau dans un jus noir

    Au-dessus, le platane à la tête au carré
    Son bel alignement est à mauvaise école
    Une jeune corneille y demeure au taquet
    (la nichée n'est pas près de prendre son envol
     le printemps traîne ici
     dans un vieux pyjama sa trop courte vessie!)

    Derrière ses rideaux, la cadette au supplice
    voit brûler l’armada établie aux acquêts
    son fanal orgueilleux ramené sur sa drisse
    et de poupes en proues le chaos des parquets
    malgré la pluie tenace

    Maints tenant, le cortège avance comme un flot
    ou tel un plein filet qui monte à la manille
    marmonne, chante et crie de Nation à Bastille
    "Ministres ! N'avons pas dit notre dernier mot;

    voici le premier : Mais... !"

     

    anarchie !

    tiniak © 2012 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Impromptu Littéraire - tiki#149