N'est-ce pas ? N'est-ce pas... Tu l'as mangé, mon cœur
poêlé, aller-retour, et aux petits oignons
Tu l'auras cuisiné sur une noix de beurre
sobrement épicé, entouré de lardons
avec, pour agrément, persil, pommes-vapeur
et, au dernier moment, une pincée de selles
N'est-ce pas ? N'est-ce pas... Tu me l'as arraché
tandis que je dormais dans un pli de ton bras
le songe appesanti sur ton corps parfumé
assommé de content - peut-être mort, déjà !
ayant livré aux draps nos fastes crudités
dans un inénarrable et vorace festin
N'est-ce pas ? N'est-ce pas que tu m'as accueilli
au plus fort de la nuit, guidé par ta lueur
Tu m'ouvris la demeure où n'étais plus celui
parti chasser, d'instinct, pour ses viles ardeurs
la chair incompatible, avec tant d'appétit !
J'étais venu, marri, perdu et affamé...
N'est-ce pas ? N'est-ce pas que que tu montrais mon but
puisque j'étais enfant, courant son devenir
bardé d'une fratrie trop jeune pour la lutte
et qui me reprochait de ne savoir grandir
plus haut que les parois qui nous semblaient abruptes
et ne préfiguraient qu'un terrible abandon
N'est-ce pas ? N'est-ce pas que je suis dans ton sein
puisque tu m'as mangé, mon ogresse anonyme
Je n'en ai pas souffert; au contraire, il me vient
à l'idée que c'était, d'impérieux paradigme
une nécessité d'arriver à ce point
où l'enfance prend fin, par une autre naît sens
Les bottes sur le seuil de mon nouvel endroit
comme un acte de foi, témoigner de ce deuil
qu'il m'aura fallu faire; et, pour alarme à l’œil
la science de ces nuits hantées par mes abois
quand se vidait mon sang vainement sur la terre
de Lumière et de Vie, aujourd'hui être père
tiniak ©2012 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
Illustration d'en-tête : Gaëna da Sylva.