Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

impromptus - Page 2

  • chanson d'automne

    (chanson de genre tsoin-tsoin)
    feuille-morte.jpg

    Les feuilles mortes, mortes, mortes
    'faut que j'en sorte, sorte, sorte
    avant de prendre un coup de pelle
    un coup de trop dans la cervelle
    ou que me pousse un champignon
    là, sur le front

    Les ciels d'automne, tonnent, tonnent
    qu'on leur pardonne, donne, donne
    d'être si longs que cramoisis
    crème framboise sous le gris
    éclaboussant - courbé le dos,
    tous les manteaux

    Ah, c'est pas des façons de vivre
    pas des manières à suivre
    d'écouter aux portes les cuivres
    qu'on frotte au chiffon à salive
    tristesse
    langueur
    et le goût pour le Mahler

    Les vagues longues, longues, longues
    de ce love song, song, song
    au vrai me cassent les oreilles
    cure ou Satie, c'est tout pareil
    une froide tasse de thé
    endimanchée

    Les cartes lentes, lentes, lentes
    de la patiente, chiante, chiante
    c'est du rêve que l'on oublie
    la vie qui ne fait pas un pli
    qui s'arrange l'inéluctable
    dessus la table

    Oh, c'est trop de peine à souffrir
    trop de rengaine à gémir
    que ces violons, que ces pianos
    et tout l'ennui de nos marmots
    soupirs
    murmures
    et le goût déconfiture

    C'est l'heure hélas, lasse, lasse
    où tout s'efface, face, face
    les chants qu'on aurait chanté mieux
    si l'on n'avait baissé les yeux
    les yeux qui perdent leur été
    dans le foyer

    Les feuilles mortes, mortes, mortes
    'faut que j'en sorte, sorte, sorte
    avant de prendre un coup de pelle
    un coup de trop dans la cervelle
    ou que me pousse un champignon
    là, sur le front

    Ennui_1914, by Walter Richard Sickert.jpg

    illustration : Ennui, Walter Sickert - 1914.
    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK - tiki#54

    et maintenant, en musique ?

     

     

  • fractales

    (ma ration d'obtus ?)

     

    noir
    obturateur_actus.jpg
    au boulier des sourires niais
    des chapeaux en chapelets
    camaïeu de linges légers
    le toutim en espalier
     noir
     enfin, je quitte mon pied

    noir
    est-ce un magma de cheveux roux ?
    dans l'arbre un dernier vent d'août ?
    la dérobade d'un matou ?
    intension floue ?
     noir
     je m'en frotte l'étui, pour le coup

    noir
    le calme roule des collines
    douces flanquées d'une ombre fine
    au tétin repose, enfantine
    la pâle mine
     noir
     il fait chaud dans ma chambre noire

    noir
    obturateur_optimo.jpgrond et lisse comme une pomme
    songeant le monde entier en somme
    si près d'entrer en son barnum
    un petit-d'homme
     noir
     je change d'objectif

    noir
    verte lèvre rocailleuse
    l'alpage aux courbes généreuses
    dans le bleu sempiternel
    d'un lac-en-ciel
    noir

    noir
    lumignons qui sarabandent
    orangeade de guirlandes
    par le bourg
    au pied d'un géant sourd
    noir

    noir
    obturateur_ilex.jpgla grisaille mitraille
    méthodique pagaille
    une pluie où se noient
    les jardins et les bois
    noir

    noir
    voiles à l'épandage
    absence d'un visage
    l'éther au goût amer
    où meurent les prières
    noir

    noir
    absorbé l'éphémère
    je garde toute lumière

    noir
    je vous laisse développer
    (et mettre au présent le passé)

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    impromptu littéraire - tiki #53
     

    50BRIT1.JPG
  • lessivé

    Je vais tout oublier, alors je fais des nœuds
    à ces vieux draps mouillés empilés sur mes yeux
    que j'ai laissé traîner tout près de la cuisine
    dans la petite cour où les tâches bassinent
    au quotidien les jours

    J'ai la mémoire humide et son linge glissant
    bruine et dégouline et dégoutte du sang
    tout le flux des corvées qui n'ont jamais fini
    de vouloir attacher nos gestes à nos dits
    l'aujourd'hui à l'hier

    Je ne sais plus trouver les pinces sur le fil
    et mes frêles pensées s'y tiennent malhabiles
    car le vent de la nuit a forci au matin
    - le soleil de midi n'empêchera sa main
    de foutre la pagaille

    Alors, je fais des nœuds ma dernière défense
    et je plisse les yeux dans la vive brillance
    - la si propre blancheur qu'ont les peaux maladives,
    des longs draps étendus pour la grande lessive

    Les nœuds du drap mouillé sont plus durs à défaire
    de là, je reconnais préserver le mystère
    des miennes taches ménagères.

    lessive.jpg

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    impromptu littéraire - tiki #52

  • fumerolles

    (à Joe KRAPOV, poète à ses heures et photographe à 16h30)

    Joe Krapov, fumerolles

    l'aube tardait à se frayer
    un chemin sous les frondaisons
    et les oiseaux avec raison
    n'avaient de cœur à gazouiller

    le vent se cachait sous le saule
    retenant sa respiration
    et dans cet air en suspension
    il faisait comme un froid de pôle

    j'étais là, je ne sais comment
    parvenu au bout d'une course
    que n'eût pas guidée la grande Ourse
    dans un ciel un peu moins vacant

    la nuit m'avait pisté le pas
    puis saisi dans cette posture
    les yeux gelés dans les chaussures
    je ne sais comment, j'étais las

    dans les premiers rayons du jour
    la brume se fit plus précise
    sur l'onde aux ombres indécises
    où j'avais noyé quelque amour

    et ça dansait au ralenti
    les fumerolles
    ça vous disait des paradis
    la bonne école

    mais j'étais très mauvais élève
    et la leçon
    s'abîmait sous moi dans la grève
    en alluvions

    que n'ai-je pris à ce moment de la lumière
    de quoi me ranimer le rêve - et le sang, donc !
    au lieu de quoi je restai planté comme un con
    insensible aux subtilités de l'atmosphère

    et ça dansait là, sous mon nez
    les fumerolles
    ça me disait comment bouger
    comme on décolle

    mais j'avais trop mauvaise oreille
    et la chanson
    n'apportait toutes ses merveilles
    qu'à des goujons.

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustration : Joe Krapov.

  • c'est tout vu, amour

    yiiihaaa- fais-moi voir.
    - quoi donc ?
    - je ne sais... quelque chose...
    - quelque chose comme un bouquet de roses ?
    - quelque chose comme ça, oui.
    - quelque chose qui te dit comme je t'aime ?
    - oui, oh oui ! très exactement ça, même.
    - tu ne veux pas d'un poème ?
    - non, non, merci non... fais-moi voir, simplement.
    - attends... j'enlève mes gants.
    - j'attends, comme toujours.
    - par amour.
    - pardi !
    - alors voici...
    - oh, c'est beau ! qu'est-ce que c'est ?
    - mon cadeau, mon bouquet, mon petit effet.
    - c'est pour moi, vrai de vrai ?
    - non.
    - pardon ?
    - non, c'est à toi... pas pour toi.
    - ... comprends pas...
    - prends-le...
    - avec les yeux ?
    - avec les doigts si tu veux, mais tu voulais voir.
    - oh ! je vois, oui...
    - comme je t'aime ?
    - oui, oh, oui... ça oui ! très exactement ça, même.
    - c'est ce que tu voulais ?
    - en mieux !... si je m'attendais.
    - alors, dis : que vois-tu ?
    - je vois que je t'ai plu et sans l'avoir voulu, comme un reflet qui saurait dire la vérité sans détour et sans parler.
    - et que vois-tu encore ?
    - la mort, dis ! ...qui trépigne, s'indigne et compte ses épines pour aller jouer ailleurs, user d'autres rapines, aux endroits où l'on meurt.
    - et puis ?
    - et puis ta peau qui boit de l'eau qui me coule du dos ; ta peau qui me couvre de nuit ; ta peau qui m'envie, qui m'appelle... où mon corps est blotti et couve sous ton aile.
    - et tu vois les couleurs ?
    - je les vois, je les vois ! elles arrivent ! elles quittent la rive et font des ricochets sur les dunes et sur les parapets.
    - et tu les reconnais ?
    - ah oui ! il y a celle qui danse, il y a celle qui pleure, celle-ci qui affleure et cette autre qui pense à repeindre la cour où déjà reparaît le jour… ce jour où tout murmure est nouvelle aventure ; ce jour qui dit toujours oui ; cet aujourd’hui.
    - le spectacle te plaît, donc.
    - ah, le beau rigodon ! ah, la fête ! et quel est ce vol d'oiseaux trop sérieux sous le ciel amoureux... quelques canards chipeaux ?
    - non, des bergeronnettes.
    - tu m'aimes tant que ça ?
    - tu le vois.
    - je le vois.

    Qui a dit que l’amour est aveugle au faîte ?

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    impromptu littéraire - tiki #51