Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

>imPrOmpTus - Page 57

  • heyoka

    soyeuse comme un sexe
    la prairie indienne en sous-main
    propre et pure

    le trop plein de sang bleu
    d'où viendra l'aigle sioux
    lui prête sa verdure

    un homme se tient là
    comme l'arbre
    aussi vieux et sans pieds

    il chante, il dit :

    wasichu, pauvre fou
    mes pieds sont dans le ciel
    c'est ma tête que tu vois
    c'est ma tête plantée là

    écoute wasichu
    elle chante pour toi

    elle chante, elle dit :

    nu sur le Rocher Mère
    j'ai vu l'Oiseau-Tonnerre
    et je n'ai fait qu'un pas
    et j'ai quitté la terre
    et je suis heyoka

    j'ai pleuré pour ce rêve
    quatre nuits
    quatre jours
    dans l'âge de Tunka

    la vérité m'achève
    quatre nuits
    quatre jours
    pour n'en revenir pas

    sans la vision trop brêve
    de Wakinyan-Tanka

    je suis son heyoka
    je chatouille la peur
    ainsi la peur s'en va
    qu'elle aille faire ailleurs
    ce qui ne m'atteint pas

    écoute, wasichu
    si je suis le chaud-froid
    c'est toi le fou du roi :

    tu ne vois pas mes jambes
    tu as peur et tu trembles
    quand je t'ouvre les bras

    ouvre-les, wasichu
    ouvre tes bras en croix
    tu auras les mains pleines

    tu auras les mains pleines
    heyoka.jpgde la prairie indienne
    soyeuse comme un sexe

    propre et pur

    le sang bleu du rocher
    où se tient l'aigle sioux
    lui prête sa verdure

    lave-t-en, wasichu

     

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Défi du samedi

     

    shaman.jpg
  • Épitaphe

    Je flottais.
    Ne sachant plus d'où j'arrivais, l'habit moins chiffonné que l'intérieur, le pied bien maladroit et le regard absent, il était temps pour moi de marquer une pause après une nuit bien remplie, comme on dit pour ne pas dire ce qu'on ose, loin des pensées à l'eau de rose.
    J'allais au cimetière.
    C'est une lubie que j'ai, subite, par moments, quand j'ai besoin de faire de ma vie un roman et d'y mettre des fleurs. Des tulipes, toujours. C'est mon petit bonheur. Puis, j'erre parmi les sépultures, lisant les épitaphes. C'est ainsi que je tombai, ce jour-là, interdit, devant ce court paraphe : « C'est sympa d'être passé ».
    Merde ! Peste ! Fait chier !
    C'était là, au mot près, ce que j'avais l'idée d'inscrire pour moi-même et mon dernier séjour en éternel repos. Alors, de chiffonnée, mon humeur fut maussade. Je massacrai le gravier des allées, donnant des coups de pied comme un malade, une bonne heure durant, me sembla-t-il. et dans cet intervalle, un soleil déchirait les nuées matinales dans un ciel incertain de son sort, hésitant, ne sachant trop que faire des couleurs lui faisant, bayadère, un front horizontal, strié du bleu à l'or.
    Et voici qu'un cortège avançait dans la travée vers la tombe. Oui, vers la tombe même qui m'avait rendu tout un blême, sombre, aigri, désolé que la vie me fasse l'ironie de narguer mon esprit badin.
    J'y reconnus quelqu'un !
    Puis cette autre, et cet autre, et ces deux-là aussi, que j'avais pour amis quand j'étais en Allemagne. Ah ça ! ai-je connu celui qu'on accompagne dans son cercueil écru comme une porcelaine aux dorures champagne ?
    Et quand je vis mes filles, ma compagne d'alors... nul doute, je le compris dans l'instant : j'étais mort.

    TOMBE1.JPG

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Défi du samedi

     

  • dimanche dernier

    "C'est dimanche aujourd'hui. L'air est couleur du miel..."
    murmure un mien ami élégamment fidèle
    au coude un parapluie
    et quelque nostalgie feutrée sous la semelle

    Il est des amitiés que ne peuvent défaire
    la mort ni le mystère, et traversent la vie
    Un siècle s'est enfui sans nous perdre jamais
    - cette longévité, c'est mieux qu'un paradis;
    nos pas sur la chaussée de la ville engourdie
    s'y font la même fête
    ont le même couplet en tête

    Hier a son gilet boutonné à la diable
    et moque un aujourd'hui à l'aube éparpillée
    (à tout le moins, peu faite pour aller au temple);
    devant nous deux amants se soutiennent et tremblent
    les attend une couche où mieux se réchauffer
    dans l'une de ces tours dressées
    orgueil et vanité sous le ciel admirable

    Mais voici Boucicaut, je pose une question
    (puisque je dois bientôt tourner à Convention) :
    “ As-tu quelques nouvelles de ton éléphant
    celui qui a surgi naguère en plein Paris ? ”
    Désolé de répondre par la négative
    “ On l'a mis dans un livre ; il n'en est plus sorti ”
    soupire mon ami en se frottant les gants

    Nous nous saluons vite (il fait bien froid quand même !)
    mais notre prompt salut vaut pour d'autres "je t'aime"...
    Puis, sans te réveiller, je vais à mon pupitre
    griffonner quelques mots comme on finit son litre :

    Il en a trente-trois,
    j'en eus quarante-quatre...

    Jeunesse, vieillesse,
    et puis le droit d'aînesse,
    quelles absurdités !

    De bronze, de plâtre
    le temps reste mal fait
    pour nos fraternités

    Chaque mot d'amitié
    - mieux que geste d'amour ?
    une bûche dans l'âtre

    au feu qui tient toujours
    vivace
    pour vraie
    la parole donnée

    magr_golconde1.jpg
    impromptu littéraire - tiki #67
    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
  • ÇA CANARDE À BOULOGNE

    billancourt.gif

    Si casser des œufs pour une omelette
    n'est pas casser trois pattes à un canard
    ça demeure être vilain merle
    que tuer dans l’œuf une perle
    qui sait ? qui eût été douée pour l'art

    Pi que l'oiseau sur une branche
    mon pauvre, que tu es serin !
    de te croire à l'abri, serein
    dans ton bel habit du dimanche;
    ici, on plume le pigeon
    quand il porte chapeau-melon
    et ne sait pas trousser ses manches

    C'est pas en trouvant pie au nid
    qu'on évitera l'anarchie


    Oh là !
    Ton papier, ça déchire !
    C'est pour la gazette à venir ?

    Et pan !
    Dans son cul, la bourgeoise !
    Ah ça, j'aime quand ça dégoise !

    Ah, nom de nom !
    C'est quelque chose
    t'avoir avec nous pour la cause

    Tu penses !
    On n'est pas des aigles, hein...
    L'école on l'aura vue de loin

    Et tah ! et toc !
    Comment qu't'as dit...
    ... quand t'ça finit par "anarchie" ?

    Et rlaan !
    Dans son cul, la bourgeoise !
    Je t'en foutrai moi, des framboises

    Aux fraises
    qu'ell' peut toujours aller courir;
    on dira ce qu'on a à dire

    et la gazette
    elle irait se torcher avec
    ce serait qu'un bonheur de plus
    de la savoir dans son joufflu

    kollwitz_misere.jpgAh, mon colon...
    Adieu patron ! Adieu patronne !
    Y a pas que des cons à Boulogne.

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un défi du samedi

    Illustration ci-contre : Käthe KOLLWITZ
    (cliquer pour élargir)

    En-tête, grévistes à Billancourt, 1955.

    ci-dessous, poursuivre l'idée... ?

    ana_ban4.jpg

    UNE LUEUR DANS UN REGARD NOIR

  • élans multiples

    TABLÉES DE CINQ
    La preuve par neuf


    1x5

    J'aurai cinq ans demain pour la première fois
    amoureux fou d'un monde où tout naît de ta voix
    où le soleil et l'ombre espèrent ta venue
    pour en suivre la danse aux rythmes inconnus

    tu sens bon mes printemps, tu ris l'été sauvage
    les larmes de l'automne envieront ton courage
    à trouver à l'hiver des raisons d'embellir
    la porte fermée tôt et le marron à cuire

    le monde est une pomme à croquer sous la pluie
    avec le pain d'épice et le jus de groseille
    un carré de gazon qui jaunit au soleil

    je retourne au balcon un peu avant la nuit
    embrasser du regard le chaos des toitures
    je ne sais où tu vas dans cette autre voiture

    2x5

    Deux fois cinq disques
    par lot, chacun mon tour
    trente-trois, quarant'-cinq
    Piccolo... Aznavour
    et les anglo-saxons

    Soixante et dix-huit tours
    le fou-rire assuré
    la gigue, le délire
    Mozart assassiné
    à seize, les ogres molliront d'aise

    3x5

    Abandon des abandons
    Quoi ! tout ne serait donc
    qu'obscur exequatur
    discrète trahison
    dénégation de l'aventure
    et mensonge par omission ?

    Enfer et paillasson !
    au seuil du cabanon
    je n'ai pas quitté mes chaussures
    et... bon, marron, je suis marron
    le nez contre le mur
    perdu pour le Pardon

    Je fais d'introspections
    une littérature
    raccorde "Rigodon"
    - mauvaise foi des oraisons,
    le règne des compromissions
    me saigne, me ronge le fion

    4x5

    Vingt rouges
    Vins blancs
    Vains cœurs...
    Poudrières !

    On n'a pas tous les jours vingt dents
    pour mordre dans la chair
    et goûter le sang clair
    que le dragon géant
    a versé sur nos taire

    De grâce le fumeur s'efface
    où le poivrot falote
    mais l'ombre qui menace
    a présenté la note
    Un portier mal aimable
    se tient droit dans ses bottes
    impeccable et froid polyglotte
    " Vous mir be redevable
    nitchevo never insolvable
    someday tu paies le prix fort "

    On n'est jamais vraiment distrait de l'idée de sa mort

    5x5

    Je n'ai pas le cœur
    à maudire encore
    une démission

    J'ai d'autres trésors
    à tirer du fond

    6x5

    Faites "Aaah"
    Dites "33"
    C'est bon... vous êtes papa!

    7x5

    C'est tant de bonheurs
    multiples de cette
    ivresse du cœur
    qui monte à la tête

    Un bouquet de fleurs
    une chansonnette
    ses joies de fillette

    8x5

    Je lui ai suggéré
    "Quand j'avais cinq ans, je m'ai tué"

    - Lis-le, si ça te tente
    (Ell' s'en fout comm' de l'an '40)

    9x5

    J'aurai bientôt cinq ans (pour la neuvième fois)
    ça ne me fait ni chaud ni froid
    sur ma galette de vinyle
    à mon tour, je tire le fil
    et révoque des voix
    le chambard qui parle de moi

     

    teppaz.jpg

     

     

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un impromptu littéraire - tiki#66