(hommage gothique à Francis Bacon, artiste peintre)
Horreur, combien je te préfère
à l'angoisse et ses peurs
sans visage, sans nom
sans rien qu'un tourbillon
où l'enfer
est une rêverie sans aire
Horreur, ta laideur stupéfie
mais quand je soutiens ton regard
j'y connais mon parti
j'y entends ma nature
et comme elle t'épouse la texture
Horreurs...
ta viande hachée qui crie
ton sourire emporté à demi
tes yeux mous dans la terre
tes joues marquées au fer
Horreur, sur ton fumier
se peut-il que j'espère ?
Horreur, tu m'as lancé ta tête
je l'ai saisie au vol
et pour lui faire fête
laissée rouler au sol
elle m'y a léché les pieds
comme une folle
Horreur, quel goût peux-tu avoir
pour ma carne d'homme ?
Ne sais-tu pas ces fruits plus goûteux que la pomme
et si juteux qu'à boire on s'enivre à bon compte
quand on oublie un peu de sa peine et sa honte
et que tout le sang râle et nous enjoint d'aller
curer, mordre, sucer, jouir de cette chair
qu'on n'a pas de plaisir sinon à satisfaire
et la soif et la peau, entières ?
Horreur, j'ai ton nom sur la langue
et n'ose t'invoquer
que dans l'inimitié
si vive, si profonde
que l'autre fait surgir en un coin de ce monde
où je cherche la paix
l'autre, qui me harangue
me sert une envie de tout assassiner
à perdre de l'esprit l'entier
Horreur, je te connais
à table je t'invite
à dîner d'une soupe
il y trempe du laid, du maigre
et dans ta coupe
je verse un peu du sang - ce régal !
que j'ai repris aux miens
- qu'ils pleurent du vinaigre
la face dans leurs mains
Horreur, si je t'épouse
me feras-tu l'honneur
de me passer la blouse
dont tu revêts tes gens
quand ils vont officier
sur les champs de bataille
pour approvisionner
tout ton content d'entrailles ?
Ainsi, tu me rendras pareil
à ces nuits dans la nuit qui mangent le sommeil
Horreur, merveille.
tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
illustration : Francis Bacon.