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guerrière

  • Quel âne !

    ane.jpg

    Un âne à la miteuse robe
    à l'âme rude et xénophobe
    toisait du regard un bon chien
    oreille fine et cœur badin
    qui cheminait près de son maître
    menant au pré ses vaches paître.
    - Eh, l'idiot ! lui fit l'âne hautain,
    ce que tu peux être servile
    obéissant à cette main
    qui, sans toi, serait malhabile
    à mener seule ce troupeau.
    Le chien lui dit alors ce mot :
    - Je vois que tu veux disputer
    de quoi nature nous a faits ;
    dis-moi donc quel est ton emploi
    et nous concluerons après quoi.
    L'âne lui dit tout son travail :
    comme sur les champs de bataille
    il charrie les munitions
    qui contribuent à la victoire
    de l'un ou l'autre bataillon
    de la nation méritoire
    qui nous garde de l'étranger
    de ses déboires et projets
    ou toute infâmie qu'il importe
    de ne pas voir devant sa porte.
    A quoi le chien lui fit réponse
    en ces termes bien mesurés :
    - Mais si sur toi un boulet fonce
    et te réduit comme pâtée,
    dis-moi qu'y auras-tu gagné ?
    - Ah, mais la médaille et l'honneur !
    - Et cela ferait ton bonheur ?
    - Certainement ! j'y compte bien.
    Et ce destin vaut toujours mieux
    que ta vie de chien, malheureux !
    - Ma vie de chien, j'en suis content ;
    je vais tous les jours par les champs
    paisible, vif et laborieux,
    assuré de vivre bien vieux
    près de ceux que j'aime et me rendent
    tout le bonheur qu'on peut attendre.
    - Tu es idiot, je le répète.
    - Je vois, ton opinion est faite.
    - Et demain, je pars au combat !
    - Qui sait, quand on se reverra
    me tiendras-tu l'autre discours.

    Ainsi passèrent quelque jours...

    Puis ce fut la sombre retraite
    de toutes nos armées défaites
    où l'âne ne paraissait pas
    parmi le chaos des convois.

    Un soir qu'on lui donnait son dû
    le chien renifla sa gamelle
    car il n'y reconnaissait plus
    l'odeur de pâtée habituelle.
    Le maître approchant sa cabane
    lui dit : - ça te plaît-y, mon bon ?
    J'ai mis un bout du saucisson
    âne_war1.jpgque les troufions ont fait de l'âne
    tombé sous eux dans la mitraille.
    Le chien se remplit les entrailles
    ce soir-là, de belle façon.

    Quant à disputer à toute heure
    de la raison ou de l'honneur,
    c'est le fait des gens bien repus ;
    mais ça, l'âne ne le sait plus.

    (paru dans l'abécédaire poLétique) tiniak © 2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK