Fleuve, mon fleuve où tout se noie
arbres, lunes, ciels - mais sans moi !
t'ai-je dit que ta pente est douce
et, comme s'y mirent les mousses
qu'à mon heure, j'y plonge aussi
mon trop-plein de langueurs aux pleurs inassouvis ?
Fleuve, mon fleuve de patience
où se charrient de nos romances
le sang des pactes avortés
les sourires désabusés
le fer blanc des cœurs que convoitent
les navrants socs de nos breloques d'ouvre-boîte
Quand je confie à ta livrée
le flot tari de mes pensées
mon esprit prend les coloris
mouvants de ton cours assagi
par quelque force inéluctable
au langage oublié de moi et mes semblables
Être saule et te caresser
cygne et nager dans tes reflets
ragondin pour fouiller tes berges
vent pour jouer à ployer tes verges...
Ma conscience te suffit-elle
à t'écouler vers ton baiser d'or et de sel ?
Fleuve, mon fleuve au lent passage
aux antédiluviens hommages
glissant sous les arches des ponts
comme frappés d'inanition
dis-moi juste à quelle heure on dîne
que je lave mes mains aux larmes de la bruine
Quand tu chopes la chair de poule
à la surface de ta houle
c'est sous l'effet d'une risée
où la saison vient s'annoncer
que les seuls oiseaux savent lire
et que dévoie le trouble émoi de mon délire
tiniak © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK