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°gris sourire° - Page 5

  • les paumés

    MAINS2.JPG

    les paumés (1)

     

    les mains pauvres

    Si vous voyiez mes mains comme elles sont perdues
    à rechercher en vain le fruit de leur travail...
    Ça sentait bon le pain à l'aube dans la rue
    J’ai fouillé mon caban n'y trouvai que mitraille

    alors j'ai caressé la faim qui me creusait
    le ventre jusqu'aux flancs et qui faisait le tour
    de toutes les nuits bues et ma cote d'amour
    qui battait là-dessus ne me pardonnait rien

    alors j'ai recompté les pièces dans mes poches
    (peut-être bien aussi pour le bruit que ça fait)
    un vent s'était levé, me filait des taloches
    je ne comprenais plus comme il me conduisait

    alors j'ai rajusté mon col sous les oreilles
    mais toujours hébété et gelé tout pareil
    je tapais dans mes mains - plutôt, j'applaudissais
    le journal quotidien autour de mes orteils

    alors j'ai vu mes mains donner des coups de sabre
    pour achever les ombres qui traînaient encore
    - je vous parle de l'ombre et vous pensez la mort ?
    mais celle-là aussi m'évite sous les arbres

    alors j'ai pris ma gorge comme un lampadaire
    et je l'ai secouée pour qu'en sorte, lumière !
    un cri, mon pauvre ! un cri à retourner la terre

    Éden dont les fruits mûrs me donnaient du travail
    quand j'en avais le goût, le temps, tout l'attirail

     

    main pleine

    Un coup de dé jamais... je t'en fiche !
    Innocents, les mains pleines... ma foi !

    Quand les dés sont jetés dérouillent les semaines
    - tous les valets du roi ne font pas une reine,
    et puisqu'il faut gratter, grattons... hardi, les gars !

    pour pas rester marron, ni gris, ni chocolat
    En avant, martingales ! que ça pleuve
    et que nos berlingots s'émeuvent

    Travailler ! pour quoi faire ?
    Pleurez, pleurez, chaumières
    ça va tomber, les tuiles

    Gardez pour vos poignets ces quelques gouttes d'huile
    sous le coude, à l'abri
    dans les Chacun-pour-soi, tous les autres : tapis !

    Accordons nos cordons d'ordres labyrinthaires
    Sortons du potentat le chien et sa mémère
    Jouons la bonne carte

    Comptés tous les sabots, on taillera des pipes aux dés
    des costards à couteau tiré
    en priant le hasard de rester bien au chaud

    Aux innocents,
     les rognures
    d'ongles
     sur les murs

    Main-pleine,
     je rejoue
    Les règles ?
     t'en fous

     

    La vie, c’est du sang plein les mains

    La vie, c'est du sang plein les mains
    Lucie ! reviens

    Je cognerai moins fort
    ...plus du tout
    ...bon, d'accord
    mets tes cheveux
    mets tes caresses
    nous sortons
    dandine un peu des fesses, allons ! on nous regarde
    et puis, j'en ai fini de ce pot de moutarde
    aujourd'hui, c'est grand train
    allez, Lucie ! reviens

    Tu sais, j'ai réfléchi... mais pour ton épitaphe
    je n'ai pas su trouver la rime pour la baffe

     

    entre de bonnes mains

    Fais voir tes mains... Quelle horreur !
    Je sais bien d'où tu viens, allez ! tu as vu l'heure ?
    Ne fais pas tant de bruit, ton père est à côté
    Veux-tu que je te mette un plat à réchauffer ?
    C'est du lapin... c'est comme tu préfères
    Dis-moi, où as-tu pris cette mine sévère ?
    Aurais-tu quelque ennui ? te fait-on des misères ?
    Tu me dirais bien tout, n'est-ce pas ? je suis ta mère

    Donne... allez, tes mains... donne...
    Pour toi les miennes seront toujours bonnes

     

    mains droites

    Main sur le cœur
    le chapardeur
    a juré ses grands dieux
    on a fermé les yeux
    il reprend son labeur

    Main sur le front
    le beau garçon
    a fini son discours
    beurrant bien des amours
    dans un grand plat sans fond

    Main sous le sein
    Lucie revient
    hanter son petit jules
    les genoux dans le pull
    et le regard éteint

    La vérité d'une âme
    ne tient pas dans la paume
    méditons cet axiome
    avant - messieurs, madame,
    d'aller prêter serment

     

     

    les paumés (2)

     

    belle geste

    D'un geste
    tout s'arrête
    un geste et tout reprend
    amour et châtiment
    un orage qui peste
    nuées de fleurs au vent
    et tes mains sinuant
    si chaudes sous la veste
    pourtant
    passe, funeste
    un lent revirement
    du ciel qui déforeste
    méticuleusement
    de l'horizon boisé la ligne mollissant

     

     
    paumé !

    Le plan que j'ai en main ne me dit rien qui vaille
    et je n'y reconnais rien de rien où que j'aille
    je suis un étranger en pays incongru

    Je regarde ma montre, elle ne dit pas l'heure
    j'interroge le ciel, il a son air boudeur
    grisonnant et chagrin qui me crache dessus

    Je suis déjà venu par ici dans mon rêve
    ce rêve qui reprend sitôt que je l'achève
    celui où je ne sais lire le nom des rues

    (mais, aussi, quelle idée d'écrire en cyrillique !)

    Le plan que j'ai en main ne m'est d'aucun secours
    et la pluie qui remplit mes ourlets de velours
    s'en prend à mes lunettes, me brouille la vue

    Les gens de par ici ne me sont pas curieux
    - on s'est connu en rêve ! et c'est bien, mais c'est qu'eux
    savent leur intérêt et filent droit dessus

    Les échoppes bien rangées se ressemblent toutes
    je confie au hasard le destin de ma route
    vais les rues, les ruelles... places... avenues

    (notez que c'est joli toutes ces arabesques !)

    Le plan que j'ai en main finit à la poubelle
    j'ai lancé mon chemin sur les pas d'une belle
    elle était dans mon rêve et m'aura convaincu :

    l'amour surgit encore où l'on se croit perdu.


     
    je, demain

    À la bouscara
     la minette, la minette
    À la bouscara
     la minette souris-moi

    À la bouscara
     la fillette, la fillette
    À la bouscara
    la fillette grandira

    À la bouscara
     joliette, joliette
    À la bouscara
     joliette deviendra

    À la bouscara
     Juliette, Juliette
    À la bouscara
     Juliette embrasse-moi

    À la bisquerage
     je fais mon ménage
    À la biscadère
     je suis cuisinère
    À la biscodon
     je pilote des avions
     et j'emmerde les garçons

     

    à deux doigts de finir

    à deux doigts de finir
    je ne veux pas finir
    j'entreprends autre chose
    et souhaite que le jour prenne la pose

    je lui trace des contours élastiques
    l'intronise éternel et chimérique
    je lui fais les yeux doux
    je lui fais les gros yeux
    et lui renfonce la nuit dans les cieux

    à deux doigts de finir
    je ne veux pas finir
    aussi je renouvèle
    mon stock de rimes et de ritournelles

    je leur compose de jolis écrins
    je les enroule comme serpentins
    les sors de mon carné
    vers un autre support
    ce carnet, oui, pour une page encore

    à deux doigts de finir
    je ne veux pas finir
    et me figure apprivoiser la mort

     

    Pour un doigt d'hydromel

    Pour un doigt d'hydromel, je damnerais déjà
      tous les matins offerts
      avec la raie en biais
      par tous les lampadaires
      qui cyclopent en douce
      au long de l'avenue
      comme une orangeraie
      qui lèverait le pouce
      en plaidant sa nuitée
      paisible
      n'étaient tous ces moutards
      nuisibles
      et braillant leur cafard
      en se tenant aux murs

    Pour un doigt d'hydromel, je damnerais pour sûr
      tous les pauvres missels
      aux pages erronées
      qui suintent des amen
      et des Plus-Haut-Des-Cieux
      et mangent la semaine
      au parvis des ans vieux
      que balaient feuilles mortes
      et poudre d'escampette
      bravache
      de quelques malappris
      potaches
      scandant des théories
      en se serrant les corps

    Pour un doigt d'hydromel, je damnerais  encore
      tous les compagnons d'âme
      à l'abri, au secret
      dans le secret des flammes
      où brûlent du passé
      tous les chants méconnus
      et leurs ors et leur nombre
      et leurs sombres vertus
      et tous les gris sourires
      brillance
      qui n'a pas vu le jour
      et danse
      dans ma petite cour
      en se donnant la main

    Pour un doigt d'hydromel, je damnerais mon chien !
     

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustration composée d'après
    Les mains du pauvre,Oswaldo Guayasamín.

  • Le quart du Con

    prends ta carte, vieuxDans ce quartier
    les pas mouillés
    n'ont triste que la semelle
    regarde, ils vont passer,
    railler " de quoi j'me mêle ! "
    et continuer de vivre
    leur vie comme un grand livre ;
    ceux-là ne font pas du-, mais de l'art
    sont parfois durs à suivre
    ne sachant tôt ni tard
    ni rien de nos foyers
    qui gardent du brouillard à fatiguer les cuivres
    collé à la fenêtre ou pris dans le parquet ;
    ça chante, ça paillarde
    et puis ça disparaît

    que vas-tu me chercher des contes
    avec tes oiseaux noirs
    qui mangeraient les soirs
    pour aller s'en coiffer
    au bal où tu n'iras jamais
    - pas tant que je vivrai, bonsoir !

    Dans ce quartier
    les petits pieds
    ne sont pas enfantins
    qui battent le pavé
    haranguent le clampin
    et continuent de faire
    leurs petites affaires ;
    ceux-là ne font pas tant de vieux os
    et ça crève - mystère,
    quelque part à vau-l'eau
    sans payer nos loyers
    et pour les regretter que les chats de gouttière
    qui reviendront bientôt se faire consoler ;
    ça touche une guimbarde
    et puis ça disparaît

    que vas-tu me chercher des noises
    avec tes poules d'eau
    qui logent les chapeaux
    comme sur des patères
    à tous les réverbères
    - en voilà des manières, bravo !

    Dans cette rue
    les pieds au cul
    je vais te dir' : ça s'perd
    et si j'étais le maire...
    - y a pas d'danger, non plus,
    te foutrais ça en l'air
    les jeunots, les marmots,
    les morues, leurs julots
    et jupons, chevalets, chapeaux
    allez ouste, rideau !

    Dans cett' maison
    fille, fiston,
    je vous ferai l'éducation dont vous aurez besoin
    rangez craies et fusain, car voici la leçon :
    ah oui : nonici, c'est moi l'patron
    ...et en bras de chemise !
    ...qu'on se le dise !
    car voici ma devise
    " ...eux vivants, plutôt mourir ! "

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • perditions accordées

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    Je marchais dans le ciel en ayant l'air de rien
    dans le dos mes deux mains, le front grave
    (j'aime assez cette posture slave) ;
    on s'affairait là-haut à fourbir un matin.

    Je marchais, je vous dis - et comme au naturel,
    derrière moi gloussant des nuées informelles
    regroupaient leurs cancans
    " Il se prend pour le vent " sifflaient-elles.

    Je marchais, et puis quoi ! puisqu'il me plaît à moi
    d'aller justement là où il y a la place
    puisqu'aucun de mes pas ne laisserait de trace
    ici, comme il se doit.

    Je marchais dans le ciel pour y chercher mon âme
    vous savez, cette flamme un peu bleue sur les bords
    qui vous sort par les yeux en vous quittant le corps
    - non, je n'étais pas mort ; j'avais perdu mon âme !

    Je marchais prudemment pour ne pas l'effrayer
    et pour mieux la surprendre où j'allais la trouver
    certainement... bien sûr…
    menant quelque aventure auprès d'autres buées.

    Je marchais quand enfin je la vis seule et nue
    se frottant le joufflu comme après la fessée
    ainsi font les gamins qu'on aura attrapés
    faisant une bêtise à l'endroit défendu.

    Je marchais jusqu'à elle en faisant des manières
    …allez, je voyais bien qu'elle avait de la peine
    pour ne pas l’accabler je lui dis : - On promène ?
    elle acquiesça de suite et sans faire la fière.

    Je marchais dans le ciel mon âme à mes côtés
    que j’hésitais encore à me réintégrer
    tant il y avait là, je ne sais… oui, du Beau
    - comme j’aurais aimé béater ce tableau.

    Nous marchions ensemble (un gris sourire en coin)
    et le petit matin s’attardait, il me semble.

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • ni ça ni taire

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    A force de pourrir et de n'en dire rien
    j'ai perdu mon chemin - loin derrière, les trembles...
    Je connais ce rivage (ou du moins il me semble
    en avoir arpenté déjà le serpentin)

    J'avance que j'avance un œil dans chaque poing
    mais ne suis sûr de rien - il se peut que je rêve
    ce mot que j'aime tant rimer près de la grève
    où je me figurai partant (quelque lointain)

    Déjà que je transite ivre de luttes vaines
    mon esprit transitive un verbe sans objet !
    - lucidité furtive ou preuve que j'aurai
    chopé sur un bidet la grégaire gangrène ?

    C'est ça, ma maladie s'appelle humanité :
    on sait quand on l'attrape au goût qui vient en bouche
    on voudrait s'en curer tranquille dans sa couche
    alors on n'ose pas lui faire un pied de nez

    Moi, si ! Je suis poète, eh, oh... ça pèse un peu
    s'agissant de balancer entre vie et mort ;
    ai les deux pour amies et nous sommes d'accord :
    ce s'ra chacun son tour et je suis capricieux...

    Je promène toujours les deux yeux bien au frais
    dans les paumes qu'un pleur garde à température
    cherchant quelque lointain au-delà de ces murs
    - ils ont changé de nom, mais n'en sont pas moins vrais

    Pour ce pet et cet air, Jules, tu me pardonnes ?
    Si de l'autre (Julot) j'ai la bénédiction
    quand je vais sur les fleurs répandre ma miction
    les bonnes volontés disent : " Tu déraisonnes "

    Je suis déjà venu ici, me semble-t-il...
    La vague était moins lourde et le vent me chantait
    une manière d'être autrement à aimer...
    A quel moment, dis-moi, ai-je perdu le fil ?

    Il est peut-être temps de desserrer les poings
    défaire du regard toutes les ligatures
    laisser un gris sourire ourler aux commissures
    balayer des pensées les moutons dans les coins

    Et quoi ! tout déchirer ? tout remettre au rebut ?
    jeter sur le brasier du jardin des Constance
    rêve, béatitude et la nouvelle danse
    au motif impérieux que j'en ai assez bu ?

    Les bonnes volontés disent : " Tu fanfaronnes "
    Je vais capituler avant que ne s'immisce
    à nouveau le souhait que pierre reverdisse
    à nouveau dans l’idée que l'ombre se fredonne

    Ah oui ! Légèreté résultant de l'effort
    à prodiguer des mots comme des médecines
    - oh ! suffise à gangrène un jour de l'aspirine ;
    Gris sourire ? alors bon, légèreuté encore

    Repeindre tous les murs en orange baiser
    Dénicher l'aventure au fion du quotidien
    Voir quelque parenté de l'Ourse au petit chien
    et cuire des confitures dans le grenier

    C'est l'heure de passer au poignet la dragonne
    et de me rameuter les choses qu'il faut faire
    à moi qui n'ai jamais voulu ni ça ni taire
    les bonnes volontés disent : " Voici la donne... "

    piet_mondrian.jpg

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

    illustrations
    (ci-dessus) Piet Mondrian - Pommier en fleur, 1912.

    (ci-dessous) Janine Delaporte.

    delaporte.jpg

  • à mesure

    Qui du géant ou de l'infime
    recherche l'autre pour intime ?

    C'est au moment de disparaître
    que chacun mesure de l'être
    le Sublime

    le nez à la fenêtre où tout s'abîme

    tiniak, promeneur