
Les eaux n’avaient de cesse de monter, depuis.
 
 La ville submergée était abandonnée
 par la plus grande part des gens catastrophés.
 Et la pluie qui semblait ne plus jamais devoir
 s’arrêter de pleuvoir
 ricochait sur la Chambre Noire.
 
 Tu m’avais recueilli, transi, abasourdi,
 sur le canapé-lit de ton premier étage
 où je brûlais de fièvre et buvais de tes lèvres
 la force qui manquait à mon piètre courage.
 
 Les eaux n’avaient de cesse de monter, depuis.
 
 Plus de rez-de-chaussée, dans la ville noyée
 dont les rues n’étaient plus que canaux en lacets.
 La pluie ne faisait plus scintiller les trottoirs,
 continuait de pleuvoir
 et menaçait la Chambre Noire.
 
 Nous n’avions que le temps de voir couler le temps
 qu’il nous restait à fondre dans la Chambre Noire.
 De l’aube au firmament, prisonniers finissant
 d’acquitter notre peine à purger nos espoirs.
 
 Les eaux n’avaient de cesse de monter, depuis.
 
 Les vivres qui manquaient, le froid qui redoublait
 dans cette humidité qui s’emparait du monde,
 la pluie s’en réjouissait, drue et nauséabonde
 martelait son heurtoir
 sur le seuil de la Chambre Noire.
 
 Je t’ai lâché la main dans un soupir, serein
 juste comme mon cœur achevait de se taire.
 A cet instant certain que tu pourrais enfin
 quitter ce lieu, survivre à cet enfer.
 
 Les eaux n’auraient de cesse de monter, toujours.
 Mais toi, tu seras libre, mon amour.
 
nobertiniak © 2004-2008 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
 texte inspiré par
 une photographie extraite de La Chambre Noire de Gaëna.