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poésié - Page 142

  • lectures puériles (des rémanences futiles ?)

    © Cyril DelacourEt que lis-tu, l'enfant
    - œil à la fenêtre inverse,
    des rais en biais filant
    les gouttes de l'averse ?

    ...des horizons en glissades
    la course, la cavalcade
    ...des perles en chevelures
    ...les poissons d'une onde pure
    et de maman les pleurs amers
    dont je ne sais que faire

    Et que dis-tu, minot
    - bouche à l'haleine gourmande,
    de ce petit cinsault
    aux grappes en offrandes ?

    ...petit raisin deviendra grand
    vin dans les caves du géant
    ...des longs goulots coulera l'or
    dont mon père est ivre mort
    moi, et la reine des fourmis
    on joue aux billes, tandis

    Et qu'entends-tu, crognote
    - pavillon des harmonies
    de l'orage et sa flotte
    tonitruant la nuit ?

    ...des rêves la fin brutale
    ...mon frère au visage trop pâle
    ...de l'ogre marchant sur les sorgues
    la fureur des grandes orgues
    et de ses filles en colère
    les griffes dans la terre

    Que ressens-tu, petit
    - tissu aux fibres absorbantes,
    de tout ce que j'écris
    des natures latentes ?

    ...des mystères trop improbables
    pour m'être seulement aimables
    ...des glouglous de marécage
    ...de sentencieux présages
    ...des tristesses inconnues
    de mon âme ingénue

    L'enfant qui se tient en face
    n'est pas celui dans la glace

    L'enfant pris dans le miroir
    n'est pas celui qui vient s'asseoir et demande :
    "- Dis... c'est quand, je serai grande ?"
    (jamais !)
    "- Bientôt ; bien assez tôt, allez."

    FULLSTORM_regard sur un rêve d'enfant.jpg

    tiniak © 2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustrations : en médaillon
    «Portrait d'enfant, Notre Dame de Monts (Vendée ), 1998.» © Cyril Delacour ;
    ci-dessus
    FULLSTORM, «Regard sur un rêve d'enfant».

  • seul (étude)

    solo brio !

    Oh, Solitude ! tu m'accompagnes ?
    je vais au petit coin
    tout au bout du chemin
    où, finie la castagne,
    j'aime relire d'où je viens...

    tu sais que je sais qu'il n'est rien
    qui tremble dans le soir
    embarquant les espoirs
    pour un autre lointain

    et je sais que tu sais comme on plaint
    trop vite un solitaire
    qui va nu sur la terre
    tout le ciel dans les mains

    Oh ! Solitude, ton gris sourire
    est parfois doux et tendre
    il me plaît d'y comprendre
    tout ce qui va finir

    je vois que tu bois mes soupirs
    comme du vin clairet
    je suis le gobelet
    qui n’en veut désemplir

    et je bois comme toi l'élixir
    des larmes liquoreuses
    qu'on arrache aux pleureuses
    au moment de gésir

    Oh, solitude ! c'est quoi l'histoire ?
    peux-tu m'en raconter
    une autre s'il-te-plaît
    avant de m'endormir au soir
    seul à seul, comme jamais

    Oh, non ! jamais plus tous les autres
    qui se vautrent
    - et leurs chiens !
    qui se vautrent, les bons apôtres
    du désert quotidien

    Oh, non ! jamais plus les mirages
    de ces pages
    - policées !
    de ces pages pleines d'adages
    aux lames émoussées

    Oh, viens ! quittons-les sur la route
    que le doute écartèle

    Ne choisissons pas, prenons toutes
    ses chandelles

    Oh, Solitude ! tu viens ou quoi ?
    Ô ma seule étude sans loi

    Ne soyons plus qu'un, reine et roi
    du petit coin au bout de moi.

    un solitaire ?

    tiniak © 2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • Quel âne !

    ane.jpg

    Un âne à la miteuse robe
    à l'âme rude et xénophobe
    toisait du regard un bon chien
    oreille fine et cœur badin
    qui cheminait près de son maître
    menant au pré ses vaches paître.
    - Eh, l'idiot ! lui fit l'âne hautain,
    ce que tu peux être servile
    obéissant à cette main
    qui, sans toi, serait malhabile
    à mener seule ce troupeau.
    Le chien lui dit alors ce mot :
    - Je vois que tu veux disputer
    de quoi nature nous a faits ;
    dis-moi donc quel est ton emploi
    et nous concluerons après quoi.
    L'âne lui dit tout son travail :
    comme sur les champs de bataille
    il charrie les munitions
    qui contribuent à la victoire
    de l'un ou l'autre bataillon
    de la nation méritoire
    qui nous garde de l'étranger
    de ses déboires et projets
    ou toute infâmie qu'il importe
    de ne pas voir devant sa porte.
    A quoi le chien lui fit réponse
    en ces termes bien mesurés :
    - Mais si sur toi un boulet fonce
    et te réduit comme pâtée,
    dis-moi qu'y auras-tu gagné ?
    - Ah, mais la médaille et l'honneur !
    - Et cela ferait ton bonheur ?
    - Certainement ! j'y compte bien.
    Et ce destin vaut toujours mieux
    que ta vie de chien, malheureux !
    - Ma vie de chien, j'en suis content ;
    je vais tous les jours par les champs
    paisible, vif et laborieux,
    assuré de vivre bien vieux
    près de ceux que j'aime et me rendent
    tout le bonheur qu'on peut attendre.
    - Tu es idiot, je le répète.
    - Je vois, ton opinion est faite.
    - Et demain, je pars au combat !
    - Qui sait, quand on se reverra
    me tiendras-tu l'autre discours.

    Ainsi passèrent quelque jours...

    Puis ce fut la sombre retraite
    de toutes nos armées défaites
    où l'âne ne paraissait pas
    parmi le chaos des convois.

    Un soir qu'on lui donnait son dû
    le chien renifla sa gamelle
    car il n'y reconnaissait plus
    l'odeur de pâtée habituelle.
    Le maître approchant sa cabane
    lui dit : - ça te plaît-y, mon bon ?
    J'ai mis un bout du saucisson
    âne_war1.jpgque les troufions ont fait de l'âne
    tombé sous eux dans la mitraille.
    Le chien se remplit les entrailles
    ce soir-là, de belle façon.

    Quant à disputer à toute heure
    de la raison ou de l'honneur,
    c'est le fait des gens bien repus ;
    mais ça, l'âne ne le sait plus.

    (paru dans l'abécédaire poLétique) tiniak © 2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • L'invitation au bal

    dessin-bal.gif

    Si nous dansions un peu plutôt que tout se dire ?
    la musique des corps parle autant que la bouche
    s’il se peut que cet air te fasse moins farouche
    nous nous dirons bientôt comment mieux nous conduire
    empoignons ce ballet !

    Vois que pour te saisir j’y mets de l’élégance
    quelque souplesse même et beaucoup d’attentions
    et ne porterai pas la main à ton giron
    que nous n’ayons compris au fond de cette danse
    ce que le menu est…

    Voilà, c’est mieux déjà le rythme nous embarque
    une harmonie s’installe et nous prend par la main
    déjà tout se dévoile empruntant le chemin
    par où nous saurons bien imprimer notre marque
    - un signe déjà, va…

    Entends-tu ? cette fête sonore est la nôtre
    ce tempo est le nôtre et nous le maîtrisons
    en chantant à tue-tête en-dessous des lampions
    qui tombent à nos pieds, puis dans l’herbe se vautrent
    même si c’est sale, ça !

    Nous n’irons pas au ciel, c’est le ciel qui descend
    nous couvre de son miel et d’un souffle plus frais
    que nos haleines pleines de nos envolées
    orchestrant des nuées que nous envie l’encens
    (dont le capot est rat)

    Que n’avons-nous appris d’essentiel à nos yeux ?
    maintenant qu’on rajuste un corsage, une veste
    dis-moi ce qui pourrait bien nous laisser en reste
    et quel savant discours nous rendrait plus heureux
    Bal.jpgque ce sol qui tangue ? Oh !...

    …mais tu en redemandes
    voilà qui est nouveau…

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK 

  • le credo du mécréant

    eglises_lambe.jpg

    Les églises sont des lieux où
    aller en famille à la messe
    (sur des bancs qui ne sont pas mous
    mais plutôt fiers de leur rudesse)
    éprouver comme on a la fesse
    et se massacrer les genoux

    Les églises sont des lieux ceints
    de murailles douées de parole
    qui, sachant tout de nos destins
    vous narguent des maîtres d'école
    (et du cul des pigeons rigole
    l'impôt qu'on lèvera demain)

    Les églises sont des lieux dans
    lesquels rôde un infanticide
    et silencieux crime de sang
    (mais s'il-vous-plaît, pas de suicide)
    entendez-vous dans ce grand vide
    du Supplicié les hurlements ?

    Les églises sont des lieux dits
    propices aux nobles campagnes
    où seront sauvés les Gentils
    (quoiqu'ils ne portent plus le pagne)
    des vierges l'ont fait des compagnes
    jusqu'à la mort d'après la vie

    Les églises sont des lieux longs
    comme un dimanche quotidien
    qui avancerait à tâtons
    sur un circuit de formule 1
    en rentrant de chercher le pain
    (pour une tablée de croutons)

    Les églises sont des lieux où
    je retournerai malgré tout
    chaque dimanche après midi
    pour le déclin de leur parvis
    où mes filles font des glissades
    sur leurs patins - la régalade !

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustration : Lambezellec en 1847, anonyme.