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  • à taaaable!

    le_banquet_big.jpg

    à présent tous autour de moi, mes vieux fantômes
    partageons de ce beau repas la bonne chère
    des saveurs dont les vins, les plats, livrent l'arôme
    gavons nos peines, nos tracas et leurs chimères

    viens donc t'asseoir auprès de moi, ma peine brune
    toi qui d'une oeillade laissa pour lettre morte
    mon chant disant de ton aura l'antique rune
    ai-je bien mûri, selon toi ?

    mais que m'importe...

    ne t'étonne pas d'être là, Judas, mon sang
    d'aussi loin que mon souvenir est bien vivace
    tu marchais toujours dans mes pas, chemin faisant
    vois comme tout peut aboutir

    de guerre lasse...

    j'ai toujours cet éclat de rire à mon oreille
    balayant des doutes le pire et m'assurant
    des nuits brèves comme un soupir et que tu veilles
    jusqu'à ce jour où il faut dire

    adieu, maman...

    ouvre donc tes mains sur la table, coeur d'ébène
    ne les laisse pas dire encore "ainsi soit-il"
    j'y cherche un abri confortable pour les miennes
    les sachant plus aimables qu'alors,

    immobiles...

    maintenant debout devant vous, le bras levé
    je n'ai pas empli de vin doux mon gobelet
    mon hommage a le goût sucré des embrassades
    après une bonne gorgée de limonade

    je viens manger des madeleines
    triturer du doigt ces boutons
    écouter de vieilles rengaines
    les yeux plongés dans le sillon

    je viens chevaucher l'herbe haute
    où s'affolent des papillons
    peindre aux armes des argonautes
    glaive et bouclier de carton

    je viens gober du boudin noir
    perdre en forêt mon escadron
    fumer à la tombée du soir
    battre le groka tout du long

    je viens donner la sérénade
    les pieds gelés sur le perron
    feindre n'être que trop malade
    le nez caché sous l'édredon

    et goûtant d'autres madeleines
    coloriant d'autres papillons
    répondre au chant de la sirène
    qui viendra me baiser le front

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • de tous les mots, l'un seul

    mot.JPGLe mot
    au bout de ce possible moi
    juste avant l’indicible quoi

    pas dit déjà sonore
    m’expatrie au dehors
    et me métamorphose
    en déjà autre chose

    Le mot, cet étrange
    envol de mon âme incarné
    le mot, cet être ange, est

    quand je l’ai prononcé
    il file, destiné
    où je n’ai pas de prise
    jusqu’à ton entremise

    Le mot
    cet expert tease

    de ma bouche tu l’abouches
    et me le rends autre encore
    vibrant, ce liant haut et fort
    chante cette autre couche
    d’où ce possible toi débouche

    t’ai-je bien entendu
    mot, dis-moi tu
    et ce que je comprends
    est-ce bien toi, vraiment
    disant de moi ce que j’attends ?

    des mots, la belle histoire
    le chant, le conte merveilleux
    l’ivresse dite pour les yeux
    ces libelles à boire

    emporte-les, soupir

    comme autant de cadeaux
    surgis d’une poche de rêve
    aboutissant mu sur les lèvres
    en baisers ronds et chauds

    des mots jamais qu’un seul
    suffit à tout confondre
    il n’y faut pas répondre
    et le dire à nouveau

    de tous les mots, linceul
    aura le dernier mot
    mais de ces mots l’un seul
    est beau

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

    Mot3.jpg
  • de haute lutte

    the inner fightdans mes entrailles, une bataille :

    un bonheur béat le dispute
    mène un combat de haute lutte
    avec le doute et l'incertain
    et l'envie qui ronge son frein

    de l'attente la quintessence
    sourde, une fulgurance
    n'épargne plus rien de mon sein
    car de mon ventre le réveil est pour bientôt

    demain, ce rêve d'aujourd'hui
    sera fait de chair et de sang
    résisterai-je seulement
    à ce tourment qui prendra corps ?

    j'ai rongé de la mandragore
    bu liqueurs et filtres magiques
    sans que s'apaise la panique
    où trempe l'écho de mon coeur

      je tiens au bout du corridor ton fil, Ariane
      célébrant le bel aujourd'hui qui me gouverne
      j'en déclame au seuil de la nuit les chants profanes
      - est-ce ton râle, Minotaure, dans la caverne ?

    Oh, douleur! ma pauvre douceur
    qu'une aile frôle et c'est assez
    du pli de cette aile froissée
    Ô douceur, pour que ta douleur
    vienne à me ronger l'intérieur
    et me dévore à satiété

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK 

  • Le Cru

    Le Cru, selon moiVengeance de l’arbre

    Le Cru s’y fit de l’ombre

    coulant sang noir des rives sombres

    au pied des joncs malingres

    le déclin d’un verbe annoncé

    se pleure, et son malheur désolé

    se perd en vains sanglots, restes

    dévorés par le marigot céleste

     

    Le front naguère ceint d’ignorance assassine

    pesant, lui fait ployer l’échine

    et Le Cru abattu bave sur sa poitrine

    un psaume, une prière

    à l’abandon du père

    la trahison du frère

    et le brûlant regret de la mère

     

    Là-bas,

    flottant sur l’ici-bas si proche

    la barque d’un passeur fantoche

    attend de relever ses filets

    entre le fleuve et le marais

    mais l’autre couche avec les Parques

    aucun gueux ni aucun monarque

    ne sauraient l’en priver

    jamais, Ô Grand Jamais

     

    Alors, la nuit qui fit le monde

    abuse les reflets de l’onde

    et n’y tolère pas l’empreinte

    du pied rivé à la solive

    referme son obscure enceinte

    sur la lumière qui salive

    de n’être pas aimée

    de ceux qu’elle a baignés

    ces mêmes ceux qui applaudissent

    le corps du Cru et son supplice,

    la foule aveugle des absents

    dans l’apocalypse du sang

     

    Le tonneau mis en perce

    à son flanc se déverse

    le rouge a déserté la scène

    et gagné les esprits obscènes ;

    ils viennent s’affranchir

    de l’horreur et du pire

    en s’abreuvant avec délice

    au marigot du sacrifice

     

    Dans ce déballage incongru

    de rages rebattues

    Le Cru n’en finit plus de pourrir.

     

     

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustration : DALI, Christ of St John of the Cross (1951)

  • Pat!

    Ferdinand Hodler

    Thiepat, un patelin paumé, plus paumé que nulle part, avec la campagne autour, brumeuse.
    La campagne autour d'une ferme, serrant ses bosquets contre un lopin de terre en friche. Dans la ferme, une poignée de personnes autour d'une partie d'échecs. Autour du plateau, deux fronts : l'un moite et dégarni, l'autre couvert d'une broussaille rousse émergeant de la fumée dense d'une bouffarde. Autour de tout ce monde, l'ambiance tendue vers un dénouement très attendu.

    Les rares pièces à jouer témoignent de l'issue prochaine, imminente même, à en croire le regard paisible du rouquin et le trouble de son adversaire.
    - Je n'en puis plus, soupire la maîtresse de maison. Je vais faire du thé.
    Sans quitter son jeu des yeux, le rouquin dit d'un ton à la fois calme et ferme :
    - C'est tout à fait hors de question, Mrs Plee... Je dirais même : fort peu recommandé. Deux morts sous ce toit, dont l'un pas plus tard qu'hier au soir... à votre place, je me contenterais plutôt d'un Brandy. Qu'en dîtes-vous Bishop ?
    Le front moite s'épongea un peu avant d'acquiescer :
    - Au point où j'en suis, je crois même que cela s'impose. Voulez-vous être assez aimable pour nous servir, Mary ?
    L'employée de maison s'exécuta sans mot dire. Et fit bientôt la tournée des convives. Personne ne lui opposa de refus, pas même Mrs Plee.
    Le colonel Chandler, n'y tenant plus, eut toutes les peines du monde à conserver un semblant de flegme quand il s'enquit de la situation en ces termes mesurés :
    - Tout de même Cole, vous allez finir par nous dire où vous voulez en venir, n'est-ce pas ?
    Le rouquin, avançant son pion, annonça :
    - Échec... certes, Colonel, certes. Mais ne vous ai-je pas dit que de l'issue de cette partie dépendrait la résolution de notre sombre affaire ?

    - Ecoutez, Cole! fulmina le grand échalas accoudé au manteau de la cheminée, cessez donc ces enfantillages et venez-en au fait.
    - Tout au contraire, mon cher docteur. En l'occurrence, ce sont les faits qui doivent venir à nous.
    - Vous ne voulez pas dire ... ? s'inquiéta John, le métayer aux yeux charmeurs.
    Cole s'adossa, tira une bouffée, la libéra à la commissure de ses lèvres en disant avec quelque ironie:
    - Qu'un autre meurtre sera commis ? Non, j'ai tout fait pour le prévenir. Que l'assassin est dans cette pièce ? Oui, c'était bien le moins que l'on puisse attendre de ce personnage. Qu'il y en a encore pour longtemps ? Non, et c'est à vous de jouer, Bishop.

    Mais Bishop ne jouait plus.
    Il regardait fixement par-dessus l'épaule de Cole, la main suspendue au-dessus de son roi blanc. Il parvint cependant à dire ce seul mot :
    - Pat!
    - Ce serait une sortie honorable, en effet, commenta Cole, mais il vous faudrait jouer d'abord.
    - Non, là : Pat! s'écria Bishop dans un souffle interloqué.
    Sur le seuil du salon, le mort de la veille venait de faire son apparition, des chaussures de belle facture à la main :
    - Vous aviez raison, Cole, dit-il. La poussière était rouge.

     

    rouge, rien ne bouge

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

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    tiki#24 - paru chez les Impromptus Littéraires sur le thème du "polar",
    où je vous recommande aussi la lecture des textes de

    Poupoune

    Saraline, Minimifa, Mapie, Toncrate