Prise de terre
 entre les dents;
 la faim du monde paysan
 j'y pense à l'heure de la promenade
 sur le bitume des villes malades
 Pré  du kiosque le gazon vert
 crotté par de bonnes mémères
 aux étrons blancs et solidaires
 je lévite au-dessus de son aire
 le front ceint d'atmosphère artiste
 pour un peu me ferai lampiste
 de théâtre
 - drame, comme j'essuie tes plâtres
Prise de terre
 sous les pieds nus;
 je titube - Eh, je n'ai pas bu !
 Des forces telluriques, impies
 affolent un rang de fourmis
 qui s'égaille entre mes orteils
 dispersent le soudain réveil
 de tout mon capricieux appareil
 Ruée      à travers l'échine
 Détente  des plis de mon grin
 Extase    phase après phase
 et le Cri
 que tout cela m'arrache
 emplit tout ce dont je m'amourache
 Et la nuit
Prise de terre
 l’œil en coin;
 avec la lune
 pas loin, pas loin !
 et le Centaure et la Grande Ourse
 avec le chien
 qui font la course
 mais c'est toujours le même qui gagne
 vite à la niche des campagnes
 et allez, si les cloches sonnent
 (ces cloches que plus rien n'étonne)
 ça participe de la fête
 (ses bourrades, sa chansonnette)
 - Eh, te voici ! le bon chienchien
 pour ta caresse de l'autre main
Prise de terre
 à paume pleine;
 l'exilé de retour au pays
 à son ennui, son oubli de soi
 des autres
 et leur mauvaise foi 
 et puis leurs femmes
 avec leur nom
 qui s'efface d'un trait d'union
 passage obligé par la vie, son cours
 la grimace de ses contours
Prise de terre
 à plein poumons;
 la terre est sauve
 (ben voyons :
 pas son labeur
 ni les lieux qu'on a pris par cœur)
 la terre odorante
 ses berges
 près des eaux, les lumières vierges
 dans le murmure bienveillant
 des arbres
 (mais les arbres aux bras ballants)
 sous le ciel glabre
Prise de terre
 aucun miracle;
 je reviens à mon tabernacle
 le front gris
 le menton pris
 dans un sourire d'empathie lasse
 alors la boue sur mes godasses m'apparaît
  au moment de quitter le square
au moment de quitter le square
 (où je ne t'ai pas vue, ce soir)
 puis ma nostalgie paysanne
 me pousse au flanc
 oui... comme un âne
Prise de terre
 (tout électrique);
 je regagne ma mezzanine
 chassant de mon bras la farine
tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
 




