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paVupApRi - Page 187

  • braguette paysanne

    Prise de terre
    entre les dents;
    la faim du monde paysan
    j'y pense à l'heure de la promenade
    sur le bitume des villes malades
    Pré  du kiosque le gazon vert
    crotté par de bonnes mémères
    aux étrons blancs et solidaires
    je lévite au-dessus de son aire
    le front ceint d'atmosphère artiste
    pour un peu me ferai lampiste
    de théâtre
    - drame, comme j'essuie tes plâtres

    Prise de terre
    sous les pieds nus;
    je titube - Eh, je n'ai pas bu !
    Des forces telluriques, impies
    affolent un rang de fourmis
    qui s'égaille entre mes orteils
    dispersent le soudain réveil
    de tout mon capricieux appareil
    Ruée      à travers l'échine
    Détente  des plis de mon grin
    Extase    phase après phase
    et le Cri
    que tout cela m'arrache
    emplit tout ce dont je m'amourache
    Et la nuit

    Prise de terre
    l’œil en coin;
    avec la lune
    pas loin, pas loin !
    et le Centaure et la Grande Ourse
    avec le chien
    qui font la course
    mais c'est toujours le même qui gagne
    vite à la niche des campagnes
    et allez, si les cloches sonnent
    (ces cloches que plus rien n'étonne)
    ça participe de la fête
    (ses bourrades, sa chansonnette)
    - Eh, te voici ! le bon chienchien
    pour ta caresse de l'autre main

    Prise de terre
    à paume pleine;
    l'exilé de retour au pays
    à son ennui, son oubli de soi
    des autres
    et leur mauvaise foi 
    et puis leurs femmes
    avec leur nom
    qui s'efface d'un trait d'union
    passage obligé par la vie, son cours
    la grimace de ses contours

    Prise de terre
    à plein poumons;
    la terre est sauve
    (ben voyons :
    pas son labeur
    ni les lieux qu'on a pris par cœur)
    la terre odorante
    ses berges
    près des eaux, les lumières vierges
    dans le murmure bienveillant
    des arbres
    (mais les arbres aux bras ballants)
    sous le ciel glabre

    Prise de terre
    aucun miracle;
    je reviens à mon tabernacle
    le front gris
    le menton pris
    dans un sourire d'empathie lasse
    alors la boue sur mes godasses m'apparaît
    Bottes_noires_001.jpgau moment de quitter le square
    (où je ne t'ai pas vue, ce soir)
    puis ma nostalgie paysanne
    me pousse au flanc
    oui... comme un âne

    Prise de terre
    (tout électrique);
    je
    regagne ma mezzanine
    chassant de mon bras la farine

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • et avec ça, ce sera tout ?

    Avec tout le bois mort des forêts insoumises
     tous les élans des amours ravageuses
     tout le soutien des terres généreuses
     tous les secrets attendant qu'on les dise

    Avec les chiens perdus pour la bonne caresse
     les orphelins du plus simple sourire
     les solitudes à n'en plus finir
     les portes closes sans laisser d'adresse

    Avec le peu de temps que chante la cigale
     la saison neuve où cette autre s'effeuille
     le rouge feu du soir qui monte à l'œil
     l'aube, son voile et sa danse orientale

    Avec un petit rien que c'est un vrai bonheur
     une main pleine de caramels mous
     un vent marin glissant des billets doux
     une tartine confiture et beurre

    Je ferai les barreaux de l'échelle à gravir
    d'après Fabien NOURRISSONpour l'apposer au ciel sur le petit matin
    en priant le Pierrot de vite déguerpir
    décrocher de la lune le miroir sans tain

    et te l'offrir
    (mais cela va sans dire)

    et boire un vers
    au calice lunaire
    avant de le jeter en l'air

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustration : d'après un bronze de Fabien Nourrison

    impromptu littéraire (remanié)- tiki#56

  • apartés superflus

    La porte mûre ne demanderait pas mieux
    que découper au ciel une chemise bleue
    sans manches,
    par où délivrer ce dimanche
    plus vieux d'une semaine
    (évidemment pluvieux)

    La fraîcheur grelotait, humide et reniflante
    sur les feuilles en pentes et prêtes de tomber
    à terre,
    orange et marron sur le vert
    tapis de nos prairies
    (gazon des normandies)

    Le temps s'alanguissait pris dans une Limoges
    au cadran de l'horloge implorant la soirée
    qui tarde,
    et par les collines brouillarde
    les arbres par les pieds
    (ah ! l'ordre des pommiers)

    Le village fumait dans le bas du vallon
    ses foyers de saison où l'ennui se taisait
    en masse,
    chacun se croyant seul, hélas
    et songeant au souper
    (on avait sa fierté !)

    La route Par-En-Haut calmait les grognements
    de cette toux mauvaise et tout le jour durant
    qui crache
    les véhicules sans relâche
    vers leurs pauvres ailleurs
    (bien sot qui ne demeure !)

    La rumeur avait cours, mais venant de la ville
    on se savait tranquille à l'abri du vieux bourg
    serein
    - qui en avait vu d'aut', enfin !
    et ça, depuis l’Empire
    (campagne, tes soupirs...)

    Un lundi de labeur remit le monde en selle
    qui tombait la bretelle ou tamponnait la sueur
    au front,
    une capricieuse saison
    donnait bien du souci
    (campagne, tes ennuis !)

    ...mais l'Histoire, quelle histoire !

    L'Histoire était en train quelque part sur la route
    d'arrimer au destin la fin de tous les doutes
    le siècle
    dégoupillerait son couvercle
    avec la nuit venue
    (aparté superflu)

    Pour un matin de juin, on avait connu mieux...

    Damn beach !
    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK 
  • L'aube s'honore

    Chantal Haboyan, L'Aube

    L'aube sonore par les jardins
    son triomphe sur le murmure
    d'une nuit qui jamais ne dure
    et ploie sous la roue du destin

    Marquant le ciel d'une griffe pâle
    par où l'orient va soulever
    le jupon noir de la nuitée
    l'horizon, c'est l'autre signal

    Tout, le spectacle de la prière
    dans les biais sous la nuée grise,
    le chant des amours compromises,
    soit révélé dans sa lumière

    Il faudra donc remettre à l'ouvrage
    les "bonjour", les "salut, mon vieux"...
    "je n'aime rien tant que vos yeux"...
    affichant qu'on a le courage

    Au jour venant, quel train de babioles
    allons-nous trouver au marché
    dont nous espérons contenter
    la frénésie des courses folles ?

    Avant le soir, il fera beau mettre
    en ordre les ajournements
    avoir soldé nos sentiments
    fermé les volets aux fenêtres

    Le jour venu, quand je n'aurai plus
    rien de cela à redouter
    la nuit blanche m'aura gardé
    ouverte une porte inconnue

    Et de ce jour, la messe dite
    je l'aurai divisée par huit.

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustration : Chantal Haboyan, L'Aube.

    Chantal Haboyan est décédée le 22 janvier 2011, merci de lui rendre hommage en visitant son espace.

  • hommages

    PAUVRE MERCURE

    (à Laforgue)


    Non, pas dimanche, je vous prie
    pas dimanche, merci !

    Ça va, j'en ai des pianos dans la tête
    ma tête comme une girouette
    avec le nord en moins - trop loin,
    et puis trop gris, et puis trop froid,
    pas bon pour moi et mes myriades
    de machins minuscul’s et malades.

    Lundi ?
    ...vous êtes occupée,
    tant pis.

    Voulez-vous que nous disions Mercure ?
    Allons, allons, joli poison...
    Laissons-nous tenter l'aventure.

    J'aurai des ailes à mes pieds d' nez
    ainsi, pour sûr, me reconnaîtrez
    à mon visage pâle, aussi
    - c'que c'est qu'être mâl' par temps gris !

    Passez, passants, vos routes obscures...
    Je vous dis que j'attends l'aventure
    et que n'en sachant le nom ni la mère,
    je veux, mon neveu, que je l'espère !

    Oh, les mères !
    tagada tsoin tsoin
    tous cors dehors
    dès le matin
    Oh, les vilaines
    - qui me gâcheraient la semaine !
    avec elles, de l'art
    ... bon, mais de la manièr' donc !

    Ça ! j'entends des alleluias...
    Est-ce que soyez déjà là ?
    Je ne vous y vois pas !

    Vous n'auriez pas cette farine
    à votre cou de gourgandine.
    Vous ne coifferiez pas si haut
    de si belliqueux oripeaux.

    Je vous voyais Cybèle
    pas de ces robes isabelle !
    Je vous rêvais Hermione
    pas de ces sinistres dragonnes !

    Ah, dites-moi, dites
    dites-moi tout...
    Mais dites-moi que ce n'est pas vous !

    Ça ! j'entends des Væ soli
    C'est-y qu'on s'rait déjà Ce Dimanche ?
    Ah, non merci.

    Au clocher sonne un conciliabule
    (je vais me faire appeler Jules).

    Alors adieu mon aventure
    (puisque vous préférez l'Arthur).

    famille_piano.jpg

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustration : Ludger Larose, La leçon de piano.

     

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    DANS LA MAISON DE PIERRE

    (à Reverdy)

    miro1.jpg

    Dans la maison bien élevée de Pierre
      le vent
          entre ses rochers blancs
      titille un feu qui pleure et se fend
      d'un souvenir passant

    Dessus, l'horizon est assis
    il médite
      de tout son poids sur l'ardoise du toit
      de tout son poids mort
      loin des trottoirs corridors
      où nul visage, aucun nom ne séjournent
    il évite
      le vol triangulaire d’une flèche criarde
      et tous ces mots attendus qu’on ajourne
    cependant qu'on bavarde

    Sous sa maison, les maisons qui s'oublient
    Les saisons froides sans aucun bruit
    Leurs ombres roulent de lourds tapis
      sur les cadavres des lampes éteintes
    Tous les enfants n'y sont qu'une plainte
      sourde
          et morne
             et jugée gourde par les yeux borgnes

    Un arbre
      lavant au ciel ses pas de marbre

    Et, juste à coté, la rue qui tremble des pieds

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustration : Joan Miró