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°amours filiales° - Page 2

  • L'addition

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    Combien vaut un bon jour ?
    Combien vaut un bon soir ?
    Alors, voyons… qu’ai-je là dans les poches ?

    Ne me fais pas, petite, cette mine de chat

    Ça vient, ça vient… et ça viendra son heure :
    tout, le prix du bonheur, le sourire qui va
    et la douce chaleur, pas à pas…

    Cloche, sonne l’invite à rejoindre le temps

    sa fuite excite une expérience neuve
    L’eau coulée sous les ponts ne change pas le fleuve
    les regards, seulement, qui s’en émeuvent

    Petite, allons, l’instant t’est favorable

    Défais de sa materne ton cartable
    et reprends le chemin dans l’or qui te regarde
    aimant et embrassant ta promenade

    Ce chemin-là ou l’autre, après un jour, un soir

    demeurée seule avec ton jugement
    tu te déroberas au reflet du miroir
    pour mieux te rappeler à ce moment

    Que te vaut un « bonjour » ?

    Que te vaut un « bonsoir » ?
    Et qui te l’auras dit tout récemment ?

    Ne t’en fais pas, petite, et caresse ton chat

    Ça vient, ça vient… et ça viendra son heure
    l’autre, tendre chaleur, dans les bras

     

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • Bon sang ne saurait mentir

    lorgnon.jpg

    « Bon sang ne saurait mentir »
    avait coutume de nous dire
    depuis son fauteuil en rotin
    la canne calée sous le poing
    le chignon terne et austère
    notre fière arrière-grand-mère

    Un vieux lorgnon d’entre-deux-guerres

    lui cousait un œil plus sévère
    dont elle usait d’un air mesquin
    glaçant nos mines de bambins
    et fustigeant de son venin
    les délires badins
    d’un âge pré-pubère
    à son goût par trop enfantin
    et quelle n’appréciait guère

    Quelque infamie congénitale

    nous aurait donc voués au Mal
    et prédisposés aux tourments
    de la Grand-Mère Malesan ?

    Après tout, quel revirement !

    tiniak ©2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    reprise d'un Défi du samedi
    (la centième)
    "En un mot comme en sang" édité en mars.

  • dans un bonjour

    Ce machin ! tout gris, tout tordu, à la tête d'épingle
    aux bras de bonobo
    que prolongent deux tringles,
    il me suit partout comme une ombre - et peut-être en est-ce une !
    Si je porte chapeau
    il en coiffe la lune
    Le fleuve
    il en singe les joncs
    - la preuve ?
    ses grands pas de héron
    qui se tendent, se meuvent d'étrange façon

    Si je l'entendais bruire... !

    mais je n'entends jamais que mes propres soupirs

    Je l'appelle...

    disons, quand l'idée me vient à l'esprit : Ficelle
    - n'en déplaise aux férus de feu Giacometti
    ou aux arts éternels,
    c'est ainsi

    Quel bidule !

    et moi de m'inquiéter d'être sous sa férule
    avec mon gris sourire
    et cette propension à redouter le pire
    dans la chose certaine
    (qui prétend régenter notre nature humaine ?)
    pour un peu, ça m'étouffe
    et m'entraîne à surjouer ma partie dans l'Esbroufe
    générale
    où se distrait l'ennui de son issue fatale

    Mais, bon... c'est décidé : je veux tordre le cou

    à la dernière peur qui tarde
    à s'assagir enfin
    quand l'autre affreux pantin musarde
    et se gave, après tout,
    de ces mornes courroux qui m'affligent la carne !

    Je tire la ficelle...

    au bout, pas de surprise :
    une charpente grise et maigre comme un clou
    vient et s'immobilise,
    ruissèle de partout
    de la cendre
    que mêle un jus épais à l'odeur sulfureuse
    de coriandre ;
    dans ses orbites creuses
    où l'ombre est à se pendre
    je cherche une émotion
    - quel âne !
    depuis longtemps l'essence a déserté ce crâne

    Si j'avais des ciseaux... !

    mais des ongles gelés me parcourent le dos

    Les miens étaient rongés (maintenant que j'y pense,

    comme c'était fort laid !)
    au fur et à mesure
    que l'autre décharné réclamait ces rognures
    pour lui-même
    et sa triste posture de cri sans thème
    et puis cette douleur
    dénigrant des caresses le simple bonheur
    d'être douces, attentives
    et au lieu de cela - prétention maladive,
    abritaient sous mon bras leur méfiance craintive

    Suffit, là !

    je regarde la vie
    elle tient devant moi
    elle a le cheveu court
    (un peu plus court qu'hier, oui)
    et dans son œil m'accorde une larme sincère
    et gaie !
    voyez comme !
    Il est temps d'en finir, allons ! vilain bonhomme

    Je me tiens devant elle

    Pardon... je me tiens devant toi, Ficelle !
    et le mot qui me vient pour déjouer tes tours
    est si simple à présent : bonjour

    1965Giacometti -Lotar III.jpg

     

     

     

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un hommage à Alberto Giacometti

  • printaniais

    printemps.jpgÀ vos extases printanières !
    gentils essieux, molles palmes
    qui dandinez, la mine altière
    et la servitude portable

    Ce teint carotte-Grand Marnier
    qui fait injure à vos cravates
    c'est peu de dire comme il sied
    mieux à vos raideurs acrobates

    Voyez le juteux paradoxe :
    à la cloche de l'équinoxe
    vous quittez vite vos écharpes
    tirez les housses de vos harpes
    cuivres, pianolas et fauteuils
    quand tout le ciel porte le deuil
    des fumées droites
    et des diamantaires gelées
    sur nos pénates

    Hiver est mort,
    voyez-vous ça !
    Hiver est mort,
    alléluias...

    C'est ça ! raillez, la goutte au nez, l'ample mouchoir
    et circulez en paréo dans les couloirs ;
    l'armoire lâche encore un peu
    de ses linges libidineux
    et vous paraderez comme larrons en foire

    Et ça bourgeonne, les cancans à la cantine
    Ça bourdonne, les coups de sang aux étamines
    La main gauloise et baladeuse
    trouve la bourgeoise rieuse
    - ah, l'échange de l'agrafeuse et du cod'pin !

    Et toujours pas plus de saisons chez l'épicier
    que chez le traiteur ni le voisin de palier
    - ce, malgré la chemise à fleurs
    la sandale et le débardeur

    Bon, je fais quoi, moi, avec mon paquet de gris ?
    Je le laisse ou le mène voir le Tout Paris ?
    J'y colle une poste restante ?
    Le laisse couver sous la tente ?
    (il en est, canal Saint Martin
    qu'on a dressées... pas pour les chiens !)

    J'en fais quoi de tout ce brouillard anachronique ?
    Au marais, un nuage de poudre artistique ?
    le solo pleureux, l'œil de chat
    le long point d'orgue qu'opéra
    le lent défilé des soupirs...
    qui voudra m'entendre les dire ?

    L'heure est au triomphe solaire
    aux évidences maximales
    au relâchement maxillaire
    des béatitudes vénales

    C'est le printemps - qu'on se le dise
    aurait pu m'égayer un peu
    n'était le souffle de bêtise
    allègre à ce front vaniteux

    C'est le printemps ; c'est entendu...
    Chargez, pollens et graminées !
    L'air est une affaire conclue
    pour toutes les pharmacopées

    C'est le printemps ! Je l'aurai dit
    trois fois de trop dans ce poème
    - pauvre magnitudo parvi !
    où je n'écris pas ce que j'aime.

    FLOCH-JP_EXTASE.jpg

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

    Illustration : sculpture de J.P. FLOCH, artisite québecquois ; bronze, Extase.

  • la plinthe

    WALL42.JPG

    La mère est une bouche avec les jambes sous les seins
    Elle vit seule en couche et mange ses enfants
    Le père meurt encore avec les autres pour les siens
    Les œufs de feu du ciel m'assènent ses louanges

    - mama loves her baby and daddy loves you too

    Les tigres sont lâchés ; ailleurs tombent les murs

    Ici, chaque mot apporte sa brique
    Je couvre mon carnet de mes pauvres coliques
    Je crains l'école et ses paroles dures
    - and the sea may look warm to you, babe, and the sky made of blue


    La mère est une cour avec un juge à chaque main

    Elle caresse un mort, aux bras le dernier né
    Les reliques d'un rire emboîtent son petit train-train
    La voix définitive, elle a tranché
    - the silent reproach of a million tear-stained eyes


    Dans son ordre inversé, le Maître lui ressemble

    Il arrache au carnet mes pages noires
    Des tigres de papier feulent dans les couloirs
    A mon bras décharné, l'aiguille tremble
    - don't be surprised when a crack in the ice appears under your feet

    Ma caverne est un mur où dansent, bacchanale

    à l'assaut de fêlures ornementales

    les sombres réjouissances
    les jeunesses flouées
    la fin des résistances
    la bave des ainés
    dans la lumière crue
    d'un Chaos résolu
    à marcher sur le Rêve
    à pas forcé
    sans trêve, sans pitié
    - how should I complete the wall?

    Me voilà dos au mur

    attendant ma piqûre de rappel
    - à l'ordre ? au rituel ?
    et je sens qu'on me hisse
    Sous moi, le monde glisse une porte
    la tentation est forte d'y passer un adieu
    - a distant ship smokes on the horizon

    Je gagne le sommet

    J'entends une scansion, ritournelle
    - Ooh ma! Ooh pa! the show must go on

    Serait-ce ma famille

    ce vil rang de chenilles
    grouillant alignement longeant la plinthe ?
    Ruée processionnaire
    ton pas bien accordé
    aux accents unifiés
    d’un chant immunitaire
    lézarde sur le mur
    la brique la plus dure
    où naguère ma mère
    au fur et à mesure
    de son besoin d’avoir la main mise sur tout
    aimait limer en pointe
    ses ongles de saindoux
    comme on boit de l’absinthe
    Femme, d’entre les fous, complainte !
    - Worm, Your Honour, let me take him home

    Surgit un arc-en-ciel avec ses jambes sur la ville

    De sa bouche infantile, il gobe les fumées
    Je me redresse alors debout sur les tessons de tuile
    La foule s’éparpille sous mes pieds
    - I sentence you to be exposed before your peers

    À bas, le mur !

     

    Wall-side.JPG

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    d'après Pink Floyd THE WALL
    pour un Impromptu Littéraire - tiki#75.

     

    WallCrossedHammers.jpg