Le livre dans ma poche est plus lourd que moi-même
Je le lis pour moi-même, il est plus lourd encore
Je le lis pour le dire et il prend un essor
que j'ai bien peine à suivre
Parole ! c'est un jet, ce bonhomme de livre...
Toi, tu as embarqué à son bord
mais moi, je suis resté là, dehors
accrochant mon entier à chaque phrase dite
le souffle ravagé par la moindre virgule
au rythme soutenu d'un point par crépuscule
- ça fera bientôt plus d'un mois, dites !
que cette occupation m'habite
et de page tournée en page résonnante
je ne sens pas le livre amorcer sa descente;
pendant qu'à ton hublot tu comptes les paliers du ciel
savourant tous les mots qui disent "tu es belle"
"ah, tu le savais bien" et "cela va sans dire"
Mais si ! mais justement ! et mon état empire :
le temps, je ne sais plus ce que c'était avant
le geste, un paragraphe, une ellipse... la peste !
la mer, un drap qui vole aux bras des lavandières
le vent de sa forêt égaille la volière
et ça piaille !
(les oiseaux ne savent pas le braille)
nous avons pris tant de hauteur
que je ne connais plus ni le nom de l'auteur
ni le titre du livre en édition de poche
- je pourrais regretter la boue sous mes galoches
mais dans ce tourbillon littéraire
je ne suis pas d'humeur à regagner la terre
...alors, je lis
pour la joie de te boire ivre d'écrits
Quoi, déjà la dernière page ?
mais tu sors de ta poche un autre bel ouvrage
et le tends
pour que nous repartions d'un tout nouvel élan
tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK