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  • Poche trône

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    Le livre dans ma poche est plus lourd que moi-même
    Je le lis pour moi-même, il est plus lourd encore
    Je le lis pour le dire et il prend un essor
    que j'ai bien peine à suivre
    Parole ! c'est un jet, ce bonhomme de livre...

    Toi, tu as embarqué à son bord
    mais moi, je suis resté là, dehors
    accrochant mon entier à chaque phrase dite
    le souffle ravagé par la moindre virgule
    au rythme soutenu d'un point par crépuscule
    - ça fera bientôt plus d'un mois, dites !
    que cette occupation m'habite
    et de page tournée en page résonnante
    je ne sens pas le livre amorcer sa descente;
    pendant qu'à ton hublot tu comptes les paliers du ciel
    savourant tous les mots qui disent "tu es belle"
    "ah, tu le savais bien" et "cela va sans dire"
    Mais si ! mais justement ! et mon état empire :
    le temps, je ne sais plus ce que c'était avant
    le geste, un paragraphe, une ellipse... la peste !
    la mer, un drap qui vole aux bras des lavandières
    le vent de sa forêt égaille la volière
    et ça piaille !
    (les oiseaux ne savent pas le braille)
    nous avons pris tant de hauteur
    que je ne connais plus ni le nom de l'auteur
    ni le titre du livre en édition de poche
    - je pourrais regretter la boue sous mes galoches
    mais dans ce tourbillon littéraire
    je ne suis pas d'humeur à regagner la terre

    ...alors, je lis
    pour la joie de te boire ivre d'écrits

    Quoi, déjà la dernière page ?
    mais tu sors de ta poche un autre bel ouvrage
    et le tends
    pour que nous repartions d'un tout nouvel élan

     

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • après vous

    Après la bouche qui caresse
    la main, fraîche caresse encore

    Puis, dans les corps abandonnés
    la vie qui singe la mort

    Sur la courbe nue de la fesse
    la chaleur d’une tache d’or

    Juste avant son oubli, l’ivresse
    à l’œil qui se ferme et s’endort

    Les corps lourds ont le cœur léger
    Il s’envole par la fenêtre
    un souffle d’âmes délestées
    rejoignant le tableau de maître

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    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

    Illustration : Wassily Kandinsky, Courbe dominante.

  • mauvais sang

    Voici ton heure, mauvais sang
    l'heure de pointe au cheveu blanc
    témoin de nos fronts déclinants où s'agglutinent
    écot versé à la tontine
    l'hypothèque et la mise en gage
    des ruines laissées sans partage en servitudes
    où palissent les sourdes inquiétudes
    que nos mains ceignent
    en n'osant tirer trop fort sur le peigne

    C'est le moment des vilainies

    crachées de sous les vieux tapis
    par l'odieux serpent qui déplie ses annelures
    et nous jette en pleine figure
    un vin coupé de limonade
    avec ce goût de jérémiade acidulée
    lent venin sous le derme accumulé
    sans que s'en plaignent
    ni la vampire sangsue ni la teigne

    Au temps mauvais
    des ciels de lait
    plus crus que crème

    Tout s'est perdu

    de ce qui sut
    dire "je t'aime"

    Et revoici

    au cheveu pris
    dans le miroir

    Le mauvais sang

    qui désapprend
    le cher "bonsoir"

     

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    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • Bon sang ne saurait mentir

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    « Bon sang ne saurait mentir »
    avait coutume de nous dire
    depuis son fauteuil en rotin
    la canne calée sous le poing
    le chignon terne et austère
    notre fière arrière-grand-mère

    Un vieux lorgnon d’entre-deux-guerres

    lui cousait un œil plus sévère
    dont elle usait d’un air mesquin
    glaçant nos mines de bambins
    et fustigeant de son venin
    les délires badins
    d’un âge pré-pubère
    à son goût par trop enfantin
    et quelle n’appréciait guère

    Quelque infamie congénitale

    nous aurait donc voués au Mal
    et prédisposés aux tourments
    de la Grand-Mère Malesan ?

    Après tout, quel revirement !

    tiniak ©2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    reprise d'un Défi du samedi
    (la centième)
    "En un mot comme en sang" édité en mars.

  • Ce désordre nous vaut

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    Que ce qui bouge là-dessous se taise
    on s’entend plus soufrer !
    on n’est plus à son aise !
    Que nos lies de regrets s’apaisent, fondent
    et forgent nos épées pour conquérir le monde
    Que tous nos fers de lance
    contre le ciel s’élèvent
    tandis que nos foulées sur la terre mouvante
    l’obligent à garder pour elle
    sous le manteau la sève, lente,
    où roulent du magma les sifflets infernaux
    et des affres déliquescentes les pipeaux

    À vous, les flores microbiennes !

    Levez vos légions virulentes, artistes
    par les pelures de nos plaines
    depuis nos montagnardes sentes et pistes
    aussi les fleuves
    où nos sillons de culture s’abreuvent

    Abrogeons les lois du vacarme
    aux assemblées de crocodiles
    baillant tous leurs palais bourbons aux larmes viles
    Aux larmes !
    Émanations du sens pratique
    les larvaires compromissions
    au dernier souper de maximes
    pour ne pas solder l’addition
    s’alarment
    en lettres d’accréditation
    s’acharnent
    et se renvoient l’obligation
    - et, quoi qu’en disent aux frontons
    les nobles lettres capitales,
    ce que c’est d’être sous le charme
    inféodé à l’émotion
    sans souffrir aucun état d’âme, ça non !

    Debout, les données délétères

    les étiquettes de cal’çon
    les chaires
    des biométries identitaires
    et des nano-introspections
    le pain au levain du pays
    - dont vous ne savez pas le prix,
    vous rengorge votre ignorance
    le dos au mur
    avec la suffisance de vos investitures

    Assis, les révolutionnaires
    aux massives résolutions !
    Que les esseulés de la terre
    tenant chacun sa position
    ferme en sa force d’inertie
    - le rêveur ou le sans abri,
    vous assignent à résilience
    et vous rappellent à l’urgence
    d’exister

    CHUTZEN.JPGDebout, assis, couchés !
    Rira bien qui se taira tôt

    Le silence va révéler
    ce que le désordre nous vaut

     

    tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK