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poésié - Page 145

  • horreur, merveille

    (hommage gothique à Francis Bacon, artiste peintre)

     

    agrandirHorreur, combien je te préfère
    à l'angoisse et ses peurs
    sans visage, sans nom
    sans rien qu'un tourbillon
    où l'enfer
    est une rêverie sans aire

    Horreur, ta laideur stupéfie
    mais quand je soutiens ton regard
    j'y connais mon parti
    j'y entends ma nature
    et comme elle t'épouse la texture

    Horreurs...
    ta viande hachée qui crie
    ton sourire emporté à demi
    tes yeux mous dans la terre
    tes joues marquées au fer

    Horreur, sur ton fumier
    se peut-il que j'espère ?

    Horreur, tu m'as lancé ta tête
    je l'ai saisie au vol
    et pour lui faire fête
    laissée rouler au sol
    elle m'y a léché les pieds
    comme une folle

    Horreur, quel goût peux-tu avoir
    pour ma carne d'homme ?

    Ne sais-tu pas ces fruits plus goûteux que la pomme
    et si juteux qu'à boire on s'enivre à bon compte
    quand on oublie un peu de sa peine et sa honte
    et que tout le sang râle et nous enjoint d'aller
    curer, mordre, sucer, jouir de cette chair
    qu'on n'a pas de plaisir sinon à satisfaire
    et la soif et la peau, entières ?

    Horreur, j'ai ton nom sur la langue
    et n'ose t'invoquer
    que dans l'inimitié
    si vive, si profonde
    que l'autre fait surgir en un coin de ce monde
    où je cherche la paix
    l'autre, qui me harangue
    me sert une envie de tout assassiner
    à perdre de l'esprit l'entier

    Horreur, je te connais
    à table je t'invite
    à dîner d'une soupe
    il y trempe du laid, du maigre
    et dans ta coupe
    je verse un peu du sang - ce régal !
    que j'ai repris aux miens
    - qu'ils pleurent du vinaigre
    la face dans leurs mains

    Horreur, si je t'épouse
    me feras-tu l'honneur
    de me passer la blouse
    dont tu revêts tes gens
    quand ils vont officier
    sur les champs de bataille
    pour approvisionner
    tout ton content d'entrailles ?
    Ainsi, tu me rendras pareil
    à ces nuits dans la nuit qui mangent le sommeil

    Horreur, merveille.

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustration : Francis Bacon.

  • sing-sing

    or ange

    la caisse claire, ta ta
    martèle son tempo
    la corde en contrebas
    ripe son glissando

    une fille sans voix
    débite des couplets
    sans peine au pas de l'oie
    je peux m'y accoupler

    swing swing

    dans sa lumière orange
    un horizon timide
    économise un ange
    allongé sur le vide
    le mange

    une ville apeurée
    se couvre de brillances
    se pare d'opiacé
    sa vile décadence
    lange ses prisonniers

    sing-sing

    j'ai mis le doigt dessus
    mais déjà se dérobe
    à l'évidence nue
    - au jugement, l'opprob' ?
    la vue

    quelqu'un frappe le ciel
    on rampe là-derrière
    ça glousse, ça pucelle
    mais on a mieux à faire
    qu'ouvrir ou de répondre

    ta ta

    l'instant s'est pris les pieds
    dans le tapis du soir
    tout me semble égaré

    sur le front déplié
    court une lune noire

    voilà, elle a passé
    (de l'orange au violet)

    ta ta

    une fille sans voix répète un dernier mot
    ta ta
    sing sing
    ciao.

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • Porte Saint-Michel

    ssss sssssAllez va, canaille !
    laisse-moi ta mitraille
    cela suffira bien
    pour le pot qui vient
    et s'attache nos ombres
    que nous soyons du nombre
    de ceux qui finissent
    leur feu de paille à la pisse

    Allez donc, coquin !
    tope là de la main
    franche encore à cette heure
    où nos ombres demeurent
    calmement sous nos chaises
    où nous prenons nos aises
    et raillons les coquines
    qui nous narguent du cul, mutines
    et se feraient prier
    si nous n'avions l'œil si gris et gai

    sissiteHay-dee-ho, l'Arsène !
    ne te mets pas en peine
    de savoir seulement
    qui, pourquoi ni comment
    nous sortirons vivants de ce bouge
    je tire un tapis rouge
    sur son sol écaillé
    que nous irons fouler
    le port altier et fier
    (notre cache-misère)
    riant de nos dents bleues
    de cocktails sirupeux
    soignant notre sortie
    de princes malappris

    Peek-a-boo, très cher fou !
    la nuit n'a d'autres rois que nous
    et nos ombres nous suivent
    gloub gloubpeuples à la dérive
    embrassant l'aujourd'hui
    qui s'attache nos vies
    sachant bien que demain
    n'est rien de rien de rien
    et notre hymne prend forme
    sous des frondaisons d'orme
    ou de saule ou que sais-je
    - il nous reste la neige
    et nos longs pantalons
    qui ne sont pas signés Courrèges

    Gott verdam', macadam !
    ai-je la queue en flammes ?
    dédéOù es-tu mon ami ?
    m'aurais-tu privé de la vie
    que je ne sente rien
    de ce matin qui vient
    me chier sa lumière
    et sa douce atmosphère
    vierge encore et farouche
    et me remplit la bouche
    d'un trouble doux-amer ?
    Pour aucune Fernande,
    fieu ! je bande, je bande, je bande

    "Amen" me souffle Saint François
    (ou est-ce Jean-Michel ?)
    sur ce barreau d'échelle
    qui lui montre la Voie
    - pour moi, j'ai mon content
    et l'aujourd'hui me tend
    le bras ;
    bon, j'y pose gentiment
    les doigts.

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • Foyez en paix

    Sur la table en noyer
    finement marqueté
    la tasse en grès anglais
    nargue le mazagran
    près de sa tisanière
    qui ne fait plus la fière
    - elle est bien trop vidée

    Aux flancs du canapé
    couvrant des coussinets
    en toiles ouvragées
    et cousues de fil blanc
    la cascade d'un châle
    semble pousser un râle
    - peut-être le dernier ?

    Un orage est passé
    délaissant le parquet
    pour le sol carrelé
    au damier noir et blanc
    puis l'épaisse moquette
    où pleure une chaussette
    - privée de sa moitié

    Dans leur paix retrouvée
    les bibelots sonnés
    ont fini de trembler
    et de claquer des dents
    sur la bibliothèque
    et les meubles en teck
    - c'est enfin la journée !

    ils sont partis, les agités.

    samedi.gif

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • éternités (1)

    SOIES ETERNELLES

    Naissance-de-la-toile2.jpg

    L'éternité est une fin en soie
    comme elle douce au toucher, vive à l'oeil
    ne souffrant pas du pli l'écueil
    à peine satinée, pas brillante
    mais source de clartés latentes
    étendue au-delà du regard, de la voix
    l'éternité est une fin en soie

    Allez, la soie que je préfère
    est tendue sous ta jarretière
    en exergue, en coquin écrin
    qui ne me promet jamais rien
    d'autre que les cadeaux
    de ta chair et de ta peau

    Mortels, qui sommes là debout
    allons, allons, réjouissons-nous
    il nous reste la danse
    cette urgence de vivre
    avec sa délivrance
    ouverte comme un livre
    et porteuse de sens

    Nature, viens que je t'embrasse
    et quand même Léo s'écrit
    aussi La Vie Est Dégueulasse
    (ayant pesé quel est ton prix)
    c'est avec nous tous qu'il sourit dans la nasse

    Oh, ciel ! pourquoi lever les bas ?
    je garde les mains dans les poches
    que la fille soit belle ou moche
    je lui emboîterai le pas
    dès lors qu'elle ne gémit pas
    des toujours-et-toujours de mioche

    Et que l'on meure à bout de bras
    les yeux dans les yeux, dans un flop
    lors d'un carnage en Ouganda
    pour les cuisses d'une salope
    on finira nu sous le drap
    (voyez que la mort est joyeuse)
    que l'éternité tirera
    sur nous de sa bouche soyeuse.

    eternite2.jpg

     tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    en médaillon : une toile de Joëlle CHEN.