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  • lamantin

    lamantinEntre deux eaux frottant son ventre à la verdure
    dans la douce chaleur du fleuve amérindien
    avec sa grâce lourde et son œil enfantin
    enviable paix selon sa nature
    massif, un lamantin me venait à l'esprit
    tandis que j'observais deux ou trois malappris
    dépouillant un mendiant de ses chaussures

    Accoudée au balcon, sur la rue d'Amsterdam
    attendant la fraîcheur qui tardait à venir
    une jeune beauté cabrait son port empire
    expirant des bouffées de vague à l'âme
    sur la place un pigeon, sale et unijambiste
    fuyait ses congénères lancés sur sa piste
    lui disputer un sandwich à l'edam

    Remettant à demain mes notions de civisme
    me suis contenté de nature à l'isthme;
    pourquoi je retournai au fleuve amérindien
    gratter le ventre du bon lamantin

    tiniak © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

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  • acte de foi

    mains-livres.jpgQuel qu'en soit le mirage un poème a du sens
    à rimer à la page en verbe volontaire
    hommages à la joie et peine atrabilaire
    apprêtant son message à d'autres résonnances

    Quelle soit rigoureuse ou comme échevelée
    (selon l'art ou l'humeur et peut-être l'instant)
    sa métrique est l'écrin où loge le présent
    dont vibre à sa lecture un éclat policé

    Le récit est ailleurs, car ce qui est écrit
    sert une diversion avant que l'essentiel
    jaillisse pour chacun selon sa ritournelle
    (éminente ou secrète, elle s'entend d'ici)

    Le rire a des pudeurs qui mordent jusqu'au sang
    Au silence, l'acier des roulements à billes
    à la ponctuation, des manières de fille
    vont pour aller de soi

    Tout ce qui fait surface a le fond odorant
    et rameute à l'esprit la recette oubliée
    dans un jeu de lumière éblouie d'être née
    comme un acte de foi

     

    tiniak - Ruades © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • Tour la ville

    Ach, Paris !

    La ville est à mes pieds comme un tapis d'éveil
    ma plante semelée y prend des sensations
    en passant du bitume au pavé à dos rond
    s'empare du récit des quartiers en sommeil

    Avec sa féérie pailletée au cordeau
    un jeu de construction pointe ses dentelures
    rythmique allant au ciel titiller la courbure
    pour donner la mesure à de vieux oripeaux

    Ses enfants de minuit ont toujours le même âge
    Leurs genoux sont usés aux semblables motifs
    qui auront inspiré leurs cultes intuitifs
    animant le ballet de leurs fébriles rages

    Quand la pluie rafraîchit la chaussée de sa traîne
    ils savent les endroits où se mettre à l'abri
    et ranger au placard le carnage accompli
    en grand anonymat pour les gloires urbaines

    La nuque fatiguée, éteint le lampadaire
    garde pour lui les songes encyclopédiques
    tirés de la vision qu'offre son œil unique
    des segments citadins à leur hebdomadaire

    Il faut s'en éloigner pour la croire figée
    la comédie urbaine aux fausses ordonnances
    que ses lignes de fuite et ses protubérances
    donnent à l'œil artiste en pâture - à regret ?

    J'y vais mon baladin en mode automatique
    promener - vous savez : mes canines humeurs,
    et joindre à ce concert bourgeois mon propre chœur
    dans l'idée de nourrir ma grise polétique

     

    tiniak - Ruades © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Impromptu Littéraire - tiki #119

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  • La chambre de l'oubli

    Une pièce encombrée de choses disparates
    qu'harmonise de bruns le déclin d'un long soir
    Des cadres s'y renvoient des reflets d'acétate
    dans un plan rigoureux au jeu aléatoire
    où des sujets connus aiment traîner savate
    par les lignes de fuite aiguillant les contours
    et d'autres, plus récents, préfèrent jouer petit
    (aurais-je enfin trouvé dans ta photo jaunie
     la chambre de l'oubli où figer mon parcours ?)

    Angles et arrondis se font des politesses
    pour s'offrir un abyme à mettre en perspective
    avec la porte ouverte à ces délicatesses
    que figurent l'arrêt d'une danse lascive
    l'ivoirin velouté à l'intime souplesse
    le brumeux dégradé d'une fatale errance
    la courbe résignée dans sa pose immuable
    la poussière imitant le grammage du sable
    et le pli d'un cheveu accordant ses brillances

    Le regard éperdu s'amourache d'un rien
    balle folle aux rebonds qu'orchestre le hasard
    pour la chromaturgie de l'empan rétinien
    passe d'une vision à l'autre, puis s'empare
    d'un rayon lumineux, d'une ombre et s'en revient
    prendre plus largement mesure de l'ensemble
    que la vie occupée à ses débordements
    quelque part à l'entour reste un oubli béant
    tant que l'œil à l'affût est à ce qui lui semble

    gaëna da sylva

    (aperçu d'un clic)

    tiniak ©2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    inspiré par une photographie de Gaëna Da Sylva
    "L'exposée..." extraite de sa >CHAMBRE NOIRE<

     

  • joyeux noème

    thierry hoyau

    Étire-moi la vue jusqu’à ce point précis
    qui réfute l'ennui et propage l'essence

    À ce point d’évidence où les bruits et les murs
    égalent de l'azur la sereine clarté

    Même les yeux fermés, accuser du regard
    le prochain avatar d'un songe aventureux

    Absurde et lumineux, dans cette contention
    qui porte la raison à vibrer comme un rire

    Au moment d'aboutir et de t'apercevoir
    je ne veux rien savoir que le bonheur d'y être

    À l’endroit de te reconnaître

    tiniak © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    Illustration : Thierry Hoyau, Penseur - 2010