L'ombre de la forêt s'est jetée dans le ciel
pour en atténuer le regard insistant
que cet œil sale et borgne et tout croûté de sel
cesse d'intimider les bras de ses géants
Moi, dans cette trouée, je sais ce qui m'aspire
délesté de l'aplomb des charges familières
dont je laisse bailler sur l'herbe qui transpire
le contour élimé des trop fines lanières :
Je voudrais que se jouent à m'éloigner du sol
une feuille après l'autre au gré d'un vent léger
les capricieux tracés d'anarchiques envols
pour le précieux vertige d'être et l'oublier
Je pourrais croire un peu aux légendes païennes
attachées à peupler d'animales furies
les trompeuses lueurs que le chaos promène
en donnant à leurs morts apparence de vie
Sinon, pourquoi lever vers les cieux nos regards
cherchant obstinément de ceux qui ne sont plus
un signe, un mouvement, un rêve, un avatar
quand ils sont dispersés, quand nous marchons dessus ?
Je me hurle en ton nom, feignant que tu m'entendes
et me chante le tien pour que vibrent encore
les cordes et les bois que leurs syllabes tendent
sur le bourdon têtu d'un monde qui t'ignore
Les bras de la forêt contiennent cet élan
qui me vient à l'idée par excès d'hydromel;
je me charge à nouveau du bagage pesant
de mon nom qui chemine, atavique et mortel.
tiniak © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
Illustration : © Gaëna da Sylva, "De l'ombre à la lumière..."