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abécédaire - Page 6

  • substantifs (ghi)

    Grâce :
     Main fredonnant l'herbe frisée
     frissonnants grains de muscadet
     chapelure appelée rosée
     où j'irai déposer mes lèvres
     avant qu'un rêve nous achève
     avant qu'il nous ait emportés
     perles vives dans la buée

     Arrête un peu, dis
     tu me chatouilles !

     Calmes palmes devant l'or brun
     n'en laissant fuir que des rais fins
     persiennes fractures du jour
     soudain quelque ennui vous tracasse
     est-ce l'ouragan qui menace ?
     qu'y puis-je faire ? comment sauver
     le calme charme de vos ourlets ?

     Regarde un peu, voir
     j'ai pas une poussière ?

     Eclats de forge dans l'atmosphère
     brûlant ma gorge dans les enfers
     un chameau passe, il est tout sec
     un toucan délivre son bec
     d'une pastèque
     cependant je cherche à étreindre
     la source au puits qui sait m'éteindre

     T'as pas un peu soif, dis ?
     parce que moi oui

     Plus immobile qu'un caillou
     stoïque tel un fier brisant
     le monde roule sur mon cou
     indifférent
     à l'intérieur le rêve est plein
     de jus, de flamme, de chanson
     et, oui dame, de vos seins ronds

     viens un peu par là, voir
     que je t'embrasse

     hélas, hélas, moment de grâce,
     il est bien tard
     sur le grand écheveau du soir
     j'ai lacé mon tour d'ivoire.
    ; ce naturel de toute beauté, tant qu'il nous semble surnaturel et appelle le toucher ; état contemplatif momentané.
    - Et, près du feu qui meurt, ce sont des Grâces nues, / Des départs de vaisseaux haut voilés dans l'air vif, / L'âpre suc d'un baiser sensuel et pensif, / Et des soleils couchants sur des eaux inconnues [Albert Samain].

    Horreur* :
     Vengeance de l’arbre,
     Le Cru s’y fit de l’ombre
     coulant sang noir des rives sombres
     au pied des joncs malingres
     le déclin d’un verbe annoncé
     se pleure, et son malheur désolé
     se perd en vains sanglots, restes
     dévorés par le marigot céleste
      
     Le front naguère ceint d’ignorance assassine
     pesant, lui fait ployer l’échine
     et Le Cru abattu bave sur sa poitrine
     un psaume, une prière
     à l’abandon du père
     la trahison du frère
     et le brûlant regret de la mère
      
     Là-bas,
     flottant sur l’ici-bas si proche
     la barque d’un passeur fantoche
     attend de relever ses filets
     entre le fleuve et le marais
     mais l’autre couche avec les Parques
     aucun gueux ni aucun monarque
     ne sauraient l’en priver
     jamais, Ô grand jamais
      
     Alors, la nuit qui fit le monde
     abuse les reflets de l’onde
     et n’y tolère pas l’empreinte
     du pied rivé à la solive
     referme son obscure enceinte
     sur la lumière qui salive
     de n’être pas aimée
     de ceux qu’elle a baignés
     ces mêmes ceux qui applaudissent
     le corps du Cru et son supplice,
     la foule aveugle des absents
     dans l’apocalypse du sang

     Le tonneau mis en perce
     à son flanc se déverse
     le rouge a déserté la scène
     et gagné les esprits obscènes ;
     ils viennent s’affranchir
     de l’horreur et du pire
     en s’abreuvant avec délice
     au marigot du sacrifice

     Et dans ce délire incongru
     sauvage et saugrenu
     Le Cru n’en finit plus de pourrir.
    ; quand l’Apocalypse Maintenant a le dernier mot.
    - Toutes les guerres naissent du même axiome : les poubelles ont horreur du vide [Daniel Pennac].

    Immensité* :
     Quand rien ne s'y oppose
     l'immensité des choses
     me saisit par le bras
     me montre une lumière
     tendue par la forêt
     où le rêve n'attend
     que de me dévorer

     N'ayant pas de cailloux
     pas même un bout de pain
     je poursuis le chemin
     les cheveux en désordre
     vers la maison de l'Ogre
     sous le regard meurtri de ma fratrie… -extrait-
    ; étendue à l’infini que c’est pas dieu possible .
    - C'est un indigent sous la bure, / Un vieux front de la pauvreté, / Un haillon dans une masure, / Un esprit dans l'immensité! [Victor Hugo].

    * poLèmes précédemment parus sur pavupapri

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    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • substantifs (jkl)

    Jour :
     L’aujourd’hui,
     son jour et sa nuit
     me tendent
     m’élèvent jusqu’à l’offrande
     que je fais de ma vie
     - ma vie qui s’éblouit,
     jusqu’au moment dit d’en descendre
     et d’en remettre les cendres
     à l’infiniment abouti qui s’ensuit
     et ne sait plus que j’en suis.
    ; parenthèse lumineuse, périodique et révolutionnaire qui se fait dans la nuit profonde.
    - Et mon coeur apaisé s'y perdait en silence; / Et je passais ainsi, sans m'en apercevoir, / Tout un long jour d'été, de l'aube jusqu'au soir, / Sans que la moindre chose intime, extérieure, / M'en indiquât la fuite, et sans connaître l'heure (...) / Car un long jour n'était qu'une heure de délices ! [Alphonse de Lamartine].

    Kangourou :
     Tel un kangourou coursé
     par un dingo fou
     mon cœur courroucé
     se défait de vous

     Car le cœur et l’animal
     - mais le saviez-vous ?
     pour les pleurs ni pour le mal
     n’ont pas de goût
    ; animal océanien dont le nom signifie « je ne sais/comprends pas » en langue aborigène.
    - Une femme sans homme, horreur, c'est une espèce de grand kangourou qui va partout avec une poche vide [Violette Leduc].

    Livre :
     merde brune
     merde noire
     merde posée sur le monde
     merde blanche et rondouillarde
     ventrue que c’est pas des façons,
     engeance bâtarde !
     vilain étron !
     dont la puanteur s’attarde
     dont le rigodon musarde
     tue le verbe
     nie le nom
     merde obscure des méchants cons !

     mes chers livres, délivrez-moi
     de ces livres de peu de foi
     que trois mots : « plus jamais ça »
     en crèvent deux : Mon Combat.
    ; lieu magique où par le truchement de l’écrit, le cri de la vie s’enchante et le chant de la vie s’écrie.
    - Encore aujourd'hui je ne reçois pas d'Angleterre un livre nouveau que je ne plonge ma figure entre ses pages jusqu'au fil qui le broche, pour humer son brouillard et sa fumée, et aspirer tout ce qui peut rester de ma joie d'enfance [Marcel Schwob].

    * poLèmes précédemment parus sur pavupapri

     

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    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • substantifs (mno)

    Mystère :
     Où que je me cache
     le mystère me trouve
     soulève la bâche
     et me rejoins dans le canot
     et nous nous perdons sur les flots
     secoués de rires de potaches
     singeant mantras et cris d’Apache
     et buvant la mer au goulot

     Si je reste coi
     j’ai le mystère en bouche
     il lève le doigt
     brave compagnon de pupitre
     de bon conseil et bel arbitre
     il me cède la douche
     et m’attend sur la couche
     où tu trembles d’émoi

     Quand enfin je dors
     le mystère me berce
     un murmure encore
     et c’est le monde qui bascule
     oubliés, chagrin, ridicule
     une flèche perse
     d’un trait vous transperce
     roule, chariot d’or…
    ; cet inconnu au charme fou.
    - Et moi j'apercevais – pourtant / Qu'on fût loin de Cythère -/ Un objet singulier. Mystère : / C'est un éléphant [Paul-Jean Toulet].

    Nuit :
     Nuitamment lune luit
     notoirement l’autre pas
     mais, désastre de la nuit
     le matin revient déjà

     J’aime encore être du nombre
     de ceux qui forment dans l’ombre
     leurs desseins et leurs ébats

     Plutôt que d’être pareil
     à ces corps sous le soleil
     fondant comme chocolat

     Nuitamment lune luit
     notoirement l’autre pas
     mais, désastre de la nuit
     le matin revient déjà
    ; étoiles et révolutions passent, elle demeure égale.
    - Sous le plafond bas de ma petite chambre, est ma nuit, gouffre profond [Henri Michaux].

    Ombre :
     Elle a parfois tant de bras que les bras m'en tombent
     Elle est aussi petits pois sous un chapeau vert
     Elle a fondu sous le toit d'un chagrin d'hiver
     et dort sous le marbre froid qui couvre les tombes

     Elle est sœur de cet émoi que l'on nomme peur
     Elle inquiète le prélat, un enfant qui pleure
     Elle est ce qu'il adviendra des joies les plus douces
     et son terme emportera l'un et l'autre, tous

     Elle est complice déjà des échappatoires
     Elle sait bien où les gars se trouvent le soir
     Elle avance pas à pas et sans réfléchir
     que des portraits que dada signerait sans rire

     L'ombre, elle
     s'ignore sous le ciel.

     Elle est tapis dans le bois, banc contre le mur
     Elle est abri pour le rat comme le murmure
     Elle est l'arc sous le sein droit que ta main libère
     et son toucher délicat me radoucit l'air

     Elle mène guérilla parmi les ruelles
     Elle y brise tout l'éclat de nos francs midis
     Elle enveloppe le drap, caresse de nuit
     et lui, rapporte tout bas nos joutes fidèles

     L'ombre, elle
     n'en dira rien au ciel.
    ; piètre praticienne des arts (plastiques ni même vivants) quand elle passe au tableau ; obscurité rafraîchissante de bonheur imbécile réveillant parfois de primordiales angoisses.
    - Ainsi dans les ombres du doute / L’homme, hélas ! égaré souvent, / Se trace à soi-même sa route, / Et veut voguer contre le vent [Alphonse de Lamartine].

     

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  • substantifs (pqr)

    Présomption :
     Oui, ça va, j'en conviens
     j'ai lâché tous mes chiens
     après le père et sa pucelle
     pour aller tirer l'hydromel
     au fût de la mère interdite
     en jouissant de sa chair maudite
     sans plus penser à rien
     ni à mal ni à bien

     Et la présomption d'innocence ?
     c'est pas fait pour les chiens, je pense.

     Ah mais d'accord !
     vous me jugeâtes déjà sur pièces
     il n'est que de passer à la caisse
     au bout du corridor ?
     Ah oui, mais... bon, d'accord.

     Et l'on m'accuse de quoi, ma belle ?
     de forfait contre le réel ?
     et c'est un délit, ça ?
     je ne le savais pas

     Oui, nul n'est sensé ignorer nia nia nia
     il se trouve que je ne le savais pas
     quand bien même je n'y porterai pas foi
     allons, condamnez-moi
     et qu'on en reste là.

     Ah oui, mais attendez !
     ...faute avouée à demi pardonnée !
     vous me devez la moitié d'une peine
     et n'étant pas vilaine
     un baiser de vous peut vous en amender

     Justine, voulez-vous m'embrasser ?
    ; supputation justiciable ou prétention exagérément orgueilleuse.
    - et la mer au matin comme une présomption de l’esprit [Saint-John Perse].

    Quête :
     - Grotte Alors !
     maugréait Minotaure en s’arrachant les cils
     Plus j'entends son babil, plus il paraît certain
     qu’Ariane m’embobine
     ou bien ?

     Comme à l’accoutumée, Thésée ne disait mot
     mais n’en pensait pas moins, le salaud !
     Il fredonnait par les narines :
     Je te tiens, tu me tiens… et sur sa banquette
     quel nigaud! le héros oubliait sa quête.

     - Bon, et moi ? s’écria la mythique Ariane
     épluchant, sans les dents, sa peau de banane.

     - Toi ? salope !
     - Nyctalope !
     s’écrient de concert
     le génie mal fini et son preux compère.

     Ariane fort dépitée
     se cura les trous du nez
     découvrant, pour sa gouverne
     qu’au plus profond des cavernes
     un émoi platonicien
     l’attendait sur le chemin.

     Qui eût prédit que cette morve
     pût la distraire de sa morgue
     - et que cela ne rime à rien
     qui s’en souciera jamais, tiens !
    ; sollicitude ou sollicitation, c’est selon le livre.
    - J'allume du feu dans l'été, / Dans l'usine je suis poète ; / Pour les pitres je fais la quête, / Qu'importe ! J'aime la beauté [Charles Cros].

    Rouge* :
     A portée de regard, célestes, légendaires
     elles sont devant moi les marches de Yu Gong
     taillées à même le roc sur les pas de Kui Fu
     entre le vieux Taihang et le rustre Wangwu
     et le souffle me manque à fouler cette terre.

     Je vous entends railler - comme autrefois Zhi Sou
     se moqua du vieillard attaquant ses montagnes,
     vous qui baignez vos pieds dans la rivière Han
     en rêvant de loisirs sur notre mer Bohai,
     vous me tenez pour fou.

     Elles sont pourtant là, réunies sous la lune
     qui vient de s'arracher à la verte lagune
     et je monte vers elles
     qui sont l'Eternité
     rouge et dorée.

     Je ne sais qui m'attend - peut-être une sirène ?
     il n'y a dans le vent plus rien qui ne m'aliène,
     j'en épouse les ondes.

     La pente n'est pas forte et mon pas leste encore ;
     deux génies bienveillants ménagent mes efforts
     et m'accueillent au ciel
     où je suis convié
     à demeurer.

     Je vais dire mon chant sur la source de Han
     aimer d'un même élan le sacré, le profane
     et embrasser le monde.
    ; ce que le vin dicte au populaire qui se le met au front.
    - Les repus ont le rouge aux yeux. / Et cela fait songer les gueux [Louise Michel].

    * poLèmes précédemment parus sur pavupapri

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  • substantifs (stu)

    Sort :
     A la tablée du homard
     ayant copieusement soupé
     un vieux hareng goguenard
     entreprit de se vanter
     prétendant à l’assemblée
     qu’il était en son pouvoir
     quand tous étaient bien repus
     de se fendre d’une poire
     sur sa soupe à la tortue
     ce qu’il fit sans même choir
     du moins tant qu’il fut dedans
     sitôt dehors, dans le noir
     il en fut tout autrement :

     Rétamé sur le trottoir
     entraîné par son ventru
     il pesta contre le sort
     mais malgré tous ses efforts
     il ne se releva plus.

     Au matin du lendemain
     on le trouva dans la rue
     moitié mangé par les chiens
     moitié baignant dans son jus
     saisi dans sa puanteur. 

     On n’attendit pas une heure
     pour le jeter au rebut
     il n’est pas de pire odeur
     quand le saur sue la tortue !
    ; ce destin que l’on rejette sur l’autre en comptant améliorer le sien.
    - Oui, ce monde est bien plat ; quant à l'autre, sornettes. / Moi, je vais résigné, sans espoir, à mon sort, / Et pour tuer le temps, en attendant la mort, / Je fume au nez des dieux de fines cigarettes [Jules Laforgue].

    Temps* :
     j'arrive au port - tic déposant laisse - tac je fais cinq pas - tic déjà tu m'as - tac tout couvert des - tic baisers doux et lents qui me manquaient tant

     j'peux bien t'le dire : le temps peut mourir ! –extrait
    ; l’espace d’un instant durant lequel l’univers a créé l’homme pour avoir, ne fût-ce qu’un moment, conscience de lui-même.
    - Et comment voudriez-vous que l'on passât son temps / Je pense à quelqu'autre paysage / Un ami oublié me montre son visage / Un lieu obscur / Un ciel déteint [Pierre Reverdy].


    Univers :
     Sel des larmes venues aux yeux stupéfaits
     mues par la force d’un regard entier
     élan qui ne souffre aucun rempart

     Œil fier
     proclamant l’univers
     ayant besoin d’espace

     Ecartez-vous maisons, forêts !
     Madame, Monsieur, s’il-vous-plaît
     Bougez-vous, allons, faites place !

     Ainsi portons-nous au loin
     - au plus loin que d’aussi loin,
     notre regard plein de grâce
    ; tout un monde en un rien de temps.
    - Je regrette les temps où la sève du monde, / L’eau du fleuve, le sang rose des arbres verts / Dans les veines de Pan mettaient un univers ! [Arthur Rimbaud].

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    Miró : Singing Fish

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