Grâce :
Main fredonnant l'herbe frisée
frissonnants grains de muscadet
chapelure appelée rosée
où j'irai déposer mes lèvres
avant qu'un rêve nous achève
avant qu'il nous ait emportés
perles vives dans la buée
Arrête un peu, dis
tu me chatouilles !
Calmes palmes devant l'or brun
n'en laissant fuir que des rais fins
persiennes fractures du jour
soudain quelque ennui vous tracasse
est-ce l'ouragan qui menace ?
qu'y puis-je faire ? comment sauver
le calme charme de vos ourlets ?
Regarde un peu, voir
j'ai pas une poussière ?
Eclats de forge dans l'atmosphère
brûlant ma gorge dans les enfers
un chameau passe, il est tout sec
un toucan délivre son bec
d'une pastèque
cependant je cherche à étreindre
la source au puits qui sait m'éteindre
T'as pas un peu soif, dis ?
parce que moi oui
Plus immobile qu'un caillou
stoïque tel un fier brisant
le monde roule sur mon cou
indifférent
à l'intérieur le rêve est plein
de jus, de flamme, de chanson
et, oui dame, de vos seins ronds
viens un peu par là, voir
que je t'embrasse
hélas, hélas, moment de grâce,
il est bien tard
sur le grand écheveau du soir
j'ai lacé mon tour d'ivoire.
; ce naturel de toute beauté, tant qu'il nous semble surnaturel et appelle le toucher ; état contemplatif momentané.
- Et, près du feu qui meurt, ce sont des Grâces nues, / Des départs de vaisseaux haut voilés dans l'air vif, / L'âpre suc d'un baiser sensuel et pensif, / Et des soleils couchants sur des eaux inconnues [Albert Samain].
Horreur* :
Vengeance de l’arbre,
Le Cru s’y fit de l’ombre
coulant sang noir des rives sombres
au pied des joncs malingres
le déclin d’un verbe annoncé
se pleure, et son malheur désolé
se perd en vains sanglots, restes
dévorés par le marigot céleste
Le front naguère ceint d’ignorance assassine
pesant, lui fait ployer l’échine
et Le Cru abattu bave sur sa poitrine
un psaume, une prière
à l’abandon du père
la trahison du frère
et le brûlant regret de la mère
Là-bas,
flottant sur l’ici-bas si proche
la barque d’un passeur fantoche
attend de relever ses filets
entre le fleuve et le marais
mais l’autre couche avec les Parques
aucun gueux ni aucun monarque
ne sauraient l’en priver
jamais, Ô grand jamais
Alors, la nuit qui fit le monde
abuse les reflets de l’onde
et n’y tolère pas l’empreinte
du pied rivé à la solive
referme son obscure enceinte
sur la lumière qui salive
de n’être pas aimée
de ceux qu’elle a baignés
ces mêmes ceux qui applaudissent
le corps du Cru et son supplice,
la foule aveugle des absents
dans l’apocalypse du sang
Le tonneau mis en perce
à son flanc se déverse
le rouge a déserté la scène
et gagné les esprits obscènes ;
ils viennent s’affranchir
de l’horreur et du pire
en s’abreuvant avec délice
au marigot du sacrifice
Et dans ce délire incongru
sauvage et saugrenu
Le Cru n’en finit plus de pourrir.
; quand l’Apocalypse Maintenant a le dernier mot.
- Toutes les guerres naissent du même axiome : les poubelles ont horreur du vide [Daniel Pennac].
Immensité* :
Quand rien ne s'y oppose
l'immensité des choses
me saisit par le bras
me montre une lumière
tendue par la forêt
où le rêve n'attend
que de me dévorer
N'ayant pas de cailloux
pas même un bout de pain
je poursuis le chemin
les cheveux en désordre
vers la maison de l'Ogre
sous le regard meurtri de ma fratrie… -extrait-
; étendue à l’infini que c’est pas dieu possible .
- C'est un indigent sous la bure, / Un vieux front de la pauvreté, / Un haillon dans une masure, / Un esprit dans l'immensité! [Victor Hugo].
* poLèmes précédemment parus sur pavupapri
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tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK