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>imPrOmpTus - Page 44

  • frisson roche

    janis joplinSous la pression d'une rage intense, fébrile
    sa voix de roc se brise
    murmure, pulvérise
    une volée de gravier, de grenaille
    de ce chantier dans ses entrailles
    d'où le désir impuissant, la furie
    le disputent à la mélodie

    Le soubresaut d'un pleur
    qu'évapore une vaine ardeur
    la tient, l'effleure
    qu'agite sous son sein et meurt
    - cette vive douleur : il faut... il faut !
    vaille que vaille que dure le show

    Elle n'aura sans doute pas
    deux fois seize ans dans d'autres bras
    que ceux de la fatalité
    qui fige les célébrités
    de son ère
    dans une apparition éphémère
    comme en leur jeunesse illusoire le sont
    toujours la flamme et le frisson

    ***

    Page tournée, rendu au monde
    un frisson meurt dans la seconde

    ***

    Mes doigts font vibrer ta corde intime
    voici que nous touchons au sublime
    accord
    des sens

    Oh,
    qu'un songe même en prolonge la danse
    encore
    un peu
    puisque tu ne me rouvres pas tes yeux

    ***

    Ce n'est pas l'écho
    ce pas dans mon dos

    Ce n'est pas toi qui me suis
    mais ce fantôme que je fuis

    ***

    Éponge-moi l'essence
    ma fièvre
    ma transe

    Je sue à n'en plus pouvoir
    Au coin des lèvres
    un Gai Savoir
    transpire
    la chance
    d'en connaître cette évidence :
    la vie est un frisson
    semblable à l'ultime abandon

    tiniak - Ruades © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Impromptu Littéraire - tiki #121

     

  • Regards croisés

    couacJe renoue ici avec l'intention première qui m'a conduit à produire des textes sur le site des Impromptus Littéraires. Leur titre a de quoi faire frémir ceux et celles qui ont cette (fâcheuse !) manie d'introduire leurs écrits en ligne par cet adjectif dévalorisant : "petit".... Mes petits écrits, mes petites pensées, mon petit coin... La porte, ouverte GRAND chez les Impromptus Littéraires, devrait afficher : ici rien de petit, tout compte !


    Une fois les clés de la maison déposées dans le petit bol de l’entrée d’où il les avait prises, Jésus rentrait, les mains, les poches et le portefeuille vides, comme prévu. À l’invite des boudins du boudoir de son ami Thorgal chez qui il séjournait, il s’affala lourdement, la tête pleine, elle, de pensées nouvelles.
    C’avait été une bonne idée de faire ce périple nocturne et citadin, dans cette ville capitale qu’est Paris. Les bars du coin regorgeaient de clients éclectiques, avec tout ce qui peut s’y trouver de pittoresque ou de pitoyable, d’amusant ou d’anodin, d’engageant ou de futile. Il n’aurait pas dû, mais il avait bu, seul, avec d’autres. Il avait bu tout ce qu’il s’était autorisé à prendre avec lui comme monnaie ; avait discuté, un peu menti sur son passé, évité le sujet de la santé, ri avec de joyeux drilles et chanté avec un certain Momo, péroré sur la fin à la table d’étudiants en droit commercial et fredonné en rentrant à pied. Oui, vraiment, une bonne soirée. L’ivresse le rabibochait avec sa propension à rimailler sévère. Il griffonna pendant près de deux heures sur son carnet, mais cela ne le distraya pas complètement de son problème. Son problème, c’est son manteau. Son manteau avec ses poches pleines, son portefeuille garni, son col qui lui assure un port de tête des plus convenables, sa poche droite avec ses gants de cuir, bref, son incomparable confort pour arpenter les rues et prolonger jusqu’à l’oubli sa soif d’ivresse.

    À l’autre bout du monde, Thorgal se relevait péniblement d’une nuit passée avec des abrutis fortunés, mais dont il avait obtenu l’essentiel de la levée de fonds qu’il était venu chercher. Les restes de la fin de soirée avaient été discrètement débarrassés de la suite par le personnel de l’hôtel, filles exceptés, dont deux dormaient dans son lit et deux autres dans le canapé d’angle du séjour.
    Thorgal devait son prénom à l’amour indéfectible de son père pour une bande dessinée qu’il affectionnait depuis son enfance, mais la comparaison s’arrêtait là : il était du genre chétif et n’avait de guerrier que son sens des affaires et son appétit sexuel. L’argent et le sexe se conjuguant pratiquement de façon naturelle dans les sphères de son milieu entrepreneurial et financier, on peut dire que Thorgal avait efficacement réalisé ses désirs et satisfait largement à ses besoins vitaux. Une chose le taraudait, cependant : avait-il été judicieux d’offrir à son ami Jésus de séjourner dans sa maison parisienne ?
    Il connaissait Jésus sur le bout des ongles, savait ne rien devoir en craindre pour lui-même, mais il était d’autant plus conscient de la formidable capacité de Jésus pour saccager, à plus ou moins long terme, tout ce qu’il approchait. Sa dépendance à l’alcool n’arrangeant rien à cette disposition foncière. Or, le quartier parisien où Thorgal était propriétaire rassemblait toutes les conditions propices aux excès de son ami Jésus.
    Jésus n’était pas méchant – avec un nom pareil ! mais il était sensible, à l’extrême. Et dieu (oui, bon, admettons) sait ce qui pourrait le conduire à se lancer dans une de ces croisades absurdes dont il avait le secret.

    Le regard de Jésus, revenu dans le corridor de l’entrée, oscillait entre son manteau et le bol contenant les clés de la maison de Thorgal.

    Le regard de Thorgal hésitait entre le téléphone et le couple de femmes enlacées dans le canapé.

    Il ne faut jamais dire « m’en fous ! ». Surtout quand on est seul avec soi-même.

    tiniak © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Impromptu Littéraire -
    tiki #120

  • tempi

    apaches,ParisLe temps... Le temps... mais qu'est-ce ?
    Considérant celui d'une vague caresse
    polissant la surface au dos d'un galet rond
    celui du météore au flanc de l'horizon
    passant inaperçu dans le jour qui paresse
    où vivre ?
    À ce moment près d'elle seule ? dans son livre ?

    Temps passés ou futurs n'êtes à l'aujourd'hui
    que reliquats obscurs, rêves inassouvis
    - mêmes, imaginaires...
    C'est d'ici, maintenant, que je prends le parti
    d'en faire
    un endroit familier où je vais prendre l'air
    du temps
    tel qu’il me plaît vraiment

    Me voici dans Paris croisant un éléphant
    connu de mes amis et de moi seulement
    à cette heure
    (où l'On craint le hulan cantonné à demeure)
    et qui sera bientôt des plus problématiques
    quand l'ère aura versé d'Empire à République

    Trois Jules vont venir au devant de la scène
    arracher les marmots à la mine et aux champs
    pour les jeter sitôt brailler "Allons z'enfants !"
    sur les chemins de gloareu...
    Sans faire autant d'Histoire de France
    moi, je n'en aime qu'un pour tout ce qu'il balance
    et prône au Décadent sur les quais de la sienne
    de Cène

    L'à-présent me taillade et son vent libertaire
    me prêtera sa main pour entrer en enfer
    comme on va d'un bon coup achever la semaine
    passant à la revue des deux mondes le seul
    qui vaille
    de souiller nos linceuls aux fruits de nos entrailles

    Sorties des toits bourgeois dont les cheminées fument
    grisant le ciel joufflu, des colonnes d'écume
    plombent, empestent
    l'âpre souper frugal des demeures sans restes
    la voisine repue sous son mari trop gras
    le paternel inceste
    la poularde
    qu'arrose de son jus la bonne - campagnarde !
    la suée des dortoirs
    et le vieux saucisson pourrissant sous les draps
    qui finiront charpies paquetées aux armoires
    sanitaires
    et panseront les plaies de trop pauvres misères

    Des fenêtres les pianos las
    pleurent des doigtés réfractaires
    à ces mélodies populaires
    qui romancent les célibats

    Dans cette vaste fourmilière
    au quotidien
    je bade un art à son affaire
    aussi mon chien
    relevant la piste tracée
    par les humeurs
    d’artistes battant le pavé
    jusqu’à pas d’heure

    C’en est fini du bon Parnasse
    levons haut le vers libéré
    sur le boulevard Montparnasse
    les apaches vont défiler

    Jusqu’à pas d’heure, alors c’est dit
    tandis qu'auprès de moi tu lis
    je rêve encore et reste ici


     

    APACHE.JPG

    tiniak © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Défi Du Samedi #152

    Illustration (médaillon), d'après Gary R. Benson

     

  • Tour la ville

    Ach, Paris !

    La ville est à mes pieds comme un tapis d'éveil
    ma plante semelée y prend des sensations
    en passant du bitume au pavé à dos rond
    s'empare du récit des quartiers en sommeil

    Avec sa féérie pailletée au cordeau
    un jeu de construction pointe ses dentelures
    rythmique allant au ciel titiller la courbure
    pour donner la mesure à de vieux oripeaux

    Ses enfants de minuit ont toujours le même âge
    Leurs genoux sont usés aux semblables motifs
    qui auront inspiré leurs cultes intuitifs
    animant le ballet de leurs fébriles rages

    Quand la pluie rafraîchit la chaussée de sa traîne
    ils savent les endroits où se mettre à l'abri
    et ranger au placard le carnage accompli
    en grand anonymat pour les gloires urbaines

    La nuque fatiguée, éteint le lampadaire
    garde pour lui les songes encyclopédiques
    tirés de la vision qu'offre son œil unique
    des segments citadins à leur hebdomadaire

    Il faut s'en éloigner pour la croire figée
    la comédie urbaine aux fausses ordonnances
    que ses lignes de fuite et ses protubérances
    donnent à l'œil artiste en pâture - à regret ?

    J'y vais mon baladin en mode automatique
    promener - vous savez : mes canines humeurs,
    et joindre à ce concert bourgeois mon propre chœur
    dans l'idée de nourrir ma grise polétique

     

    tiniak - Ruades © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Impromptu Littéraire - tiki #119

    Lien permanent Catégories : >imPrOmpTus, °ruades° 0 commentaire
  • Dix heurts (de bonne aventure)

    promenadeT'ayant aimée trop tard
    au matin, je suis parti tôt
    pris mon chien sur le boulevard
    il fumait dans les caniveaux
    des restes de brouillard
    pâlot

    En tête une chanson
    nette et plus filée qu'une dague
    aiguisait mon aspiration
    à tout prendre pour une blague
    comme à ce vieux moignon
    ma bague

    Ça ! le chien tirait fort...
    aussi j'accélèrai le pas
    Souverainement le décor
    rehaussait mon anonymat
    dont j'aggravais encore
    le cas

    Je libérai mon chien
    Il flaira l'ombre et l'alentour
    mais n'en dénichant rien
    vint me rappeler mes encours
    à l'ordre mitoyen
    du jour

    Parvenus à l'hôtel
    où nous séjournions en transit
    lui ai redoré la gamelle
    me couchai, m'endormis bien vite
    en remettant au ciel
    la suite

    L'après-midi me prit
    en flagrant délit de sueur
    Avais-je enfin compris
    être passé près du bonheur ?
    En rêve, t'ai souri
    mon cœur

    La nuit tenait son quart
    quand je m'épongeai le cerveau
    Il pleurait sur le boulevard
    les reproches d'un mot de trop
    que se met le buvard
    à dos

    Le chien voulut sortir
    et comme à son accoutumée
    sillonna l'orange à loisir
    sous les lampadaires coudés
    J'étais à son empire
    rôdé

    Voici que le trajet
    nous conduit au seuil de l'histoire
    où je reconnais mon Poucet
    désemparé, à son perchoir
    que d'un coup de sifflet
    fais choir

    Rattaché mon canin
    à cet anneau devant ta porte
    je veux forcer notre destin
    avant que le désir n'avorte
    J'attends ici qu'enfin
    tu sortes

     

    walking the dog

    tiniak - Ruades © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Impromptu Littéraire - tiki #118