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écriture ludique - Page 19

  • ah, liances...

    je suis très nécessaire, 'savez ?

    I

    d'où viens-tu déjà ?
    de chez La Tisseuse

    que vis-tu là-bas ?
    j'y vis la fileuse
    tisser au cordeau
    liant les anciens
    avec les nouveaux
    des liens, des liens
    des liens au kilo

    et là, tu fais quoi ?
    je ne reste pas
    je file, je file
    ne me retiens pas

     

    II

    cesse de t'agiter, moucheron, moucheron!
    car si tu veux trouver réponse à tes questions
    il faudra te poser un moment quelque part

    as-tu vu au plafond, vibrante, cette toile ?
    la vois-tu seulement briller comme l'étoile
    ou n'y vois-tu jamais que stérile abandon ?

    approche, approche donc, moucheron! et regarde :

    multiazimutée, sa trame en extension
    prolonge l'existence ; mais les adéquations
    qu'y composent les sens en cercles concentriques
    assurant sa portance aérodynamique
    ne pourraient résister au moindre courant d'air
    sans le don singulier, ce talent de l'épeire :

    créer l'éternité au coeur de l'éphémère.

    moucheron, mon ami, tu chercherais en vain
    la clé de la figure au centre de l'ouvrage
    observe bien ces liens, vois comme le tissage
    subtil et magistral, à peu de choses tient
    dans la fragilité de tous ces filaments
    la transversalité de son rayonnement

    la solidarité née de la concordance.

    tu es bien agité, moucheron, moucheron!
    et tes forces déclinent
    quitte ce tourbillon, rejoins la cristalline

    de toutes les façons que tu puisses t'y prendre
    il faudra te poser un moment et entendre
    où choisir de tomber, épuisé, sans comprendre.

     

    ah ça c'est bien, mon lapin

    III

     

    - et s'il me prenait à moi une soudaine envie de désert ?
      ça vous ferait un choc, oh là!

    - oh non, dis, bonne mère, tu n'y penses pas ?! 

    maman est folle

    IV

     

    - qu'une m'aille à l'endroit et l'autre à l'envers...
      oh, pauvre, si tu savais!
      je m'en badigeonne le coquillart
      avec le pinceau de la plus grande indéférence

    - tu veux dire quoi au juste :
      ...indifférence ? ...irrévérence ?

    - mais les deux, mon couillon!
      qu'importe, mon couillon!
      pourvu que l'on y danse

      les pieds nus sur le pont
      ou bardé d'élégance
      crasse dans ses haillons

      qu'importe, allons
      qu'importe le jupon.

    tu fais le pont, dis, chéri ?
    V

    comme un filet d'eau
    s'écoule
    ta langue ficelle
    déroule
    longs et volubiles
    du verbe les fils
    et ce long filin
    s'arrime
    à mon oeil marin
    lui prend une larme
    et reporte au loin
    sa trame

    roulez, jeunesse!

    VI

     

    t'eussé-je alors moins aimée
    si tu ne m'avais pas dit
    qu'un jour tu disparaîtrais
    que t'emporterait la vie ?

    ne t'aimerai-je pas mieux
    dorénavant loin des yeux
    mais fort de ce lien au coeur ?
    lui jamais, jamais ne meurt !

     

     

    VII

    quand je te lis ça
    je te lie là :

    sur moi,

    quand t'auras lu ça
    jette un lilas

     tu lis, là ?

    VIII

    plus aucun oubli de l'aube
    des liens! des liens! des liens!

    et de huit le neuvième
    porte, j'y viens
    et m'y tiens à l'extrême

    du bruissement de l'air
    un reste de soupir
    suffit et veut tout dire

    à nouveau tout de toi

     ________________________________________

    aux trésors de MissTiss

    _________________________________________


    tiniak ©2008 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

    à MissTiss
    La Tisseuse Impromptue

     

     

  • des mots! des mots!

    tourmente_des_mots.gif

    j'aurais pas cru ça dieu possible
    (déjà, vu que dieu, j'y crois pas!)
    depuis, je me sens invincible
    heureux fou, plus que moi y a pas

    allant mains nouées dans le dos
    je noctambulais l'avenue
    sur le trottoir des Impromptus
    dans le nez quelques vers de trop

    le vent charriait des papiers gras
    (quelques missives sirupeuses)
    qui m'encombraient l'oeil et le pas
    vague abondant l'heure hasardeuse

    quand j'aperçus venant du sol
    et ajoutant à ma déroute
    l'étrange éclat d'étranges gouttes
    comme escapées d'un jour d'école

    non, je n'avais pas la berlue
    il n'y avait aucun trucage :
    c'est bien des mots qu'il pleuvait dru
    aux flancs d'une nuit sans nuages

    et ça me pleuvait droit dessus!

    des mots dansants, des mots joueurs
    des mots s'agrippant aux passants
    et sur les pavés bondissant
    pour arriver à ma hauteur

    j'en ai lu un, puis deux cents, mille
    j'étais pris dans un tourbillon
    cette pluie tombant sur la ville
    collait à mes basques, dis donc!

    jusque chez moi, elle a suivi
    mon trajet de rues en ruelles
    adieu, costume de flanelle!
    bonjour, noyade et pleurésie!

    de congestion point, mais que d'ondes
    m'entourant de prose et de strophes
    un ballet déroulait sa ronde
    en lettrines et apostrophes 

    ça m'a pisté à l'intérieur
    envahissant mon territoire
    investissant mon écritoire
    et se jouant de mes humeurs

    et ça me ravissait la vue!

    des vers en veux-tu ? en voilà!
    des incongrus, des pas courants
    des chutes faisant la ola
    autour de mots "Fin" souriants

    ces mots ne m'appartenaient pas
    mais ressemblaient à s'y méprendre
    à tous ces mots que j'aime entendre
    délire le monde et ses tracas

    lecteur conquis, je fus tenté
    de remonter jusqu'à sa source
    le fil de cette logorrhée
    et me préparai pour la course

    manteau, chapeau, gants et pépin
    je m'installai sous le nuage
    qui poursuivait son déballage
    et l'appâtai de mon calepin

    c'est, de retour sur l'avenue,
    que fut dénoué le mystère
    du phénomène extraordinaire
    logé au coeur des impromptus

    doudoune_pop.jpget ça, je n'en dirai pas plus!

    j'ai trouvé dans cette aventure
    une voisine littéraire
    pour qui j'enfile en écriture
    une doudoune, jambes en l'air.

    tiniak ©2008 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • métamorphosis

    tamorphoseS

    mouh, ché bien cha, mon lapin

    I
    noir

    oui ?
    ouiiih
    hh hhh
    smouic slouic slioup
    haaan

    gloub bloub
    blig lioub moub

    mgnnnh
    gnaaah
    euaah euaaah

    aheu aheu
    abbaab bab bappf
    dnn deunn nann
    nan

    toi, peut-être

    II
    blanc

    voluptueusement
    mêlant le sang de nos chairs
    fertilisons l’aube

    III
    rouge

    je serai pour toi
    cet arbre, mouvance
    tu seras l’automne
    et sa flamboyance

    je ferai ce mur
    dont tu seras brique
    riant des murmures
    tectoniques

    je me lèverai
    avec le ponant
    et tu m’attendrais
    dans ce firmament

    IV
    vert

    petit brin
    dans ma main
    faut-il que tu pousses ?

    caillou sur le chemin
    tu n’amasses pas mousse

    petit brin mâchouillé
    je t’ai dégusté
    dans mon bol de lait

    caillou plat, pierre ronde
    ricochet, rigodonde

    V
    bleu

    tant que je n’ouvre pas les yeux
    la vie demeure
    se déclinant du noir au bleu
    simples bonheurs

    tant que je n’ouvre pas la bouche
    le temps s’oublie
    restons, mon amie, sur la couche
    goûtant
    vraiment
    l’instant
    ici

    VI
    violet

    - mon chéri…
    - mmm ?
    - métamorphose avant de sortir.

    _______________________

    adami-valerio-metamorphose.jpg

    _______________________

     tiniak ©2008 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    impromptu littéraire - tiki#18

  • cas pas bleu

    D_60POT2.JPGEn réponse subtilminimalement subliminée à la scribouille de MissTiss "comment t'atteindre" (interrogation intrinsèquement très féminineuse et non moins féquemment se posant à la gent masculinesque qui n'en pique mais), cette note pas bleue.

    réflection in petto:
    je ne suis pas sûr d'avoir tant mâle figure et vous ?

    ________________________________________

    "capableu"
    (blue not!)

    Fais toc-toc-toc
    et, flic flac floc
    mon goûte à gouttes
    se met en route
    et coule l'encre à l'envi

    Fais pouet-pouet-tut
    et, hulahup
    en moins de deux
    je técris

    Fais yodelehiho
    et, ho ho ho
    mon gros bonhomme
    s'esclaffe

    sors du chapeau
    cuiller à peau
    joli petit paraphe
    grave ton épitaphe
    sur ma tristesse morte

    youpla!
    tu m'as ouvert la porte

    de cela
    oui oui
    pour cela aussi
    ma Tisseuse au plafond

    je te remercie
    et, pas vu pas pris
    je te baise
    le front

    tipetitniapataponk ©2008 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • tango-panaché

    an_juke1.gif

    à mes potos qui se reconnaîtront...

    TANGO PANACHE

    La brume avait déserté le quai avec les entrées maritimes, mais pas nos esprits vaporisés au houblon, au malt à whiskey et à cette petite mirabelle de derrière les fagots que Pat' La Patron nous servait à rideau tiré. Bien malin qui de nous eût été en mesure de dire avec certitude de qui nous fétions l'anniversaire depuis la veille au soir. Même s'il s'était agi de l'un d'entre nous, je pense qu'aucun n'était plus en capacité de donner sa date de naissance avec exactitude ; mais cela n'avait plus d'importance, à cette heure à peine matutinale, les contrôles de police ronflaient dans les guérites - et le rideau avait été tiré depuis belle lurette. Pat' La Patron tenait à sa licence et nous n'étions pas friands de contredanses. Une franche connivence, un rien pirate, solidarifiait donc nos joyeuses déliquescences. Le tout sous l'oeil pas moins vaseux que le canal proche, de La Patron.

    Un client plus vieux d'un an avait payé une ou deux tournées de trop et nous avions fait le grand écart en levés de coude : six heures du soir, six heures du mat'.

    Michou La Barrique, fort gaillard dont la stature préventive avait évité bien des déconvenues à notre petite troupe noctambule, Le Michou regardait ses pieds en marmonnant un gargouillis d'où perçaient dans les aigus les accents d'un rire obstiné. Fred, grande gigue au poil roux, s'en aperçut le premier et nous le fit remarquer. Nous nous étions tous mis à glousser, qui dans son verre, qui dans ses doigts, mais Michou demeurait imperturbable. Ce fut Pat' La Patron qui l'entreprit :
    " - WoOp, Michou! Où tu vas où, avec tes pieds comme çaps ?"

    Elle frappait fort du talon, la mirabelle de La Patron. C'est pas pour rien qu'on l'appelait "la claquette". Outre qu'elle vous en fichait une bonne, si vous la descendiez cul-sec, vous étiez instantanément pris du tic de l'hidalgo. Fred "Redhead", interne de médecine de son (autre) état, nous expliqua une fois le pourquoi du comment de ce réflexe qui agissait comme une pompe de secours pour le coeur : partant d'une contraction du mollet, le martelement du talon sur le sol provoquait une vibration compensatrice des effets du tord-boyaux sur la dilatation des vaisseaux (sic).

    La Barrique cambra son blase un poil trop haut, si bien qu'on ne voyait plus, en place de ses yeux, que ses narines.
    " - Mes banards ont la mougeotte, bredouilla-t-il. Si on allait 'oir ouskon pourrait se dégouhir les pattes, mm ?"

    Un bref silence dubitatif suivit cette courageuse tentative de nous arracher à nous tabourets de zinc. Comme toujours dans ces cas-là, c'est Le Fox qui trouvait une échappatoire, médiane ou oblique, selon.
    " - Mais en voilà une idée qu'elle est bonne, hein Pat' ? Si on faisait un peu tourner ton joute-bok, dis voir."

    Pat' La Patron ne se fit pas prier, sa caisse attendrait. Pat' n'était pas peu fière de son antiquité bichonnée dans sa famille depuis les années cinquante. Une passion héritée de son  beau gosse de père, danseur hors-pair dont le film favori était "On achève bien les chevaux" ; pour dire. On l'avait enseveli selon ses voeux  avec la B.O. en fond sonore et, après avoir jeté une poignée de terre et un DVD sur le cercueil modeste, le cortège avait dû exécuter quelques pas de deux, une fois la tombe recouverte.
       Une danse qu'on ne refuse pas, celle-là.
      Avec ça, depuis qu'elle avait découvert ce merveilleux produit qui vous ressucite un vinyle en deux coups de chiffons, les vieux standards de La Patron s'en trouvaient tout ragaillardis. Pat' ne ratait jamais une occasion de se payer un petit Rock'n'Roll ou deux. Lolo, sa compagne et elle, se lançaient parfois dans des figures de rock acrobatique qui laissaient tout le monde sur le cul.
      Une volée de jetons et quelques programmations hasardeuses plus tard, ça tonitruait sérieux dans les esgourdes.

    La Barrique voulu sans doute amorcer une figure de style, genre tango panaché... mais question panache, son salto arrière s'acheva aussi prématurément que fort heureusement dans une des banquettes molletonnées. L'instigateur de tout ce raffut était forfait dès l'intro du second titre. mwof! Ben  La Goule, sorti de sa morgue trompeuse, partit dans une imitation des commentaires de Nelson Montfort et Philippe Candeloro, tandis que le bal se mit en branle.

    La Patron aimait bien danser avec moi. Etant gaucher et plutôt gringalet, cela lui facilitait la tâche pour conduire et placer un de ses portés inénarrables. J'éprouvais chaque fois la même émotion grisante de ne plus savoir qui que quoi dont est-ce et d'en être tout à fait heureux. Il y avait aussi cette spirale folle qu'elle me faisait faire autour de ses hanches, sous sa poitrine ; ça aurait pu durer des heures, pour moi, j'étais aussi confiant qu'un nourrison. Et puis, il fallait bien toucher à nouveau le plancher des mouettes.

    Comme souvent, avec ce qu'elle avait dépensé d'énergie, La Pat' s'écroulait dans un coin de son bar. On connaissait le protocole. Un étrange ballet s'organisait alors, chacun assumant sa partie. Dans une chorégraphie à la Bob Fosse (le juke-box tournait toujours), les volets étaient vérifiés, la caisse planquée, le ventilateur coupé, une fenêtre ouverte, La Pat' couverte, le coup de chiffon donné sur les tables (on ne touchait pas au zinc, woulla!), la chasse-d'eau tirée... puis nous sortions par une porte dérobée, troupe de rats sur les pointes.

    an_juke1.gif
    tiniak ©2008 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    impromptu littéraire - tiki#17.