Ne pas l’ouvrir et tout savoir
de ce pli sur mon écritoire ;
déjà suffise à mon bonheur
d’en percevoir la douce odeur
Ah, l’être ! …l’être que contient
cette enveloppe qui me vient
d’un ailleurs aussi véritable
que des pensées les plus aimables
tant attendues, tant espérées
pour encore un temps cachetées
tout au plaisir de différer
le plaisir d’en lire le trait
à s’ensuivre
Ne pas l’ouvrir – pas maintenant !
Savourer cet ajournement
plus intense que la venue
du cadeau qu’on a tant voulu
Ah, lettre ! … lettre, jour de fête !
J’ai cette griserie en tête
où se mêlent tous les refrains
des « je te veux », des « allez, viens »
Et ça bourdonne des printemps
les vivaces débordements
qui portent l’âme à s’émouvoir
d’un rais lumineux sous le soir
et m’enivrent
Ne pas l’ouvrir qu’avec les yeux
et respirer encore un peu
de sa lointaine provenance
la fine et précieuse éloquence
Ah ! l’être (lettre), c’est magie !
C’est commencer où tout finit
signé le dernier caractère
dans les mains du destinataire
C’est l’envol des félicités
allant sous l’aile repliée
porter à l’autre en quelques pages
comme un livre
Ne pas l’ouvrir – comme toujours,
la joindre à tes lettres d’amour
que jamais le rêve n’en sorte…
Oh, magnifiques
Oh, rhétoriques lettres mortes
tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
impromptu littéraire - tiki# 60
illustration (ci-dessus) : Janine Delaporte.