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  • apartés superflus

    La porte mûre ne demanderait pas mieux
    que découper au ciel une chemise bleue
    sans manches,
    par où délivrer ce dimanche
    plus vieux d'une semaine
    (évidemment pluvieux)

    La fraîcheur grelotait, humide et reniflante
    sur les feuilles en pentes et prêtes de tomber
    à terre,
    orange et marron sur le vert
    tapis de nos prairies
    (gazon des normandies)

    Le temps s'alanguissait pris dans une Limoges
    au cadran de l'horloge implorant la soirée
    qui tarde,
    et par les collines brouillarde
    les arbres par les pieds
    (ah ! l'ordre des pommiers)

    Le village fumait dans le bas du vallon
    ses foyers de saison où l'ennui se taisait
    en masse,
    chacun se croyant seul, hélas
    et songeant au souper
    (on avait sa fierté !)

    La route Par-En-Haut calmait les grognements
    de cette toux mauvaise et tout le jour durant
    qui crache
    les véhicules sans relâche
    vers leurs pauvres ailleurs
    (bien sot qui ne demeure !)

    La rumeur avait cours, mais venant de la ville
    on se savait tranquille à l'abri du vieux bourg
    serein
    - qui en avait vu d'aut', enfin !
    et ça, depuis l’Empire
    (campagne, tes soupirs...)

    Un lundi de labeur remit le monde en selle
    qui tombait la bretelle ou tamponnait la sueur
    au front,
    une capricieuse saison
    donnait bien du souci
    (campagne, tes ennuis !)

    ...mais l'Histoire, quelle histoire !

    L'Histoire était en train quelque part sur la route
    d'arrimer au destin la fin de tous les doutes
    le siècle
    dégoupillerait son couvercle
    avec la nuit venue
    (aparté superflu)

    Pour un matin de juin, on avait connu mieux...

    Damn beach !
    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK 
  • L'aube s'honore

    Chantal Haboyan, L'Aube

    L'aube sonore par les jardins
    son triomphe sur le murmure
    d'une nuit qui jamais ne dure
    et ploie sous la roue du destin

    Marquant le ciel d'une griffe pâle
    par où l'orient va soulever
    le jupon noir de la nuitée
    l'horizon, c'est l'autre signal

    Tout, le spectacle de la prière
    dans les biais sous la nuée grise,
    le chant des amours compromises,
    soit révélé dans sa lumière

    Il faudra donc remettre à l'ouvrage
    les "bonjour", les "salut, mon vieux"...
    "je n'aime rien tant que vos yeux"...
    affichant qu'on a le courage

    Au jour venant, quel train de babioles
    allons-nous trouver au marché
    dont nous espérons contenter
    la frénésie des courses folles ?

    Avant le soir, il fera beau mettre
    en ordre les ajournements
    avoir soldé nos sentiments
    fermé les volets aux fenêtres

    Le jour venu, quand je n'aurai plus
    rien de cela à redouter
    la nuit blanche m'aura gardé
    ouverte une porte inconnue

    Et de ce jour, la messe dite
    je l'aurai divisée par huit.

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustration : Chantal Haboyan, L'Aube.

    Chantal Haboyan est décédée le 22 janvier 2011, merci de lui rendre hommage en visitant son espace.

  • hommages

    PAUVRE MERCURE

    (à Laforgue)


    Non, pas dimanche, je vous prie
    pas dimanche, merci !

    Ça va, j'en ai des pianos dans la tête
    ma tête comme une girouette
    avec le nord en moins - trop loin,
    et puis trop gris, et puis trop froid,
    pas bon pour moi et mes myriades
    de machins minuscul’s et malades.

    Lundi ?
    ...vous êtes occupée,
    tant pis.

    Voulez-vous que nous disions Mercure ?
    Allons, allons, joli poison...
    Laissons-nous tenter l'aventure.

    J'aurai des ailes à mes pieds d' nez
    ainsi, pour sûr, me reconnaîtrez
    à mon visage pâle, aussi
    - c'que c'est qu'être mâl' par temps gris !

    Passez, passants, vos routes obscures...
    Je vous dis que j'attends l'aventure
    et que n'en sachant le nom ni la mère,
    je veux, mon neveu, que je l'espère !

    Oh, les mères !
    tagada tsoin tsoin
    tous cors dehors
    dès le matin
    Oh, les vilaines
    - qui me gâcheraient la semaine !
    avec elles, de l'art
    ... bon, mais de la manièr' donc !

    Ça ! j'entends des alleluias...
    Est-ce que soyez déjà là ?
    Je ne vous y vois pas !

    Vous n'auriez pas cette farine
    à votre cou de gourgandine.
    Vous ne coifferiez pas si haut
    de si belliqueux oripeaux.

    Je vous voyais Cybèle
    pas de ces robes isabelle !
    Je vous rêvais Hermione
    pas de ces sinistres dragonnes !

    Ah, dites-moi, dites
    dites-moi tout...
    Mais dites-moi que ce n'est pas vous !

    Ça ! j'entends des Væ soli
    C'est-y qu'on s'rait déjà Ce Dimanche ?
    Ah, non merci.

    Au clocher sonne un conciliabule
    (je vais me faire appeler Jules).

    Alors adieu mon aventure
    (puisque vous préférez l'Arthur).

    famille_piano.jpg

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustration : Ludger Larose, La leçon de piano.

     

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    DANS LA MAISON DE PIERRE

    (à Reverdy)

    miro1.jpg

    Dans la maison bien élevée de Pierre
      le vent
          entre ses rochers blancs
      titille un feu qui pleure et se fend
      d'un souvenir passant

    Dessus, l'horizon est assis
    il médite
      de tout son poids sur l'ardoise du toit
      de tout son poids mort
      loin des trottoirs corridors
      où nul visage, aucun nom ne séjournent
    il évite
      le vol triangulaire d’une flèche criarde
      et tous ces mots attendus qu’on ajourne
    cependant qu'on bavarde

    Sous sa maison, les maisons qui s'oublient
    Les saisons froides sans aucun bruit
    Leurs ombres roulent de lourds tapis
      sur les cadavres des lampes éteintes
    Tous les enfants n'y sont qu'une plainte
      sourde
          et morne
             et jugée gourde par les yeux borgnes

    Un arbre
      lavant au ciel ses pas de marbre

    Et, juste à coté, la rue qui tremble des pieds

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    illustration : Joan Miró

  • bascule extrème

    Navigue, Flamme Bleue, navire au bout du monde
    qui cherche après le monde encore un nouveau monde
    et vogue sans retour possible sur les terres
    quittées sans un regret pour y laisser naguère
    des ventres grand ouverts les âmes moribondes

    car les femmes aimées et les enfants chéris
    qui nous accompagnaient de leurs chants, de leurs cris
    de linges agités au moment du départ
    ne sont plus que chiffons, sanguinolents, épars
    dont la folie guerrière a massacré la vie

    Navigue, Flamme Bleue, avec les réchappés
    qui manœuvrent encor tes voiles rapiécées
    à tirer des bordées pour conjurer le sort
    ils récrivent l'histoire et rêvent leur essor
    en partageant le quart et la viande séchée

    de leurs gorges flétries montent des mélopées
    avec les mots anciens qui disent les contrées
    qui disent d'où l'on vient et comment on l'emporte
    qui disent la magie de nos natures fortes
    et tout ce qu'il est bon d'entendre, d'évoquer

    Navigue, Flamme Bleue, navire aux lignes fières
    nous sommes les Sans-Femme, Sans-Fille, Sans-Mère
    n'ayant plus rien à perdre nous courons le monde
    en nous en remettant aux caprices des ondes
    des vents et des dieux fous qui peuvent nous défaire

    mais aucun ouragan, aucun monstre marin
    aucune féérie dont nous ne savons rien
    ne sauraient entamer la résolution prise
    nous mènerons à son terme notre entreprise :
    atteindre au bout du monde un ultime destin

    Navigue, Flamme Bleue, navire vent debout
    la fin du monde est proche, étale devant nous
    sa lisère inconnue

    Navigue, Flamme Bleue, toutes voiles dehors
    nous franchissons du monde le dernier rebord
    et sombrons dans les nues

    "- Ont-ils tous disparu ?
    "- Oui, c'est ce qu'on rapporte ;
    mais on raconte aussi qu'une main les emporte
    et qu'aujourd'hui encore on peut apercevoir
    passer sur le front noir quelque bleu météore
    que c'est signe de vie, signe d'espoir
    en quelque sorte qu'il nous plaise d'y croire
      fermée la porte
      bonsoir

    Oh ! tes yeux !
    Un chemin s'est ouvert dans leur ciel que partagent
    bientôt et plus jamais hier et davantage

     

    Samedi-défi.jpg

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un
    Défi du samedi

  • HEXÆMERON

    (parenthèse cosmique)

    L'orage passé, la terre et ses humeurs
    le ciel intimidé quoique propre ose peu
    l'arbre pleure
      dans un presque silence
      des larmes de géant s'écrasent à ses pieds
    la fraîcheur appelle tout à elle
      le feu même a des ailes pour la rejoindre
      notre feu étendu
      dans sa force nouvelle nos corps détendus
    la chambre tremble à nouveau, mais c'est de frissonner
      avec toute la terre et le ciel et le vent
      le vent qui fait danser les cheveux du géant
      hilare maintenant

    dragon1.jpgUn cortège se forme
      la nuit au bout et nous devant
    se met en branle
    entraîne ce qu'il touche
      ce qu'il croise
        ce qu'il déniche sous les ardoises
           dans ses poches vides
    d'un mouvement limpide et gai
    fluide sang frais

    tout ce qui a de l'esprit se ressemble
      se reconnaît dans ce dragon
      y loge des lampions que le fleuve a rendu
      et des mots feuille d'or
      aussi des calligrammes
    et c'est la fête du monde

    c'est la fête du monde en un mot, à l'instant
    craché haut dans le ciel comme un œuf blanc
    qui se brise
    et tout le chaos s'électrise
    dans une pluie nouvelle
    où somatise à tire d'ailes
    le vol planant du dragon dans le ciel

    Je t'offre un des bris de coquille et tu le manges
    Tu m'offres un bris de coquille et je le mange
      et notre malheur est étrange
      il est d'avoir conscience des anges
      en un mot, à l'instant

    Maintenant sur notre lit
    entre nos corps éblouis
    une ombre a passé l'éponge
      la fraîche paix d'un songe investit
      la place d'un feu nourri et l'apaise
      en soufflant doucement sur la braise
    à fleur de mots

    tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    impromptu littéraire - tiki#55