Ton exil est le mien, poésie vive en rêve
sur les flots incertains charriant l'humilité
dont ne sont pas nourries ni les âmes bien nées
ni les peaux de chagrin pour qui l'aube est trop brève,
nous voguons vent debout l'un vers l'autre portés
Idiot celui qui croit - comme on croit un Jésus
car l'aimer nous ferait une toute autre histoire !
en l'exil volontaire, œuvre libératoire
d'un génie supposé en connaître l'issue ;
nous couchons sous le pont des frères à peau noire
La prison, c'est l'idée aux forces surhumaines
(l'espoir d'en réchapper en insulte la grâce)
le séjour y est doux quand on sait la menace
qui mange tous les corps et dehors se déchaîne ;
nous y purgeons le temps que notre âme s'efface
Pourtant nous la quittons quand nous prend le désir
d'aller voir les ailleurs qui nous viennent en songe
espaces infinis que le verbe prolonge
en y faisant rimer le meilleur et le pire ;
nous nous retrouvons là, affranchis du mensonge
Mais les cailloux jetés à la crête des vagues
forment bientôt les murs qui vont nous contenir
chacun dans sa cellule à pousser des soupirs
dessinant à la craie une raie pastenague
ou sifflant dans le vent la nuit qui doit venir.
Aussi vivant qu'il soit le rêve meurt un peu
quand nous fermons les yeux sujets à nos effrois ;
aussi bien ferons-nous malgré l'heure et le froid
de veiller avec joie son objet merveilleux
Et nous irons chanter sous le grand cacatois
enviant d'un géant les plongeons gracieux
triomphe d'innocence entre ciel et flot bleus.