Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • Regards croisés

    couacJe renoue ici avec l'intention première qui m'a conduit à produire des textes sur le site des Impromptus Littéraires. Leur titre a de quoi faire frémir ceux et celles qui ont cette (fâcheuse !) manie d'introduire leurs écrits en ligne par cet adjectif dévalorisant : "petit".... Mes petits écrits, mes petites pensées, mon petit coin... La porte, ouverte GRAND chez les Impromptus Littéraires, devrait afficher : ici rien de petit, tout compte !


    Une fois les clés de la maison déposées dans le petit bol de l’entrée d’où il les avait prises, Jésus rentrait, les mains, les poches et le portefeuille vides, comme prévu. À l’invite des boudins du boudoir de son ami Thorgal chez qui il séjournait, il s’affala lourdement, la tête pleine, elle, de pensées nouvelles.
    C’avait été une bonne idée de faire ce périple nocturne et citadin, dans cette ville capitale qu’est Paris. Les bars du coin regorgeaient de clients éclectiques, avec tout ce qui peut s’y trouver de pittoresque ou de pitoyable, d’amusant ou d’anodin, d’engageant ou de futile. Il n’aurait pas dû, mais il avait bu, seul, avec d’autres. Il avait bu tout ce qu’il s’était autorisé à prendre avec lui comme monnaie ; avait discuté, un peu menti sur son passé, évité le sujet de la santé, ri avec de joyeux drilles et chanté avec un certain Momo, péroré sur la fin à la table d’étudiants en droit commercial et fredonné en rentrant à pied. Oui, vraiment, une bonne soirée. L’ivresse le rabibochait avec sa propension à rimailler sévère. Il griffonna pendant près de deux heures sur son carnet, mais cela ne le distraya pas complètement de son problème. Son problème, c’est son manteau. Son manteau avec ses poches pleines, son portefeuille garni, son col qui lui assure un port de tête des plus convenables, sa poche droite avec ses gants de cuir, bref, son incomparable confort pour arpenter les rues et prolonger jusqu’à l’oubli sa soif d’ivresse.

    À l’autre bout du monde, Thorgal se relevait péniblement d’une nuit passée avec des abrutis fortunés, mais dont il avait obtenu l’essentiel de la levée de fonds qu’il était venu chercher. Les restes de la fin de soirée avaient été discrètement débarrassés de la suite par le personnel de l’hôtel, filles exceptés, dont deux dormaient dans son lit et deux autres dans le canapé d’angle du séjour.
    Thorgal devait son prénom à l’amour indéfectible de son père pour une bande dessinée qu’il affectionnait depuis son enfance, mais la comparaison s’arrêtait là : il était du genre chétif et n’avait de guerrier que son sens des affaires et son appétit sexuel. L’argent et le sexe se conjuguant pratiquement de façon naturelle dans les sphères de son milieu entrepreneurial et financier, on peut dire que Thorgal avait efficacement réalisé ses désirs et satisfait largement à ses besoins vitaux. Une chose le taraudait, cependant : avait-il été judicieux d’offrir à son ami Jésus de séjourner dans sa maison parisienne ?
    Il connaissait Jésus sur le bout des ongles, savait ne rien devoir en craindre pour lui-même, mais il était d’autant plus conscient de la formidable capacité de Jésus pour saccager, à plus ou moins long terme, tout ce qu’il approchait. Sa dépendance à l’alcool n’arrangeant rien à cette disposition foncière. Or, le quartier parisien où Thorgal était propriétaire rassemblait toutes les conditions propices aux excès de son ami Jésus.
    Jésus n’était pas méchant – avec un nom pareil ! mais il était sensible, à l’extrême. Et dieu (oui, bon, admettons) sait ce qui pourrait le conduire à se lancer dans une de ces croisades absurdes dont il avait le secret.

    Le regard de Jésus, revenu dans le corridor de l’entrée, oscillait entre son manteau et le bol contenant les clés de la maison de Thorgal.

    Le regard de Thorgal hésitait entre le téléphone et le couple de femmes enlacées dans le canapé.

    Il ne faut jamais dire « m’en fous ! ». Surtout quand on est seul avec soi-même.

    tiniak © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Impromptu Littéraire -
    tiki #120

  • brasero

    Ah ! faut-il que vous mouronniez,
    brandons obstinés au foyer
    quand je cherche à prendre le frais le long du fleuve

    C'est assez de m'être - à l'épreuve
    et de façon contemporaine,
    une impression que la semaine est un bourbier

    Hier, encore à son miracle
    je me suis rendu au spectacle
    où j'avais promis de venir à tire-d'aile

    Je la vis, les yeux plus grands qu'elle
    confondre surprise et plaisir
    ("...comme jamais à l'avenir" souffle un oracle)

    Dans son regard, entièrement
    je me tenais comme un géant
    (amour se conjugue au présent, me sembla-t-il)

    Quoi de plus plaisamment subtil
    que d'avoir tenu sa parole
    et d'en partager la joie folle avec l'enfant ?

    Lumineuse dans son costume
    aussi gracieuse que la plume
    défiant les gravités d'enclume de nos âges

    une magie à son ouvrage
    aura goûté au feu sacré
    par quoi, de l'acquis, de l'inné, tout se résume

    Finie la représentation
    soldées toutes les émotions
    voici que me reprend au fond comme un orage

    Au ciel pourtant, aucune rage
    c'est à l'interne que je brûle
    ne m'accordant plus de recul que de raison

    Comment défaire mon entier
    de ce mystère de brasier
    que d'un rien vous enflammeriez, songes tenaces

    La vie n'est pas si dégueulasse
    qu'il n'y ait lieu de s'en réjouir
    auprès du fleuve où rafraîchir son coutumier

    trapèze

     tiniak © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    (pour toi, ma fille, cette 950ème note)

  • dédicace

    Menton sur le genou plié
    le nez à la vitre glacé
    à la fenêtre
    celle qui la fit disparaître
    à son insu
    Petit Poucet, tu n'entends plus
    que d'une oreille
    Les mamans et papas qui veillent
    poussant leur refrain du moment
    toi, jusqu'à l'étourdissement
    tu t'en combles

    Elle a disparu en plein jour
    la nuit ne l'a pas ramenée
    ni joyeuse, ni fatiguée

    the mamas and the papasSa voix seule est restée en place
    obstinée dans la dédicace
    parmi la réverbération
    excessive dans sa façon
    la basse
    et cette rime qui s'attarde
    que la choriste nasillarde
    qui prie baby
    parce qu'elle est dégueulasse
    la vie

    La nuit a passé
    - c'est un comble !
    une main dans les cheveux, sombre

    L'aube est venue
    - a chassé l'ombre,
    de ses rais de lumière franche
    vive gigue parmi les branches
    border la rue d'un vert dimanche

    Pourquoi se mettre chaque nuit
    à ce moment d'aller au lit
    à invoquer l'inaccessible ?

    EP67r_dedicated.jpgQuand sur la pochette flexible
    sourient Les mamans et papas
    dont le refrain ne varie pas
    d'un iota sur le tourne-disque
    chante "prie, Poucet ! quoi tu risques ?"
    et revient, lui
    donner le change à cet an-nuit

    L'heure la plus sombre prend fin
    avec la venue du matin
    chante, Poucet
    pour les cailloux sur le chemin de la forêt

     

    poucet

    tiniak © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

  • tempi

    apaches,ParisLe temps... Le temps... mais qu'est-ce ?
    Considérant celui d'une vague caresse
    polissant la surface au dos d'un galet rond
    celui du météore au flanc de l'horizon
    passant inaperçu dans le jour qui paresse
    où vivre ?
    À ce moment près d'elle seule ? dans son livre ?

    Temps passés ou futurs n'êtes à l'aujourd'hui
    que reliquats obscurs, rêves inassouvis
    - mêmes, imaginaires...
    C'est d'ici, maintenant, que je prends le parti
    d'en faire
    un endroit familier où je vais prendre l'air
    du temps
    tel qu’il me plaît vraiment

    Me voici dans Paris croisant un éléphant
    connu de mes amis et de moi seulement
    à cette heure
    (où l'On craint le hulan cantonné à demeure)
    et qui sera bientôt des plus problématiques
    quand l'ère aura versé d'Empire à République

    Trois Jules vont venir au devant de la scène
    arracher les marmots à la mine et aux champs
    pour les jeter sitôt brailler "Allons z'enfants !"
    sur les chemins de gloareu...
    Sans faire autant d'Histoire de France
    moi, je n'en aime qu'un pour tout ce qu'il balance
    et prône au Décadent sur les quais de la sienne
    de Cène

    L'à-présent me taillade et son vent libertaire
    me prêtera sa main pour entrer en enfer
    comme on va d'un bon coup achever la semaine
    passant à la revue des deux mondes le seul
    qui vaille
    de souiller nos linceuls aux fruits de nos entrailles

    Sorties des toits bourgeois dont les cheminées fument
    grisant le ciel joufflu, des colonnes d'écume
    plombent, empestent
    l'âpre souper frugal des demeures sans restes
    la voisine repue sous son mari trop gras
    le paternel inceste
    la poularde
    qu'arrose de son jus la bonne - campagnarde !
    la suée des dortoirs
    et le vieux saucisson pourrissant sous les draps
    qui finiront charpies paquetées aux armoires
    sanitaires
    et panseront les plaies de trop pauvres misères

    Des fenêtres les pianos las
    pleurent des doigtés réfractaires
    à ces mélodies populaires
    qui romancent les célibats

    Dans cette vaste fourmilière
    au quotidien
    je bade un art à son affaire
    aussi mon chien
    relevant la piste tracée
    par les humeurs
    d’artistes battant le pavé
    jusqu’à pas d’heure

    C’en est fini du bon Parnasse
    levons haut le vers libéré
    sur le boulevard Montparnasse
    les apaches vont défiler

    Jusqu’à pas d’heure, alors c’est dit
    tandis qu'auprès de moi tu lis
    je rêve encore et reste ici


     

    APACHE.JPG

    tiniak © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
    pour un Défi Du Samedi #152

    Illustration (médaillon), d'après Gary R. Benson