Une barque feule à deux voix sur le canal
un chant d'amours désespérées, d'un autre siècle
Le ciel, déçu, frotte les toits de son couvercle
pour se gratter des pelures sentimentales
Le cirque bien connu replie son chapiteau
pour le porter ailleurs où manque le spectacle
des petits bonheurs attendus et leur débâcle
qu'applaudiront les rires niais des angelots
Le tout payé du triste solde hebdomadaire
les mains rentreront chatouiller les poches vides
longeant le fleuve mou et sa lente clepsydre
songeant peut-être à d'exotiques dromadaires
Plus tard, les yeux compris entre ses deux seins lourds
le regard amorti de strass et de paillettes
Monsieur, dans l'abri sûr de Madame S'en-tête
- ce verrat chevauchant ! lui dira son débours
Moi, l'aube reparue sur le terrain désert
je tirerai des clous du sol, en fredonnant
ma dernière grisaille et me remémorant
le froid que j'ai connu d'avoir aimé, naguère
Une Parque sans voix, un domaine abyssal
qui chantait sa partie - à qui j'ai dit « je t'aime »
et qui n'entendait rien, sur le fleuve bohème
qu'à peine le vent nu, sur ses ridules sales
Alors, le rouge né à mes joues ravacholes
je promène le nom que me donne mes filles
et nous irons, ce soir, vibrer aux peccadilles
du grand chapiteau cru aux fantasques écoles
Et ce sera bonheur d'avoir, à mes côtés
l'une et l'autre riant, chantant l'hymne sauvage
d'avoir dompté le temps pour le seul avantage
d'être, en l'état, l'amour et l'instant partagé
Et le fleuve rigole, et le matin sourit
Deux astres dans les bras, j'ai tiré le rideau
que leurs projets de joie ne soient pas sans écho
mais se créent, à leur tour, une pure magie
Bon, je n'ai pas su faire - et n'en suis pas moins homme
amoureux, pas peu fier, d'avoir entre les bras
deux galaxies dormant sur mes vieux reliquats
tandis que, par les rues, s'anime le barnum
tiniak ©2013 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK