Quand j'eus bientôt fini d'atteindre des sommets
d'impétuosité onirique ou frivole
je vis soudain surgir du quotidien trajet
conduisant mes enfants aux portes de l'école
là, devant mes pieds, manquant d'y goûter
une bombe glacée.
De celle que l'on dresse, hautes, fières
pour des journées de liesse populaire
où l'on va se gaver autour des mariés
ou bien s'encanailler contre un mat de cocagne
quand ceux-là de la ville embrassent les campagnes
avec cet air d'y être tout à fait chez eux
...ces jours des biens heureux, bénis des dieux!
- Attention, dis, papa! s'écrie l'une
- c'est quoi ça, papa, dis ? s'étonna l'autre
- ça, mes filles chéries, c'est une bombe...
- une qui va péter ?
- qui va nous engluer ?
- qui va nous meringuer les crottes de nez ?
- et aussi les oreilles ?
- et qu'on va déguster jusqu'au bout des orteils ?
- ... glacée...
Mais en réalité, je ne savais que dire
cette incongruité qui tenait du délire
m'avait déjà conquis. J'y logeai donc un doigt
goûtai la mousseline, puis bientôt deux, puis trois
créant une ravine au pied de l'édifice
j'en abouchai la chair, supputant quel supplice
m'attendrait au final.
La cloche sonna
dans la cour de l'école, on se mettait en rang
- bon, dis, papa!
nous, on va y aller, me dirent mes enfants.
Déjà pris de vertige, acquiesçant du regard
je levais une main vers les crémeux étages
là-haut trônait, piquée tout à son avantage
une pâte d'amande érigée comme un phare
avec au pied couchée, une sirène mage.
J'allais pour m'en saisir
elle eut un long soupir avant de murmurer :
"- Allons, joli papa, il faut attendre encore
que la marée qui vient atteigne le plus fort
de sa capacité afin de me porter
jusqu'à toi, mon trésor."
Là, je crus défaillir
(comment allait finir ce satané poème !?)
comme pour m'engloutir, une vague de crème
s'arrachant de la base alla vers le sommet
et, le temps d'une phrase, eut tôt fait d'emporter
mon corps, tel un esquif.
Bientôt, sur le trottoir, tout s'était répandu
de la pièce montée, il ne subsistait plus
qu'une flaque, un cloaque aplati sur la rue.
l'ondine me toisait, allongée sur le flanc
elle avait recouvré une taille normale
quoiqu'étant pour moitié de figure animale
à la queue écaillée.
Son buste était couvert - effet de sa pudeur ?
d'un seyant petit boléro d'algues en fleur
qui ne me laissait pas sans pouvoir apprécier
sur l'accorte poitrine un profond décolleté
bombé dans la ravine.
J'étais certes troublé, mais sus lui faire face
épongeant sur mon nez des reliquats de glace
je lui dis tout de go : " on pourrait prendre un bain "
l'idée lui agréait, je lui donnais la main
et la prit dans mes bras.
Longeant le boulevard, je ne m'inquiétais pas
des passants les regards s'étonnant, ça et là ;
j'installai ma sirène dans ma baignoire rose
(bah oui, que voulez-vous, je n'ai pas autre chose!)
elle s'y détendit.
Me narrant son histoire, elle m'avait appris
quel odieux sortilège avait scellé sa vie
à l'oeuvre pâtissière où je l'avais trouvée
et comment, depuis lors, elle était séparée
de son unique enfant.
Sitôt m'étant changé, je repris les devants
épousant fait et cause et ce parti prenant
de lui être agréable, étais bien décidé
à retrouver l'enfant quoi qu'il pût men coûter
je ferais ce qu'il faut.
Je me rendis sur Mû, trucidant des dragons
déjouant les plans de l'Orque et de Posséidon
délivrant l'enfançon d'un horrible cachot
gardé par la murène et le vieux cachalot
le remis à sa mère.
L'enfant était fillette et riante et vivace
conta par le menu les épiques menaces
dont nous étions sortis indemnes sur les flots
à son ondine mère, et conclut en ces mots :
"Eh ben tu sais, maman, c'était pas du gâteau!"
Vous voudriez savoir... mais vous ne saurez pas!
Si je vous le disais, vous ne le croiriez pas.
La fin de ce récit ? la chute de l'histoire ?
je garde tout pour moi.
(et tfasson, y en a pas!)
tiniak ©2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK