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Sortie de route 806

« Quittez l'autoroute au prochain échangeur. »
J'interrompis le programme et le mis en suspens. D. me livrait à nouveau son sentiment, avec ce calme qui la caractérise, légitimant son opposition mesurée à mon dernier propos, lequel portait sur - le sujet qui nous tenait autant à cœur qu'il pouvait révéler nos points de vue, souvent divergents : l'art; de la manière de l'exprimer ou de le percevoir.
Tandis que la radio diffusait un Impromptu de Gabriel Fauré, nous devisions sur la nécessité (ou pas) d'entourer l'œuvre artistique d'un propos explicitant son processus. Je le prétendais à peu près inutile, dans la plupart des cas. D. lui trouvait des vertus intrinsèques, propres à activer une compréhension de l'œuvre, la plus large possible.
« Expliquer la démarche de l'auteur, c'est rendre accessible la dimension artistique de son œuvre, disait-elle. »
Je soutenais que non. Qu'une œuvre devait parler d'elle-même ou pas. Je tentais d'étayer mon propos sur le pré-requis d'une large éducation à l'art, laquelle devait intervenir en amont de la mise en présence de l'œuvre et du quidam. Quidam dont la personne, ainsi formée et sensible à l'esthétique, pouvait mobiliser l’appropriation de ses connaissances pour jouir de l'œuvre et réagir. Ce qui n'exonérait toutefois pas l'œuvre de proposer quelque chose qui sache susciter l'émotion, support d'une libre adhésion (ou non) à son intention esthétique, voire à sa quête d’universalité. J'en étais là, dans l’exposé de mon hypothèse, quand D. m'interrompit :
« Tu pérores mais, n'est-ce pas là qu'il fallait sortir ? » s'étonna-t-elle, avec une inquiétude grincheuse. (D. avait horreur de se perdre...).
« Oups ! fanfaronnai-je. Ne t'inquiète pas. Nous prendrons la suivante, puis nous aviserons selon les indications du GPS. »

Ce que nous fîmes... vingt bornes plus loin.

Galère, quand même ! Bleds nazes, route pourrie. Des Camions ! Des Camions ! Et encore des Camions ! et pas moyen de doubler. Avec ça que ça nous faisait louper les panneaux, et tout. Le bordel, quoi.
« - Didi, tu veux pas changer la radio, là ? J'en peux plus de leur blabla de cultureux, quoi.
- De suite, mon Loulou. Je nous remets RTL. »
Elle a tombé dessus pile poil.
« - Ah, ouiche ! C'est mieux. Merci bien, ma Didi. »
Bon, c'était pas tout ça, mais sur les panneaux, y avait toujours pas le nom du bled où qu'on devait crécher pour la nuit.
« - T'es sûr que c'est la route, dis, mon Loulou ?... qu'elle me fait.
- Ben, pas trop. Mais on est dans le bon sens, quoi, déjà... que j'ui dis.
- Pisque tu l'dis. C'est toi l'homme, hein... qu'elle me fait.
- Je veux ! » Que j'ui dis.

Et, là-dessus, je te lui lâche un de ces rototos de la mort qui la fait bien marrer. Du coup, elle enchaîne avec un bien sévère et nous nous poilons grave, comme pas deux ! C'est-y pas beau, en fait, cette sortie de route ?

 

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tiniak ©2016 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
pour un Impromptu Littéraire - tiki#253

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