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carton pathe

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Le carton d’invitation était des plus laconiques.
Empreint de circonspection, il tenait de la supplique.
« Venez, lisait-on, tout ici requiert votre présence. »
Dans son coin, un médaillon de facture vieille France,
représentait un bastion qui surplombait la Durance.

Au long des Bois de Gahenne, je méditais l’invite,
le souffle court et l’haleine d’une âme en fuite.
Je parvins à l’endroit dit « De l’aube claire »,
me présentai devant l’huis sombre et austère
ouvragé de corps mêlés comme en enfer.

Usant du pesant heurtoir, je frappai fort ;
Un écho dans le couloir s’y perd encore.
La lourde porte s’ouvrit, sans personne à l’accueil.
Ma curiosité grandit quand j’eus franchi le seuil.
Des statues de marbre gris avaient la larme à l’œil.

De l’étage s’évadait une étrange musique,
une obscure mélopée, à peine mélodique.
Gravissant un escalier de pierre lisse et nue,
j’arrivai sur le palier et me serai perdu
sans la porte entrebâillée où j’étais attendu.

Accroupie sur le plancher poli comme un miroir
une dame se tenait dans cette Chambre Noire.
J’eus le sentiment confus de connaître la scène
et que j’avais entrevu, par les Bois de Gahenne,
ce corps à demi vêtu dans son corset d’ébène.

La voilà qui se courbait maintenant devant moi
répandait, agenouillée, ses longs cheveux de soie.
Dans l’obscurité saillaient la croupe et les épaules,
où vibrait et frémissait, selon, à tour de rôle,
un élan désemparé et triste comme un saule.

« - Vous qui célébrez mon nom, disait de sa voix lente,
la dame qui maintenait sa pose de servante,
voyez, je suis toute à vous. Ne craignez pas de prendre
ce corps qui ne veut de vous rien d’autre que d’apprendre
comme le désir est doux et la caresse tendre. »

« - Madame, vous me troublez, et je crois reconnaître
en vous cette âme égarée qui courait sous le hêtre.
Vous m'y avez inspiré nombre de mes poèmes.
Et c'est peut dire en effet comme au fond je vous aime ;
mais nous devons partager ce sentiment suprême. »

« - Vous m'aurez donc, corps et âme, dit en se redressant
la dame habitée de flamme où brûlait un tourment. »
La lutte fut inégale, elle y mit tant d'ardeur
que son désir abyssal absorbait ma chaleur.
L'issue m'eût été fatale s'il ne s'y trouvait du coeur.

Je mis le mien tout entier à pouvoir satisfaire
la fougue de l'esseulée qui ne faisait pas mystère
de l'immense variété de ses appétits sauvages.
Nous y avons consumé nos corps et bien davantage,
livrant nos intimités à un délicieux carnage.

Tandis qu'elle reposait, le sein lourd et alangui,
j'eus le temps de composer quelques quatrains à l'envi.
Sur la table de chevet, je laissai en évidence
les feuillets de mon billet où se lisait l'importance
que je voulais accorder à l'ineffable expérience.

Comme je quittais l'endroit, des sensations nouvelles
se révélaient à moi, jaillissaient en étincelles
et soudain j'avais compris, cheminant sur la terre,
de l'épisode inouï le caractère éphémère :
tout séjour m'est interdit au pays "de l'Aube Claire".

Les Bois de Gahenne ouvraient leurs mirages sur ma route
confiant j'en traversai la profondeur, et le doute
pas à pas accompagnait ma saine contemplation,
tout au bonheur d'être au coeur de si denses frondaisons
- dans mon sillage, émietté : un carton d'invitation.

norbert tiniak © 2008 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
texte inspiré par une photographie

extraite de LA CHAMBRE NOIRE de Gaëna

Commentaires

  • La carton qui happe, au son d'une harpe,
    Jazz en ces désirs de muse,
    Car tant d'émotion soulève,
    Et ce n'est plus de marche dont il s'agit,
    Mais de voyages dans les airs,
    D'un blues invitation,
    Et les doigts couraient sur les cordes,
    Tout en douceur et dextérité,
    Pour résonner en attraction.

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