J’aime à voir sinuer, entre les fins copeaux de Comté, les reflets verdâtres et veloutés de l’huile d’olive quand, du pouce et de l’index, je fais légèrement osciller ma tartine de pain grillé pendant la pause pub de mon film du soir. Dans ces plages de publicité indigeste, je déteste en revanche voir ces femelles béates devant le prochain bien de consommation sur lequel vont se ruer nombre d’écervelées désespérément en quête d’un brin de reconnaissance. Reconnaissance de quoi donc ? De leur uniformité normée ? Peuh… !
Après le dernier film du soir, j’aime prendre l’air, quel que soit le temps et marcher dans le quartier où je réside depuis plus de trente ans de célibat résolu. Je jette un œil aux nains de jardin du voisin, celui du 40bis, voir s’il n’aurait pas fait une nouvelle acquisition de ces pitoyables mochetés qu’il vient briquer tous les matins avant de se rendre au boulot et le soir au retour, sous le regard flétri de mièvrerie que lui prodigue sa vieille bique de mère, derrière son rideau brodé, par-dessus la jardinière de géraniums rabougris. A pleurer...
Battre lentement les cartes de ma patience, un grand bol de café ravissant mes narines tandis que la radio égraine ses émissions, aussi matinales que je le suis, me procure un plaisir savoureux. J’aime y manifester lascivement la plénitude de mon quotidien solitaire contre les vaines turpitudes qu’assènent, avec une obstination quasi obscène, les prétendues « nouvelles du jour ». Quid novi sub sole ? Des nèfles ! La litanie des bassesses, du pain, des jeux… Du flan !
Elle s’annonce fort belle, cette journée. La lumière est à s’y dissoudre ! On dirait un 4 juillet dans un film américain à gros budget. J’ai bien l’intention de la mettre à profit car demain, à la Maison de Quartier, se tiendront des sélections (des sélections… !) pour désigner la future Reine des Pétasses de notre région. Je file droit vers le fleuve avec, encore en tête, les images confuses et vivement colorées de mon dernier rêve; un de ceux que j’affectionne particulièrement, où je promène, flanqué de mon Âne-Chien, par des rues saturées d’odeurs et sous le vert couvert d’arbres bavards. L'entièreté de mes sentiments s'y répand. Délice !
Ramdam comme prévu, le lendemain matin ! En fermant les volets, j’entrevois l’autre benêt du 40bis sortir son chien ridiculement minuscule dont la clochette tintant à son collier a le don de m’exaspérer. Le jour durant, je me contenterai de l’ombre douillette et enfumée de mon meublé. Pourvu que les voisins n’aient pas la mauvaise idée de jouer de leurs tondeuses durant ma sieste ! Au moment de fermer les yeux, je tends le bras vers la radio qui bruisse sur le guéridon près du canapé. A peine si j’entends les derniers mots du bulletin des actualités…
« …Drame aux élections de Miss Normandie : l’élue du jour a été retrouvée à l’aube, près du fleuve, le corps massacré et odieusement mutilé. Des témoignages concordants lèvent la piste d’un individu aperçu portant un nain de jardin, passablement ensanglanté et figurant le célèbre chef Apache, Jéronim… » - OFF -
Peinture d’Art Brut – ©Jaber (Al Mahjoub)
tiniak ©2019 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
pour un Impromptu Littéraire - tiki#350
Sur la proposition d'Emma :
"Cette histoire se déroule un 4 juillet.
Elle fait intervenir un chien riquiqui, une tondeuse, un vieil Apache et une reine de beauté."
Commentaires
Restons zen, c'est bientôt l'Eurovision ! :-)
Woup pitingue ! Comment t'as raison ! J'ai gaffé quelque part ? Nan, vas-y dis ! J'ai gaffé quelque part ! Hein? XD
Meuh non, c'est super, comme toujours !