Quand j'aurai assez bu - mon vers ! de tous vos pleurs
me servirez vos cœurs et votre âme à l'envers
et serai toute ardeur à clamer vos mystères
à votre sourde oreille où je sonnerai l'heure
Cassandre a l'alarme fatale
Vous me jugerez sot, inconvenant, sévère
saligaud bien ingrat, fou peut-être - ça va...
mais je ne dirai rien que ne sache déjà
votre bouche embourbée de pelletées de taire
(Cassandre avait des couilles ?)
Ne parlons plus de vous ; disons l'Autre (absolu)
et vous applaudissez à la fin du spectacle
partageant le regret des antiques oracles
avec votre voisin qui n'a rien retenu
que ceci (ce passage un peu cru, j'en conviens
cavalier pour le moins puisque ça parlait cul
et disait, ce me semble, à peu près ce qui suit) :
Cassandre a dit Ceci
...Ah bonjour, entrez donc !
faites, je vous en prie
...le ventre sur la table, Ninon
...est-ce là que tu trembles ?
et oh et ah et han !
et voyons maintenant ce que dit ce cartable
...ça fait bien des devoirs
s'en remettre à deux mains serait pas raisonnable
...bonsoir...
Mais c'est la vie encore et de ce qui vous fâche
c'est de mâcher la mort dans un brin de genêt
puis d'en dévorer l'or sans plus le contempler
que vos cieux dont j'adore agacer les dieux lâches
(Cassandre est anarchiste ?)
Aussi quand je m'invite avec mon gris sourire
à vos farces de fête aux simiesques grimaces
et décolle des miettes prises dans la glace
le reflet sirupeux de vos masques empires
voici que le brouillard ceignant vos majestés
en déserte le socle et révèle les douves
et ce qui pourrit là des secrets que l'on couve
exhale ses humeurs jusque sous votre nez
Cassandre a du flaire
Et, oui ! ça sent la merde et la mort des soleils
tout le triste abandon des appels en souffrances
toute la contrition d'intimes appétences
et le saint sacrifice des simples merveilles
voici que vos créneaux chopent la chair de poule
et soudain mous du cou les donjons qui s'affaissent
que la herse édentée ne tient plus ses promesses
et tous les chevaliers qui rejoignent la foule
Cassandre a ses humeurs
tandis qu'au rempart sud montent des oubliettes
la très insupportable au regard indigence
et ses multiples voies entrant en résonance
pour former le fracas du seul Cri qui s'entête
à battre le rappel de tous les pieux serments
à couper le sifflet de tous les trains ignobles
à rendre la douleur des forêts, des vignobles
au passage enroué de tous les quatre vents
Cassandre a fini sa colère
Alors je ne tiens plus debout dans votre grâce
et l'aura de mon verbe est un casque de feu
qui vous donne la fièvre et vous ronge les yeux ;
vous dites : "À genoux ! À la niche ! À ta place !"
Cassandre a bien du chien
C'est bon ! C'est bon ! les chiens me sont plus fraternels...
mais je n'ai pas fini, car vous pleurez encore !
Pleurez-vous des amis les entrains, les transports ?
Pleurez-vous de vos nuits les vides essentiels ?
J'en ai cueilli des pleurs au chevet des regards
qui vous sortaient de sous l'arche du frontispice
qui vous faisaient la peau des joues comme un calice
et mêlaient à leur sel votre unique nectar
Cassandre a le dégoût simple
...Et non, vous ne pleurez que votre solitude
- on en fait des brassées qui couronnent les tombes,
mais n'apaisent jamais la gorge des colombes,
de ces pleurs ignorant toute sollicitude
Si j'en buvais le quart, en pisserais des fûts !
Adressez-vous ailleurs (d'ailleurs vous savez où)
Ce n'est pas mon affaire...
Oui, j'ai quelque exigence, alors, en la matière
Cassandre a des exigences en la matière
Peu m'importent du fond le goût ni la couleur
l'enveloppe... le rang... Je bois des pleurs limpides
la goutte qui vous tient en suspens dans le vide
aussi brutal et nu que l'est votre malheur
Et c'est quand vous chutez que je tire la langue
à qui je dois le don de muer votre peine
en poème, en chanson, en longue cantilène
et même, à l'occasion, en pamphlets ou harangues
Cassandre a du savoir-vivre
car je ferai grand cas - sans draper à outrance
de votre dénuement l'aube apocalyptique,
de votre dénuement toute la sémantique
en repeignant vos ciels d'une neuve espérance
avec les mots de paix, compassion, connaissance
qui sont l'oraison pure et vive de mourir
pour accorder à l'autre le soin de les dire
et bâtir à nouveau l'amour de l'existence
tiniak © 2009 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK