Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

explicitement

LE DÎNER INCIPIT

Le crayon de Dieu lui-même n’est pas sans gomme.
Ne croyez pas que les feuilles mortes tombent d'un coup, comme les fruits mûrs, ou sans bruit, comme les fleurs fanées. Ca a débuté comme ça. Moi, j'avais jamais rien dit...

Pendant tout l'après-midi, le vent filtra des noires gorges du pays de Galles, proclamant que l'hiver avait glissé du pôle sur le monde. C'était une journée d'avril froide et claire. Ils sont apparus, comme dans un rêve... A un dîner d'athées. Le jour tombait depuis un moment, ils se tenaient immobiles, à quelques pas les uns des autres. Comment s'étaient-ils rencontrés? Par hasard, comme tout le monde...

Le soleil ayant achevé plus de la moitié de sa course et son char, ayant attrapé le penchant du monde, roulait plus vite qu'il ne voulait (il ne fait pas tout à fait noir et le bruit des voitures sur le boulevard remue les ombres). La veilleuse, dans un cornet bleuâtre, brûlait sur la cheminée, derrière un livre, dont l'ombre noyait toute la moitié de la chambre. Car est-il que ce fut au temps, au siecle, en l'indiction, en l'ere, en l'hegire, en l'ebdomade, au lustre, en l'olympiade, en l'an, au terme, au mois, en la sepmaine, au jour, à l'heure, à la minute, et justement à l'instant que « Oh, oui, me dis-je, bientôt tout sera terminé. Je vais encourir bien des reproches... C'est peut-être vrai que je suis un lâche. »
Il y a des justes dont la conscience est si tranquille. Pour faire partie du petit noyau, du petit groupe, du petit clan… qu'il est glorieux d'ouvrir une nouvelle carrière, et de paraître tout à coup dans le monde savant, un livre de découvertes à la main, comme une comète inattendue étincelle dans l'espace !

Le Président était encore debout au milieu du léger tumulte que son entrée venait de produire. Il fut précédé par un grand déploiement d'appareil militaire.


***

« Oui, cela pourrait commencer ainsi, ici, comme ça, d'une manière un peu lourde et lente, dans cet endroit neutre qui est à tous et à personne, où les gens se croisent presque sans se voir. »

Couchée sur la poitrine, les coudes en avant, les jambes écartées et la joue dans la main, elle piquait de petits trous symétriques dans un oreiller de lin vert, avec une longue épingle d'or... pour que son attitude ne la trahisse en rien. Elle se rapproche de son ami.
Colin terminait sa toilette.
« Alors, tu vas vraiment faire ça ? Évoquer tes souvenirs d'enfance… »
Le riche parfum des roses embaumait l'atelier…
Le vent, tiède et endormi, poussait une brassée de feuilles contre la fenêtre. C'était le matin et l'or d'un soleil tout neuf tremblait sur les rides d'une mer paisible. Le calme. Le gris. De remous aucun. Quelque chose doit être cassé dans la mécanique mais rien ne transparaît. C'était le matin dans les arpents verts de la vallée de Jarvis.
« - Tu vois, ma bonne amie, que je tiens parole… Et pourquoi cesserais-je d'être de mon village ? Il n'y faut pas compter. Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple… Ça a été plus fort que moi, je me suis mis à noter cette histoire de mes premiers pas dans la carrière de la vie, alors que j'aurais pu m'en passer. Il y avait d'abord ce visage allongé par quelques rides verticales, telles des cicatrices creusées par de lointaines insomnies, un visage mal rasé, travaillé par le temps… Ai-je été nourri par ma mère ?
« - Le mieux serait d'écrire les événements au jour le jour…
« - Plût au ciel que le lecteur enhardi et devenu momentanément féroce comme ce qu'il lit, trouve, sans se désorienter, son chemin abrupt et sauvage, à travers les marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison.
« - Pff ! Les hommes, il faut les voir d'en haut.
« - Pour écrire de sa vie, il faut avoir vécu; aussi n'est-ce pas la mienne que j'écris. Je hais les voyages et les explorateurs... Je suis seul ici, bien à l'abri... Le rêve est une seconde vie...
« - Pourquoi soutenir que tu sais ta leçon ?
« - Si vous voulez vraiment que je vous dise, alors la première chose que vous allez demander c'est où je suis né, et à quoi ça a rassemblé ma saloperie d'enfance, et ce que faisaient mes parents avant de m'avoir, et toutes ces conneries à la David Copperfield, mais j'ai pas envie de raconter ça et tout. J'ai célébré les bergers du Tage; j'ai décrit leurs innocentes mœurs, leurs fidèles amours, et la félicité dont on jouit avec une âme pure et tendre. Nous voici encore seuls. Tout cela est si lent, si lourd, si triste… Bientôt je serai vieux. C'est le moment de croire que j'entends des bruits.
« - Sur ce sentiment inconnu dont l'ennui, la douceur m'obsède, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse.
« - Il faut fuir, mademoiselle, je le sens bien…
« - Considère, mon amour, jusqu'à quel excès tu as manqué de prévoyance. Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte. Ce n'est pas une raison, pour ne pas se consoler, ce soir, dans les bruits finissants de la rue, se consoler, ce soir, avec des mots. »

Ceci est un écrit vain 

Où retrouver "Les curieux événements qui font le sujet de cette chronique..." (Albert Camus, La peste)

Pour un Impromptu Littéraire - tiki#113
tiniak © 2011 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

 

Lien permanent Catégories : >imPrOmpTus 0 commentaire

Les commentaires sont fermés.