L'homme va, fatigué de faire un pas de plus
avec tout ce qui lui sort par les yeux qui lui pince les lèvres
avec sa vieille peur qui attend sous le porche
de lui rire au nez
de lui souffler la torche
de lui siffler le peu qu'il lui reste de rêve
pas à pas, tout du long, la même rue qu'hier
- la même que demain, allez !
malgré ce temps de chien qui crachote à ses pieds
L'homme va, fatigué d'avoir la terre entière
venant à son encontre
Il regarde sa montre
Elle marque l'hiver
C'est dans l'ordre des choses
et ça colle à l'endroit
humide, gris et froid
morose
où rien ne lui dit plus
que l'aller, le retour
la nuit qui vient, le jour
et la fatigue d'être
si lourdement vêtu, passant sous la fenêtre
Un coup d'œil à la montre : l'hiver et cinq minutes
L'homme va, fatigué d'être encore à la lutte
avec tout ce qui pleure
avec ce qui le traque
avec sa vieille peur qui attend sa barbaque
et tire sur la longe
pour un dernier mensonge
(qui pour la ramasser quand on jette l'éponge ?)
avant de le plaquer contre les murs épais
de son piège
Obstinément, le front contre la neige fine
qui s'amasse aux épaules de sa gabardine
l'homme va, fatigué
Un frisson le traverse et lui crispe le cou
L'homme va, fatigué, en pliant le genou
lentement
vers sa trappe
à son heure
tiniak - Ruades © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
(vasque exposée au Louvre)